Eh bien, nous y voilà !Au point crucial de la mutation où on doit changer un modèle politico-social vermoulu, hérité de l’ancien régime, pour aborder, avec la réforme, le changement. Wade s’y était engagé. Le voilà donc, au cap des tempêtes, tentant de conduire une nation encalminée vers le grand large du développement. Accrochez-vous, ça va tanguer !
Vous pensiez, vous, que Wade reformerait sur un chemin de roses ?Qu’en le portant à la magistrature suprême, il changerait du jour au lendemain le Sénégal ?Allons donc messieurs !la reforme touche, aujourd’hui, un pays beaucoup plus abimé qu’on ne croit. Quarante années de règne socialiste ont, au Sénégal, mutilé la valeur du travail, libéré la triche, sacralisé la corruption et gonflé comme nulle part ailleurs les déficits publics. Et pendant que Wade, à son arrivée au pouvoir, s’attaquait à la rouille du navire national pour le sortir de son radoub, comble d’infortune, une crise financière venue d’ailleurs lui tomba dans les bras, menaçant, à coups de massue, de fracturer son quinquennat. S’en suivirent alors une importante flambée des prix des denrées de première nécessité et une chute vertigineuse de sa côte de popularité. Eh oui, mes chers amis, le président ne fait plus rêver comme au début de l’alternance avec tout le lyrisme ambiant qui avait alors accompagné son arrivée au pouvoir. Est-ce, pour autant, surprenant ?Non. D’abord parce que l’expérience nous enseigne que l’état de grâce présidentiel est de nature fugace. Ensuite, il faut avouer qu’un Wade en lévitation vers des concepts tels que la renaissance africaine et autres horizons du même genre n’exalte guère un populaire cramponné à ses fins de mois. Pour autant, il serait injuste de juger le bilan de Wade sur ces seuls critères car ce désenchantement populaire éclipse à l’excès des résultats dont peut être créditée sa présidence. Nonobstant les limites auxquelles se heurte sa politique, il est à mettre à l’actif de Wade des avancées concrètes et significatives dans bien des domaines de la vie de notre pays. Verre à moitié-plein ou à moitié-vide, c’est selon. Toujours est-il qu’il s’est rempli. Or, pendant quarante ans de règne socialiste, il est reste vide sur la table.
Outre le plan-peu médiatisé mais capital-reva, la reforme portant sur les universités constitue, à mon sens, l’une des plus marquantes du magistère de Wade. La mise en place d’universités dans chaque capitale régionale participe d’une politique de « décentralisation du savoir »,à bien des égards bénéfique pour notre pays quand on sait que pendant des années, l’université de Dakar s‘est trouvée asphyxiée par des marées d’étudiants qui venaient du tréfonds de la république pour happer des bribes de cours dans la promiscuité des amphithéâtres. Avec, en sus, l’allocation systématique d’une bourse ou d’une aide à chaque étudiant, les conditions de vie et d’étude dans nos universités se sont considérablement améliorées.
Un autre succès et non des moindres du règne de Wade :sa gestion de la crise. En effet ,face à la flambée des prix des denrées de première nécessité, son refus d’avoir recours à l’expédient compulsif de la dette pour d’éventuelles subventions fut salutaire. La légitimité économique de l’emprunt, ne l’oublions pas, se dégrade lorsque le sens de la mesure fait défaut. Aussi, en réponse à cette flambée des prix, initie-t-il la GOANA dont l’objectif déclaré est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire afin de libérer notre pays de sa dépendance au yo-yo des prix qu’impose une conjoncture internationale changeante. Ainsi donc, face à cette crise des plus funestes, le président Wade aura été le moins manchot des caciques de la sous-région.
Ces importants succès dans différents domaines ne sauraient, pour autant, occulter ceux relatifs à la mobilité urbaine dans notre pays. Le Sénégal, sous Wade, s’est doté d’infrastructures routières de qualité permettant la libre circulation des personnes et des biens, seul gage de développement dans notre pays. Aujourd’hui, routes et ponts irriguent les zones les plus reculées de notre pays, rendant ainsi accessibles des horizons jusque-là inconnus. La revalorisation des pensions des anciens combattants est le fruit d’un âpre combat mené par le président Wade. En instaurant, en outre, la journée des tirailleurs sénégalais, il aura réussi à ancrer encore un peu plus le Sénégal dans son histoire et dans sa mémoire nationale.
Sur la scène continentale, Wade aura ,de par son leadership, guidé les pas hésitants de l’Afrique sur plusieurs terrains. Notamment sur celui scabreux des APE où sa position aura permis à l’Afrique d’éviter une sérieuse dégradation de son tissu économique. Enfin, rappelons son discours historique prononcé à la conférence de Durban et qui aura davantage confirmé son leadership sur la scène africaine.
Il serait prétentieux de ma part de vouloir égrener toutes les perles du chapelet de succès dont Wade peut être crédité. Mais il me pourra néanmoins dire que durant sa décennie de magistère, il aura fait bouger le Sénégal et l’Afrique en général. Il est toutefois regrettable que des résultats aussi probants soient inconnus du grand public. La faute en revient en partie à Wade. Son omniprésence médiatique tout au début de son septennat en aura agacé plus d’un et aura fait de lui un président de plus en plus entendu et de moins en moins écouté. Cette propension à toujours être au devant de la scène laisse, à la longue, l’opinion partagée entre l’approbation de l’action et les déceptions de la manière. A force d’être toujours sous les feux des projecteurs, on finit par s’occuper et de l’essentiel et du subsidiaire. Or, le vrai chef, dit la sagesse antique, ne s’occupe pas de vétilles. Remarquons quand même que depuis quelques temps, il tend à rectifier le tir en étant de moins en moins présent sur la scène des medias. Wade a, depuis, reboutonné le costume mais l’opinion garde encore en mémoire son débraillé initial. Gageons qu’avec le temps, Wade saura reconquérir le cœur de cette partie de sénégalais déçus. C’est là un autre défi qui se dresse devant lui. Mais, après avoir relevé tant d’autres défis, on ne doute pas de sa capacité à relever celui-ci. Je suis optimiste.
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