Leur premier album, P.A. Universal, vient de sortir. L’objectif pour les membres d'Akatsuki SN : se faire une place dans le milieu du rap sénégalais et exporter leur musique à l’international.
Les quatre rappeurs rigolent et discutent dans le studio du label sénégalais Neegurap, au premier étage d’un immeuble du quartier populaire des Parcelles Assainies à Dakar, dans une rue où défilent bruyamment voitures, taxi et bus collectifs. Ici, dans la pièce insonorisée et climatisée, ils retrouvent le calme pour créer, écrire, enregistrer leurs sons ou imaginer leurs futurs clips.
Entre 21 et 25 ans, ces jeunes du quartier ont vu leur carrière prendre un tournant le 30 octobre 2020 au moment de la sortie de leur premier single Weredi, qui cumule maintenant plus de 1,5 million de vues sur Youtube. Mais fait rare, le clip a rapidement séduit en dehors du Sénégal, jusqu’à être partagé par les renommés Booba ou Black M.
"En entendant l’instrumentalisation, on savait que ça allait marcher au Sénégal, mais on ne s’attendait pas à ce que cela fasse du bruit et perce à l’international, c’était un rêve qui se réalisait. On a pu montrer que rapper en wolof n’est pas un frein, il faut seulement trouver une identité musicale", lance fièrement Xhalil, 24 ans, en remontant sur son nez ses petites lunettes aux verres fumés.
Tout a commencé en 2019, quand Mohamed Philippe Dasylva, producteur et ingénieur du son, a repéré ces quatre rappeurs séparément, et a eu l’idée de les rassembler autour d’un projet commun pour créer le groupe Akatsuki SN. Tous viennent du même quartier, mais menaient des carrières solos.
Ensemble, ils ont d’abord sorti quatre singles, dont Weredi et Free Sénégal, sorti au moment des émeutes violentes des mois de février mars 2021 qui ont fait plusieurs morts, suite à l’arrestation de l’opposant politique Ousmane Sonko accusé de viol. "Quand le pays bouge, nous sommes obligés de nous exprimer… En tant que rappeurs, nous parlons pour le peuple, pour le Sénégal, pour notre famille et pour nous-mêmes", assure LMN Xél Niar, 25 ans, qui a lui-même manifesté.
Un premier album
Pendant deux ans, les rappeurs, accompagnés du label Neegurap, ont travaillé sur un album qu’ils ne voulaient pas sortir trop vite pour être sûr de "faire des exploits", ambitionne Xhalil. L’album P.A Universal de quinze titres - en wolof et en français - est finalement sorti le 15 octobre 2021.
Il parle de la vie quotidienne, des difficultés et des ambitions des jeunes de la banlieue dakaroise. "On raconte notre vie au quartier, ce sont des choses que l’on a vécues comme la pauvreté, la vie au jour le jour, les difficultés dans les transports pour se déplacer et travailler, le vol et la délinquance, ou le taux de grossesse élevé des jeunes filles dans les écoles", liste Sory L’officier, le benjamin de la bande qui a passé son baccalauréat l’année dernière pendant que le son Weredi faisait le buzz.
Fils d’un imam, il explique qu’il est possible de parler de tout, de religion, de reconnaissance, d’amour, ou de sexe, à partir de moment que cela est fait avec respect. "Ils font le récit de leur expérience de jeunes de banlieue, de quartiers pauvres défavorisés… Ils expliquent leur vécu, mais ils veulent aussi donner du courage en parlant de leur réussite et de leurs ambitions", explicite François Laurent Andre Diouf, directeur général du label Neegurap.
Mais cet album est aussi une première pierre pour se faire connaître et pour s’imposer dans le milieu ultra-compétitif du rap sénégalais. Il fallait se positionner et "mettre en garde les adversaires", explique Sory L’officier, notamment avec le titre War (la "guerre" en anglais). "Nous avons aussi écrit des égotrips où on parle de soi, on dit qu’on est les meilleurs… Ça donne de l’énergie et ça donne confiance en soi, ça pousse au respect", revendique Xhalil, inspiré des rappeurs américains et pour qui le rap est une "musique de vérité".
Le rap, un choix de vie
Et ce tournant dans la carrière de ces jeunes n’a pas toujours été facile. "C’est mal vu d’être rappeur et c’était donc compliqué aussi avec ma famille, explique Talla BTB, dont le choix de vie est davantage accepté maintenant que le groupe marche. Tous les jeunes font du rap, c’est dur de percer. Il faut se démarquer par la musique, la production, l’instrumentalisation et une identité visuelle très poussée", continue le jeune homme de 24 ans. Tous habillés de façon identique sur scène, ils ont travaillé et créé leur univers pour se différencier des autres.
Mais monter un groupe de rap alors que dominent les artistes solos était un gros pari, explique François Laurent Andre Diouf. Après des mois de négociations, il a réussi à leur faire signer un contrat de distribution avec Universal Africa qui permet de continuer la lancée vers l’international, d’exporter Akatsuki SN dans l’espoir de l’imposer comme "le groupe de rap de référence du hip hop sénégalo-africain à l’international", ambitionne le manager.
Il explique qu’il est nécessaire pour un petit label de banlieue comme le sien de s’allier avec des partenaires de taille pour atteindre leurs ambitions au-delà du Sénégal. Le dernier concert était le 6 novembre à l’hôtel Onomo de Dakar. D’autres dates sont encore en discussion, tandis que le groupe prépare le show.
Akatsuki SN P.A Universal (Neegurap/Universal Music Africa) 2021
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