Jeudi 28 Mars, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Culture

Sénégal : Après la fête de la musique, quid des droits d’auteur ?

Single Post
Le chanteur sénégalais Baaba Maal se produit sur scène le 11 décembre 2015 sur la place de l
Les musiciens font rayonner le pays de la Téranga à travers le monde, mais peinent à vivre de leur art. Il suffirait pourtant de rendre effective la redevance pour copie privée censée rapporter des milliards de francs CFA au pays, mais dont l’entrée en vigueur tarde sans raison apparente.

À l’instar de nombreux pays à travers le monde, le Sénégal a célébré ce 21 juin la fête de la musique, une manifestation imaginée par l’emblématique ministre de la Culture de François Mitterrand, Jack Lang. Plus que le cinéma, la littérature, le tieboudiène ou encore le foot, c’est la musique qui fait le plus rayonner le pays la Téranga. De Baaba Maal – auteur de l’hymne tambouriné du blockbuster hollywoodien « Black Panther » – à Doudou Ndiaye Rose en passant par Akon, Wasis Diop, Youssou Ndour, Ismaël Lô, Omar Pène ou encore Thione Seck, Coumba Gawlo et Daara J Family…, elles sont nombreuses les voix célèbres qui ont permis au reste du monde de situer le Sénégal sur une carte.

Garantir des revenus aux créateurs

Et qui dit création artistique dit aussi droit d’auteur. En principe. Jusqu’en 2013, les droits d’auteurs étaient gérés par une entité publique, le Bureau sénégalais du droit d’auteur (BSDA). Il avait tutelle sur les œuvres, lesquelles « appartenaient » alors à l’État. C’est l’État qui décidait quel pourcentage des redevances perçues il reversait aux auteurs. De même, il déterminait, unilatéralement, quelles sommes l’audiovisuel public devait attribuer à ces auteurs. Rien de bien réjouissant donc pour ces derniers.

Le remplacement du BSDA par la Sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav), en 2013 donc, leur promettait de nouvelles et belles perspectives, la loi reconnaissant non seulement la propriété des auteurs et leur tutelle sur leurs propres œuvres, mais aussi une nouvelle catégorie de bénéficiaires de droits d’auteur, les interprètes et les producteurs. Les droits d’auteur devaient d’une part  garantir des revenus aux créateurs d’œuvres de leur vivant ainsi qu’à leurs ayant-droits après leur disparition – ce qui permettait de préserver leur dignité -, de l’autre, les redevances qui en découleraient devaient financer et consolider l’industrie culturelle, dans ce pays où les musiciens représentent 80 % des membres de la Sodav, et la musique, 90 % des redevances.

Immobilisme et querelles stériles

Sauf que, plus de treize années après, les décrets d’application de la dite loi ne sont toujours pas pris. Résultat, la redevance pour copie privée, qui est aussi la mesure la plus significative – et potentiellement la plus profitable aux auteurs -, n’est toujours pas instaurée. Issue de taxes appliquées à l’entrée du territoire sur tous les appareils permettant la copie d’une œuvre, tels les smartphones, les clés USB, les disques durs externes, les laptops et autres ordinateurs, ladite redevance était supposée rapporter au Sénégal des milliards de francs CFA, répartis entre auteurs/éditeurs, interprètes et producteurs.

Difficile de comprendre que la Sodav, pourtant dirigée par la productrice musicale Ngoné Ndour Kouyaté, ne soit pas encore parvenue à faire triompher les droits des artistes. L’organisme s’illustre en revanche par son immobilisme et dans de stériles querelles avec l’État,  et cristallise la colère de nombreux membres, frustrés que les répartitions semestrielles ne leur rapportent que des miettes.

Sommes ridicules

Et on se retrouve dans la situation ubuesque où le BBDA du Burkina Faso, très peu réputé pour la qualité de ses œuvres musicales, perçoit plus de redevances que la Sodav sénégalaise. En théorie, la RTS doit verser à la Sodav quelque 25 millions de francs CFA annuels. Ce qu’elle n’a jamais fait. En réalité, elle perpétue consciencieusement une dette héritée du défunt BSDA. Alors qu’il y a quinze ans, l’audiovisuel public camerounais versait déjà 300 millions de francs CFA annuels à la société de droit d’auteur locale, la RTI ivoirienne, 200 millions de FCFA par an.

Et la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 dont nous sortons à peine n’a rien arrangé : entre mars 2020 et mars 2021, les musiciens sénégalais ont particulièrement souffert de l’interdiction des spectacles vivants, dont les concerts de musique. L’État a distribué, en deux fois, 5,5 milliards de francs CFA au titre de « l’aide Covid » aux créateurs. Ils se sont retrouvés avec la somme ridicule de …127 500 francs CFA chacun.

Nashville africain

J’ai participé à la rédaction de l’actuelle loi de 2008 sur le droit d’auteur et les droits voisins, dont l’élaboration a été financée par la Banque mondiale. L’ambition était de faire du Sénégal le « Nashville africain de la musique ». Aucun des projets annexés à cette loi n’a été réalisé. Défaite de la musique, mais aussi défaite des arts : la Sodav, contre toute logique – et au nom du consensus mou -, réunit les représentants de toutes les disciplines artistiques. En octobre 2019, la Sodav, devant le ministre de tutelle, posait en grande pompe avec les artistes visuels : il venait de leur allouer la ridicule somme de 20 millions de FCFA.

En janvier 2007, j’étais exclu de la Coalition interprofessionnelle des producteurs et éditeurs phonographiques du Sénégal (CIPEPS), organisation professionnelle phare (ou loupiote ?) des producteurs musicaux, que j’ai fait entrer au Conseil national du patronat du Sénégal, en 2006. Mon tort ? Avoir souhaité que les bénéficiaires  du droit d’auteur et des droits voisins réclament le paiement de leurs redevances par toutes les voies légales, y compris la publicité négative des contrevenants ou récalcitrants, et des actions en justice contre les structures publiques et l’État du Sénégal s’il le faut.

L’histoire prouve que je n’avais pas tort. Pourvu que le renouvellement des membres du conseil d’administration de la Sodav qui s’annonce soit un prélude à la mise sur orbite de la redevance pour copie privée au Sénégal. Et que vive la musique, enfin !


2 Commentaires

  1. Auteur

    Volai414

    En Juin, 2021 (10:12 AM)
     

    ENTRE QUALITES ET DEFAUTS

    Artistes, sportifs… Ils sont nombreux au Sénégal à connaître des après-carrières difficiles voire dramatiques. Comme l'a si bien chanté Youssou N'dour, on le dit depuis des années mais…

    Le sénégalais, culturellement, a souvent une qualité qui peut lui nuire : il est généreux. Poussé à l'extrême, il en devient non prévoyant et n'assure pas ses arrières. Il a aussi tendance à un gros défaut : il aime qu'on voit ce qu'il a et l'expose sans protection. Quand on sait que des talents, richissimes au sommet de leur art, comme N'diaga M 'baye, Doudou N'diaye Rose…. ont connu des difficultés à la fin de leur vie, on peut se poser des questions. Existe-t-il une caisse de retraites pour eux pour leurs vieux jours ? Si ce n'est le cas, il faut se dépêcher d'en mettre une sur pied. Ils ont aussi la possibilité d'ouvrir des assurances-vie dans des pays plus sécurisés. Bien entendu, le mieux serait que cela reste dans le pays mais je ne rêve pas. Le vol et l'escroquerie n'étant pas punis chez nous, je n'en dis pas plus. Des solutions, il y en a, il suffit d'avoir la volonté pour en tenir. Nous pouvons aussi nous interroger sur la préservation de l'héritage. Qu'avons-nous fait des œuvres de Soundioulou Sissokho, Lalo Kéba Dramé, Samba Diabaré Samb, Abdoulaye M'boup…...

    Autrement, pour ce qui est du talent et de la contribution au rayonnement de notre culture, il y en a que j'aimerai bien rencontrer pour leur serrer la main, les remercier pour ce qu'ils nous apportent ou nous ont apporté, particulièrement les monuments Youssou N'dour, Baaba Maal, mais aussi Pape et Cheikh que j'ai récemment découverts.
    Top Banner
  2. Auteur

    En Juin, 2021 (12:10 PM)
    Allez demander à l'opportuniste Youssou Ndour la recette de gains faciles .

    Benetton attend toujours l'argent que le conseiller de rien lui a substitué sans rien en retour 
    {comment_ads}

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email