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Récurrence de signatures par l'Etat de contrats de Partenariat Public-privé : Attention Danger !

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Récurrence de signatures par l'Etat de contrats de Partenariat Public-privé : Attention Danger !

«Le partenariat public-privé (Ppp) est devenu un outil qui favorise la vie à crédit et le surendettement !». Ces mots, crachés en 2012 par François Hollande, traduisaient un ras le bol généralisé. Sentiment amer, qui avait accompagné des années de fiasco dans les Ppp. Mais, ces fiascos, chez nous, on semble les ignorer. Devant construire plus d’infrastructures, avec moins de ressources, en peu de temps, l’invite aux Ppp reste aujourd’hui, une des chansons favorites du Président Macky Sall. Méconnaissance ou mépris volontaire des risques ? En tout cas, jamais dans notre pays, les portes de l’économie et surtout des infrastructures, ne furent aussi ouvertes aux partenariats publics-privé.

Le port avec Dp World, Nercotrans, l’Aibd, l’autoroute à péage et ses prolongements, tous ces projets ont été ficelés sous forme de Ppp. Et l’actuel chef de l’Etat ne compte pas s’arrêter en si bon chemin: «Nous avons des besoins énormes en infrastructures pour soutenir nos ambitions de d’émergence. (…). Au delà des infrastructures routières, autoroutières ferroviaires (avec le train express régional qui va relier Dakar au nouvel aéroport international), je crois qu’il y aura forcément du partenariat public-privé», avait déclaré Macky Sall au forum sur les Ppp, proposant la construction d’hôpitaux, d’écoles, d’infrastructures hôtelières aux privés. Ce, au moment où en occident, les échecs répétitifs dans les Ppp, ont jeté la méfiance sur cette façon de faire les affaires.

Origines d’un instrument à double tranchant

Mais pour connaitre les Ppp, il faut remonter jusqu’à ses origines. Ils sont nés vers la période des ajustements structurels en Grande Bretagne sous l’appellation de Private Finance Initiative (Pfi). Aujourd’hui, le partenariat public-privé est un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le partenaire privé se fait rembourser en contrepartie, soit par l’Etat, soit par les usagers du service qu’il gère (exemple l’autoroute à péage), soit par les deux.

Promu et soutenu par la Banque mondiale et l’Ocde, du fait de l’explosion de la dette des Etats à l’époque, cette forme de partenariat, s’exportera dans plusieurs pays, surtout dans nos Etats impécunieux. Ils accroissent les investissements sans s’endetter véritablement ou en repoussant la dette soit sur les usagers soit à plus tard. En 2012, les études ont montré que dans le monde, le marché des Ppp, rien que pour les projets de plus de 20 millions de dollars, culmine à 86 milliards de dollars.

Les avantages qu’on leur prête : l’efficience, le rendement, la maîtrise des coûts et du timing, une meilleure conception des projets, la qualité des services, la garantie d’un entretien approprié dans les temps et permettre à l’Etat de se détacher de la gestion courante pour se centrer sur les produits et les résultats escomptés. Mais derrière ce visage radieux, se cache un océan de scandales et d’échecs.

Le Fiasco d’Eiffage en France

En France, par exemple, la construction du Centre hospitalier sud-francilien, reste un des symboles de l’échec des Ppp. Sa construction et son exploitation devant couter 780 milliards de Cfa au contribuable français, 11 mois après sa «livraison», le «mégahôpital», où des milliers de malfaçons ont été dénombrées, n est pas conforme aux normes! La presse française n’avait pas hésité à parler de fiasco. L’entreprise bénéficiaire du contrat avait exigé 185 millions d’euros supplémentaires pour réparer les imperfections. Et cette entreprise, vous la connaissez très bien, elle officie ici chez nous et a raflé de gros marchés dans le domaine même des Ppp au Sénégal. Il s’agit de la société Eiffage! Elle a construit l’autoroute à péage, financé à hauteur de 318 milliards sur 380 milliards de Cfa par l’Etat, qu elle exploite pour 30 ans.

Que dire du projet Ecotaxe où l’Etat français, qui a décidé d’abandonner le projet, est condamné à payer plus de 545 milliards de Cfa (839 millions d’euros) à Ecomouv. Soit, le 1/3 des ressources du Sénégal. Notre pays pourrait-il supporter ce genre de saignée ?

Face aux nombreux dérapages de ces Ppp, le Sénat français avait alerté le 16 juillet 2014. Pour lui, le contrat de partenariat est «un outil à haut risque pour la puissance publique». «Le contrat de partenariat présente plusieurs effets néfastes, notamment pour les générations futures. Sur le plan financier, le contrat de partenariat est une bombe à retardement budgétaire souvent ignorée par des arbitrages de court terme», avait indiqué le sénat français dans un document intitulé «les contrats de partenariat : des bombes à retardement?».

Scandales et corruption

Les dérapages dans les Ppp, le Canada n’y a pas échappé. Au Québec par exemple, ce que les médias ont jugé comme étant «la plus grande fraude de corruption de l’histoire du Canada», est né dans le domaine des Ppp. En effet, le vérificateur général avait décelé, au terme d’une enquête, que l ex-Pdg de Snc-Lavalin Pierre Duhaime et le président de sa division construction Riadh Ben Aïssa ont versé 22,5 millions de dollars en pots-de-vin à deux hauts responsables du Centre universitaire de santé McGill (Cusm), afin de rafler le contrat de 1,34 milliard dollars pour la construction en Ppp du nouvel hôpital universitaire anglophone.

Suffisant pour que la fin des Ppp, au Quebec, soit sifflée. «Des Ppp, on n en fera plus au Québec», avait déclaré avec humour l ex-ministre des Finances Monique Jérôme-Forget. Des exemples d’échec de ce genre, il y en a à foison. Toujours au Canada, le Ministère des transports du Québec, qui a signé un contrat avec un privé pour la construction de haltes routières, a vu l’entreprise la poursuivre en Justice et lui réclamer plus de 25 milliards de Cfa quand ledit ministère a refusé de lui payer ses bonus de performance.

En grande Bretagne, 10 à 15 % des investissements publics britanniques étaient réalisés en Pfi (private finance initiative). Mais, une étude du National Audit Office a montré que les conséquences d un tel mode de gestion, ne sont finalement pas positives d un point de vue financier pour le contribuable ou l usager. De plus, le premier secteur bénéficiant du Pfi, les hôpitaux ont désormais de lourdes charges de remboursement, les taux d intérêt d’emprunts sont supérieurs aux taux qu aurait pu obtenir l État s il avait choisi l emprunt. Résultat : les Ppp ont été freinés, réexaminés et réformés par le gouvernement Cameron. Aujourd’hui, la Grande Bretagne est à l’air du Pf2.

Le Fmi: «Des risques budgétaires importants»

Les dangers du Ppp, les institutions financières ne les ignorent pas. Au contraire, le Fmi a longtemps attiré l’attention sur l’impact qu’ils peuvent avoir sur les finances publiques. «Les Ppp peuvent présenter des risques budgétaires importants: dépenses hors budget qui échappent désormais aux contrôles, dette hors bilan et création de passifs éventuels et futurs. Les Ppp réduisent la flexibilité budgétaire à long terme et peuvent menacer la viabilité macroéconomique», alertait le l’institution de Breton Woods dans un document intitulé «gestion des risques budgétaires liés aux Ppp» réalisé par Maximilien Queyranne.

Des risques de blanchiment aussi, il y en a dans les Ppp. Et c’est le Directeur des Financements et des Partenariats Public-Privé, Ibrahima Fall, qui confirme. Pour y parer, il faudra «réfléchir déjà aux moyens de défense, aux moyens de contrôle de le l’origine des financements». Car, M. Fall souligne : «Nous en interne, nous avons des moyens assez rudimentaires il faut l’avouer. Il n’y a pas encore dans la sous-région, des instruments de vérification des sources de financement. Nous avons des moyens, quand même qui nous permettent de nous assurer que nos partenaires avec lesquels nous sommes en relation nous présentent des financements licites, qui n’ont rien à voir avec ces activités délictueux».

Des textes pour parer aux risques

Les autorités du pays en charge des investissements se disent conscients de l’ensemble des risques qui accompagnent les Partenariats public-privé. Et certains instruments de notre arsenal permettent de les minimiser. «Sur les risques de blanchiment, nous avons cette nouvelle loi qui impose deux préalables pour qu’on puisse aller vers la signature de contrats de partenariat. Le premier préalable c’est une analyse de soutenabilité budgétaire. L’autre disposition, c’est l’évaluation préalable qui est rendue obligatoire pour tous les contrats de partenariat. C est-à-dire qu’aujourd’hui aucune administration ne peut conclure un contrat de partenariat sans avoir prouvé que le recours à ce mode de financement et de réalisation de projet est le plus pertinent», renseigne M Fall. Il révèle aussi qu’une structure dénommée Comité national d’appui aux Ppp, sera elle aussi aux côtés des administrations pour travailler sur les projets, de la formulation des idées jusqu’à la signature et le suivi des contrats.

Le Directeur des investissements : «Nous allons apprendre des échecs des autres»

Le Directeur des investissements, Abdoulaye Ly, lui, assure que l’Etat essaiera d’apprendre des échecs des autres : «il y a beaucoup de risques dans les Ppp. Mais, nous avons l’avantage d’être parti un peu en retard. Et nous allons apprendre des erreurs des autres, de leurs échecs. Et à cet égard il y a eu beaucoup d’erreurs qui ont été commises en Europe en Asie dans les Ppp. Nous les avons prises en compte, nous entendons éviter de faire ces erreurs. Nous avons eu des expériences pratiquement concluantes en Ppp. Nous comptons capitaliser sur la réussite et les échecs des autres en la matière». En guise d’exemple d’échec dans le domaine des Ppp, M Ly cite : « l’exemple le plus patent, c’est celui de l’aéroport de notre dame des Landes en France. Le contrat a été quasiment signé avec le groupe Vinci et maintenant les populations n’en veulent pas. Et le contrat va certainement être abandonné et Vinci insiste pour être fortement indemnisé. L’autre exemple, c’est la réhabilitation du Lac de Kivou en Rdc. Il a fallu que le Ppp soit signé pour que le lendemain, le Rwanda envahit le Zaire. On a dû abandonner le projet, le Groupe Belge a demandé à être indemnisé fortement», renseigne-t-il.

Déjà au Sénégal, après les usagers, le chef de l’Etat a lui-même mis sur la table la cherté du ticket du trajet de l’autoroute à péage. De seulement 25 km, il coute 1400 francs Cfa aux usagers. A la Sde, la récente pénurie d’eau avec la crise qu’a engendrée la détérioration du tuyau de Keur Momar Sarr a mis les projecteurs sur la vétusté du réseau et la timidité des investissements. Au grand dam des populations qui ont souffert le martyre. A l’Aibd (Aéroport international Blaise Diagne, les nombreuses rallonges du cout initial du projet (clé en main), réclamées sans cesse par le constructeur, ont porté aujourd’hui le cout de construction de l’infrastructure de 230 à 500 milliards de Cfa.

Mais, la véritable question, c’est de savoir si le Sénégal, avec ses maigres ressources, pourrait supporter les échecs subies par les pays à budgets forts ? Ses finances publiques pourront-elles supporter des saignées financières que pourraient engendrer des poursuites judiciaires et autres amendes colossales? Visiblement non. Toutes choses qui devraient amener nos autorités à être beaucoup plus prudemment avec les Ppp.

Dr Aliou Saware, spécialiste en PPP : «Le plus grand risque, c’est d’aller au partenariat public privé sans être informé»

Dr c’est quoi un partenariat public-privé ?

Les partenariats public-privé sont c’est une coopération sur le long terme. De 25 à 30 ans et permet à l’Etat de réaliser des infrastructures pour permettre aux populations d’accéder aux services sociaux de base. En retour, le privé est payé soit par l’Etat soit par les usagers.

Quel sont les risques dans le domaine des Ppp ?

Il y a beaucoup de risques comme dans tous les marchés. Mais dans les Ppp, il y a trop de risques également. Le plus grand risque c’est d’aller au partenariat public privé sans être informé. Sans avoir la même expérience et la même expertise que le secteur privé. Vous risquez de perdre dans ce Ppp. Et c’est cela la problématique des Etats africains.

Et comment les éviter ?

Dans les Ppp, il faut se préparer. Surtout les Etats. Etre au moins à un niveau égal avec le partenaire privé pour discuter et bien mettre en place les projets. Car dès que vous signez, c’est pour 25 à 30 ans. Si vous rompez, vous allez payer le manque à gagner que le privé vous réclamera.

Citez nous quelques Ppp au Sénégal.

Il y a beaucoup de projets de partenariat public privé réalisés au Sénégal. Au port entre Dp World et l’Etat du Sénégal, c’est un PPP, Nercotrans, c’est un Ppp, Aibd, c’est un Ppp, l’autoroute à péage, c’est aussi un partenariat public privé, etc.



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