Tout en reconnaissant avoir trouvé le monde rural dans une situation difficile du fait de la mévente de l’arachide, le ministre Farba Senghor considère avoir accompli la mission qui lui a été confiée, et que la majorité de la récolte de la saison écoulée a trouvé preneur, malgré les complaintes de tous les représentants du monde paysan.
La campagne arachidière 2005-2006 va prendre fin en laissant les paysans plus pauvres qu’ils ne l’ont été. Sur les 800 000 tonnes environ qui ont été recensées cette année, moins du quart ont trouvé preneur, du fait des difficultés de tous ordres connus par la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos). A une certaine période, les syndicats de cette maison avaient boycotté la collecte de l’arachide dans les usines, pour protester contre la demande de la Banque mondiale, de la réduction de la taxe sur les huiles importées. Mais, il semble que le vrai problème serait, pour cette entreprise, le manque d’argent pour acheter l’arachide des paysans, bien que la version officielle soit différente.
Le ministre de l’Agriculture a annoncé la fin de la campagne de commercialisation de l’arachide pour le 14 mai, alors que le monde rural gémit sous les pleurs des agriculteurs, qui ne sont pas parvenus à écouler la majorité de leur récolte de cette année. Le ministre Farba Senghor a annoncé que dès le 15 du mois, allait commencer la campagne de distribution des semences pour préparer la campagne agricole du prochain hivernage. Le ministre n’a pas dit ce qu’adviendraient des nombreux invendus de la campagne précédente. Le paradoxe de la situation est que, au moment où le ministre affirme que la Sonacos a pu collecter 96% de la part qui lui était allouée, il avait reconnu, lors de sa tournée à l’intérieur du pays, que la situation du monde paysan était dramatique, et annoncé des mesures pour y remédier.
Au cours d’un Conseil interministériel tenu à l’hôtel Méridien, sous la présidence du Premier ministre Macky Sall, le gouvernement avait annoncé que 110 milliards de francs Cfa allaient être consacrés au secteur de l’agriculture. Interpellé sur l’utilisation de cette masse d’argent, le ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique rurale et de la Sécurité alimentaire avait précisé que cet argent était destiné à la production de l’arachide, et non pas à la commercialisation. Cette assertion vient au moment où les industriels dénoncent le marasme du secteur de l’huilerie. Or, les semences d’arachide au Sénégal ne sont bonnes qu’à produire de l’arachide d’huilerie, dont même le prédecesseur de Farba Senghor reconnaissait qu’elle est, dans l’échelle de valeur, la dernière dans la qualité de cette culture. M. Habib Sy avait déclaré que, dans tous les grands pays producteurs d’arachide, on s’activait le plus à produire de l’arachide de bouche, dont la valeur commerciale est beaucoup plus grande.
En attendant de développer ce sous-secteur, le gouvernement était confronté à la question de la repartition équitable de la production d’arachide subventionnée. Contrairement aux affirmations de Farba Senghor qui soutenait que, pour la Novasen et le Complexe agroindustriel de Touba (Cait), les deux autres industries de trituration de l’arachide du Sénégal, «le quota initial octroyé aux deux entreprises en question a été revu à la hausse, en passant de 3 000 à 15 000 tonnes pour la Novasen et à 30 000 tonnes pour le Cait». Les représentants de ces industries se plaignent, sans vouloir le dire officiellement, d’être laissés-pour-compte dans le partage. Ainsi, un représentant du Cait dément le ministre et affirme que, pour cette campagne, sa société n’a reçu que 3 000 tonnes d’arachide à triturer.
«Nous avons une capacité de traitement de 800 tonnes par jour, et notre seuil de rentabilité est de 20 000 tonnes. Avec 3 000 tonnes, nous ne pouvons même pas travailler une semaine», se plaint-il, avant d’ajouter : «C’est comme si le gouvernement voulait nous voir mettre la clef sous le paillasson.» Il fait remarquer qu’au même moment, des milliers de tonnes d’arachide invendus sont bradés sur les loumas, sans que les industriels ne soient autorisés à les acquérir. Sur cette question, Farba Senghor se contente de dire : «Tout le monde doit respecter le prix fixé.»
0 Commentaires
Participer à la Discussion