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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Economie

Baïdy AGNE (Président du Cnp) : ‘Il faut contrôler les Ong’

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Baïdy AGNE (Président du Cnp) : ‘Il faut contrôler les Ong’

Les propos du président du Cnp sur les Ong ne sont pas de nature à apaiser la tension née des sorties du président de la République. Dans l’entretien qu’il nous a accordé avant-hier, en marge de l’assemblée de son organisation, Baïdy Agne soutient que les Ong récoltent beaucoup d’argent qu’elles dépensent plus dans leur fonctionnement qu’au profit des populations. Dans la même lancée, il marche sur les traces du chef de l’Etat en critiquant certaines institutions spécialisées de l’Onu comme la Fao qui a adopté, à son avis, la même démarche. Réélu à la tête du Cnp, Baïdy Agne n’a pas, non plus, omis l’aide publique au développement qu’il considère comme un échec. Par contre, il a salué la Goana qu’il considère comme une solution à la crise alimentaire. Revenant sur le terminal à conteneurs attribué à Dubaï Port World, le président du Cnp a réaffirmé la volonté du secteur privé national de participer à hauteur de 25 % sur cette concession.

Wal Fadjri : Vous avez été réélu président du Cnp pour un mandat de trois ans. Qu’est-ce qui vous vaut cette confiance ?

Baïdy Agne : Je suis toujours très redevable des membres du Cnp parce que quand nous sommes arrivés au renouvellement des instances de notre organisation, avant même que je ne présente ma candidature, les membres à l’unanimité m’ont désigné pour que je continue à présider aux destinées du Cnp. Je ne prends pas cet acte comme une formalité, cela traduit pour moi une confiance énorme. Si je n’avais pas la confiance totale des membres du Cnp, je ne serais pas capable de faire ce que je fais. Pour savoir ce qui me vaut cette confiance, il faut poser la question aux autres acteurs. Cependant, je sais que j’ai un sens élevé de la responsabilité. Si les confrères se disent à l’unanimité être satisfaits du travail que je fais pour eux, c’est un sacerdoce que d’être à leur service en retour, dans la défense des intérêts des employeurs et dans celle de l’amélioration du cadre de l’environnement des affaires. Je suis totalement engagé, d’autant plus qu’à chaque fois que nous arrivons à des moments de renouvellement, j’entends à l’unanimité le témoignage des présidents d’associations de base de tous les secteurs d’activité économique. Pourtant, autant de gens sont capables d’être président de cette organisation. Je remercie donc l’ensemble des membres du Cnp pour cette marque de confiance.

Wal Fadjri : Sous quel signe allez-vous placer votre nouveau mandat durant les trois années à venir ?

Baïdy Agne : Sous le signe de la continuité. Les dossiers sont les mêmes. C’est la question de l’entreprise par rapport à un environ toujours changeant. Nous continuons à promouvoir l’amélioration de l’environnement des affaires, à promouvoir l’entrepreneur, je veux dire lui permettre de développer la création de valeur ajoutée permanente, de développer l’emploi même si ce n’est pas l’objectif premier d’une entreprise. Seulement, de par notre responsabilité sociale, nous devons faire en sorte que les entreprises soient dans des positions plus intéressantes de promotion de l’emploi dans le pays, de créer beaucoup plus de richesses. D’ailleurs, dans notre organisation, on m’avait chargé de faire de sorte que nous construisions un immeuble de l’entreprise. Mais ça, c’est une question matérielle qui est en train d’être réglée. Le terrain est octroyé. Le bail est signé. La société est créée et les entreprises sont prêtes à prendre des participations. D’une façon plus globale, au-delà de ces questions de logistique, c’est en fait le renforcement de toutes les capacités de ce secteur privé en vue de leur permettre d’accéder à plus de valeur, à plus de création de richesses.

Wal Fadjri : Quel est l’intérêt de cet immeuble de l’entreprise ?

Baïdy Agne : C’est simplement un symbole. A l’image de l’édifice de la Chambre de commerce de Dakar, nous devons avoir un patrimoine qui nous lie davantage. Mais le plus important, c’est de promouvoir le secteur privé national et l’entreprise pour que nous puissions prendre totalement en charge le développement économique et social de notre pays. J’ai l’habitude de dire que nous sommes les stabilisateurs sociaux parce que c’est nous qui distribuons beaucoup de richesses, c’est nous qui apaisons les tensions sociales dans les entreprises, parfois même nous faisons ce que nous ne pouvons pas faire. Tout cela dans un souci d’un acteur responsable. Je ne me lasserai jamais de demander aux pouvoirs publics d’appuyer leur propre secteur privé national parce que c’est un gage de notre souveraineté économique. Il faut, quelles que soient nos faiblesses, soutenir ce secteur privé pour qu’il puisse se développer davantage.

Wal Fadjri : Parlez-vous de la protection pour être précis ?

Baïdy Agne : Nous pouvons l’appeler protection, complicité ou promotion. Mais il faut créer les conditions pour que le secteur privé accède à des biens, pour qu’il puisse exister aujourd’hui et demain. Si le secteur privé sénégalais se développe, c’est le pays qui se développe en retour. Il faut les promouvoir. Je suis désolé, mais c’est ça la réalité.

Wal Fadjri : Des investisseurs étrangers comme Dubaï Port World s’installent au Sénégal. Y a-t-il un partenariat qui se forme entre les investisseurs nationaux et étrangers ?

Baïdy Agne : Notre débat sur la promotion du secteur privé national n’est pas en opposition avec la nécessité pour notre pays d’attirer des investissements directs étrangers. Nous avons beaucoup besoin de ces investissements. Et nous souhaitons que le Sénégal puisse attirer davantage d’investissements directs étrangers. Il est clair que quand des investissements vont de l’ordre de milliards de dollars ou de centaine de millions de dollars que notre environnement bancaire et financier ne permet pas de mobiliser, nous devons favoriser l’arrivée de ces investisseurs étrangers. Cependant, nous sommes d’avis qu’à chaque fois qu’il y a des concessions ou des privatisations de l’Etat, nous devons en avoir une part. Vous avez parlé de Dubaï Port World. Là-bas, c’est une concession d’un terminal à conteneurs. En tant qu’acteur portuaire, c’est un processus que j’ai suivi pendant longtemps, depuis l’appel d’offres. Nous avons suivi le processus d’attribution. Et dans ce processus d’attribution, nous avions exprimé, au nom de notre syndicat des manutentionnaires des ports du Sénégal, pour que l’adjudicataire, qui qu’il soit Dubai Port ou quelqu’un d’autre, puisse assurer une participation des acteurs nationaux à hauteur de 25 %. C’était inscrit et nous l’avons confirmé au Conseil d’administration du port.

Wal Fadjri : Qu’en est-il aujourd’hui ?

Baïdy Agne : A ce jour, cette disposition n’a pas encore été matérialisée. Nous sommes en attente du prochain Conseil d’administration, pour discuter de ces questions spécifiques. C’est un secteur où les nationaux étaient présents. Donc, c’est tout à fait normal que la revendication qui semble être acceptée, soit matérialisée. Nous continuons de poursuivre la discussion.

Wal Fadjri : Y a-t-il un blocage à ce niveau ?

Baïdy Agne : Il ne devrait pas y avoir de blocage parce que les acteurs qui sont concernés par cette question, quand nous leur parlons, ils nous disent qu’il n’y a pas de problème. Mais comme c’est un dossier en cours que nous suivons, je ne veux pas être très spécifique là-dessus. Je vous donnerai plus d’informations suivant l’évolution du dossier.

Wal Fadjri : Quelle réponse apportez-vous à l’appel du chef de l’Etat invitant le secteur privé à soutenir la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) ?

Baïdy Agne : Nous avons vu le président de la République évoluer fortement ces derniers temps vers la défense du secteur privé national et son implication dans les différents secteurs. Nous le saluons et l’approuvons. Il l’a déclaré publiquement. Il m’a répété à moi-même, il n’y a pas une semaine, sa volonté de faire en sorte que le secteur privé national prenne des positions. Bien sûr, le président de la République a lancé la Goana, il y a deux semaines. Et c’est un appel très important. Mais ça ne date pas d’aujourd’hui. Nous avons toujours dit que pour exécuter notre potentiel de croissance, il faut absolument que le secteur agricole se développe. Il se trouve que, dans l’environnement mondial, il y a la crise alimentaire et la crise pétrolière qui font que nous nous retrouvons dans une situation qui nous oblige à produire ce que nous mangeons ou à manger ce que nous produisons. Ce qui est vrai au Sénégal, est valable pour plusieurs autres pays d’Afrique et même en dehors du continent. Mais cette crise internationale présente en réalité une opportunité. Elle nous permet de nous mobiliser autour d’une grande initiative pour la production. Nous ne pouvons donc que saluer l’initiative du président de la République parce que c’est la production qui va être génératrice de croissance et d’emplois productifs. Cette volonté présidentielle exprimée, il nous appartient maintenant de voir avec les différents services dans quelles conditions et comment nous pouvons la matérialiser. Pour mettre en œuvre cette initiative, il nous faut discuter davantage. Il y a la question de l’accès à la terre. Dans cet ordre d’esprit, il faudra identifier les grands capitaines d’industrie, les agro-industriels. Nous devons identifier les grands industriels qui ont de la capacité et leur donner la responsabilité de développer tel secteur ou tel autre. Il faut aussi définir les modalités pour réussir ce pari.

Wal Fadjri : Comment jugez-vous l’aide publique au développement dont l’efficacité fait débat ?

Baïdy Agne : Sur la question de l’aide publique au développement, même s’il y va de la responsabilité de nos pays qui date de longtemps, nous devons constater son échec. Cet échec est aussi imputable aux acteurs qui ont comme mission de résorber la pauvreté, mais qu’ils n’ont pas fait depuis que l’aide publique existe. En fait, l’aide publique au développement doit être revue. De la même façon, les Organisations non gouvernementales (Ong) se sont développées par la défaillance des Etats. Mais ceci ne veut pas dire qu’elles sont exemptes de tout contrôle. Il faut les contrôler. Il y a beaucoup d’organisations non étatiques qui mettent plus d’argent dans leur budget de fonctionnement que dans les populations qui en ont le plus besoin. C’est un problème sérieux. Dans ces cas-là, en tant que pays, il est important que nous développions une solidarité. Il faut qu’on sache que nous sommes aidés sur quoi, à quel niveau et combien. Et même dans les relations bilatérales, du point de vue purement économique, il y a le fait que, souvent, des entreprises même étrangères s’établissent dans notre pays. Mais nous ne savons pas ce qu’elles nous apportent et ce que nous donnons.

Wal Fadjri : Que proposez-vous à la place de l’aide au développement ?

Baïdy Agne : Il nous faut nous organiser davantage. Il faut nous retourner et gérer notre propre développement. A certains moments, des théoriciens économiques ont dit qu’il était plus rentable d’importer le riz que de le produire. Il faut déjà se porter en faux contre de telles théories. La crise alimentaire actuelle le prouve. Nous ne pouvons pas, en tant que pays, faire l’économie du passage à l’agriculture. Nous devons cultiver les terres.

Wal Fadjri : Comment réagissez-vous à la sortie du président de la République contre la Fao ?

Baïdy Agne : Ce sont des agences d’exécution de l’Onu qui viennent prendre dans nos pays ce que nous leur disons pour aller mobiliser en notre nom des ressources qu’elles dépensent en partie dans leur fonctionnement. Si nous développons des capacités que nous organisons directement, nous n’avons pas besoin de toute cette bureaucratie que nous payons en plus de l’information que nous leur donnons dans ce secteur.

Wal Fadjri : Vous semblez en être en phase avec le président de la République...

Baïdy Agne : Je ne suis pas dans l’aspect polémique. Mais je dis que les Etats doivent avoir une responsabilité auprès de leurs citoyens.

Wal Fadjri : Attribuez-vous la responsabilité de la crise alimentaire mondiale à la Fao ?

Baïdy Agne : Non. Je ne l’attribue pas à la Fao. En fait, il y va de la responsabilité de tous les acteurs. Il y a eu, à un moment donné, une forte demande des pays émergents. Il y a aussi le fait que certains pays n’ont pas pu mettre à temps des politiques adéquates pour leur propre développement. Cependant, il faut réorienter les politiques nationales. De la même façon, nous ne pouvons pas ne pas regarder le système d’aide alimentaire global. Dans tous les cas, ce sont des gens qui ont comme ambition de travailler dans ce secteur. Mais ce n’est pas pour autant que le problème est réglé. Le problème est bien là.

Wal Fadjri : Parlons à présent de la monnaie. Comment vivez-vous la montée de l’euro et la dépréciation du dollar par rapport à vos transactions sur le marché international ?

Baïdy Agne : Je ne suis pas un spécialiste de la monnaie. Cependant, l’appréciation de l’euro par rapport au dollar, du fait que nous sommes arrimés à l’euro, fait que les fondements de notre économie peuvent ne pas coïncider avec la force apparente de notre monnaie par rapport au dollar. Nous ne pouvons pas et nous ne jouons pas systématiquement sur une politique monétaire qui nous permettrait d’évaluer, de réévaluer les fondements de notre économie en conformité avec notre monnaie. Dans tous les pays où nous exportons, la faiblesse du dollar peut rendre notre économie pas très compétitive. Le prix du baril du pétrole est aujourd’hui à des niveaux très élevés, entre 120 et 122 dollars le baril. Si les 122 dollars restaient constants et que la monnaie ne soit plus le dollar, mais devient une combinaison d’euros et de dollars, l’impact sur notre économie aurait été encore beaucoup plus grave. Nous pouvons percevoir ça de multiples façons, s’il s’agit de l’exportation ou de l’importation.

Wal Fadjri : Comment vivez-vous cette flambée du prix du baril du pétrole?

Baïdy Agne : Cela a un impact très négatif sur notre économie. Ce sont 400 milliards de francs Cfa que ça représente sur les produits d’importation. C’est énorme. Surtout pour un pays non producteur de pétrole. Nous ne pouvons que prier pour que cette hausse répétée du prix du baril du pétrole s’arrête. Nous ne pouvons plus demander qu’il baisse, mais qu’il s’arrête tout au moins.

Wal Fadjri : Partagez-vous les alternatives au pétrole qui sont proposées par le gouvernement ?

Baïdy Agne : Il faut explorer toutes les alternatives. Si nous n’avons aucun contrôle sur le prix du baril, ce que nous pouvons faire, c’est de développer des énergies alternatives, mais aussi de changer notre mode de consommation. Nous gaspillons trop d’énergies. Il faut que nous nous ajustions drastiquement sur notre façon de consommer l’énergie. Il faut une vaste campagne de sensibilisation pour changer notre comportement sur ce sujet.

Wal Fadjri : Le président de la République vous avait nommé à la tête d’une Coalition nationale pour lutter contre les Accords de partenariat économique (Ape). Il y a eu beaucoup de bruits sur cette question, mais aujourd’hui on ne vous entend plus. Qu’est-ce qui se passe ?

Baïdy Agne : Quand je suis allé rendre compte au président de la République de tout ce que nous faisions, il m’a dit que nous avons gagné. Et en effet, nous avons gagné. Dès lors, il n’y avait plus besoin de s’activer autour de ça. C’est une question importante qui est gérée par les ministères du Commerce de nos différents pays. Nous notons simplement que l’Union européenne (Ue), après les différentes discussions et la mobilisation que nous avons eues, a changé d’attitude. Ce qui a permis de reprendre les négociations dans la sérénité, dans un souci de partenariat et de compréhension des préoccupations des différents acteurs impliqués.

Wal Fadjri : La signature des Ape est-elle alors différée ?

Baïdy Agne : Les discussions se poursuivent. La validité de l’Accord de Cotonou va jusqu’en 2020. C’était une disposition particulière par rapport aux Ape. L’accord reste donc en vigueur et les discussions continuent.

 

 



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