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Ces Boucaniers Chinois Qui Se Partagent Les Richesses Africaines

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Ces Boucaniers Chinois Qui Se Partagent Les Richesses Africaines

C’est l’une des adresses les plus mystérieuses de la Chinafrique – et peut-être même de tout ce monde nouveau dessiné par des flux mondialisés qui ont pour caractéristique d’éviter l’Occident. Queensway 88, à Hongkong : une tour ovale d’une cinquantaine d’étages où aucun journaliste n’a jamais réussi à pénétrer. Ce n’est pourtant pas l’envie qui leur a manqué car c’est à cette avenue sinueuse, en léger retrait de la mer de Chine, que conduisent toutes les pistes : celles du pétrole d’Angola, des diamants du Zimbabwe, de la bauxite de Guinée.

L’écheveau qui concentre tant de fils porte un acronyme de trois lettres : CIF, pour China International Fund. Trois lettres que l’on retrouve sur les portières des jeeps qui ondulent sur des pistes africaines défoncées et sur les fuselages d’une flotte de jets privés chinois qui font escale à Dubaï en route pour l’Afrique, où leurs passagers sont parfois dispensés de passer par la douane.

On peut aussi lire CIF sur la plaque en cuivre du gratte-ciel de la 23, Wall Street à New York, mystérieusement racheté à la JPMorgan Chase par des intérêts chinois. Trois lettres, mais c’est bien une centaine de sociétés qui sont enregistrées à Queensway 88, dont voici un florilège : China Beiya Escom International Ltd, CIF Airport construction Ltd, China Sonangol Asia Ltd, China Sonangol Finance International, China Urban Development Holding Co Ltd, Global Investment Fund Ltd, SNPC Asia Holding Ltd, Sonangol Sinopec International Ltd…

Autant dire une nébuleuse, un écran de fumée pour protéger un homme qui porte trois ou quatre noms différents et dont la seule apparition publique pourrait bien être, en 2004, « Alo Presidente », le show télévisé un peu ridicule du président vénézuélien Hugo Chavez. Depuis quelques mois, tout le monde semble pourtant lancé à ses trousses : le Congrès américain a diligenté une enquête digne d’un roman d’espionnage sur le « groupe du Queensway 88 », l’ONG britannique Global Witness a saisit ce cas pour exposer les ressorts de la corruption africaine et réclamer que les Africains profitent enfin de leurs ressources minérales, alors que l’hebdomadaire The Economist a dénoncé, après d’impressionnantes mais infructueuses recherches, l’opacité et la prévarication du « syndicat » du Queensway 88.

Ces travaux ont au moins permis de dresser le portrait robot du personnage principal, qui se serait appelé Xu Jinghua au moment de sa naissance il y a une soixantaine d’années en Chine continentale. Selon l’entreprise du Queensway 88 qu’il représente, il porte les noms de Xu Songhua, Sa Muxu, Sam King et plus récemment Sam Pa. Il semble établi que Sam Pa a suivi, dans les années 1970, les cours de l’académie militaire de Bakou, capitale de l’ex-république soviétique d’Azerbaidjan.

Là, il aurait fait la connaissance de plusieurs officiers communistes angolais, y compris le futur président José Eduardo dos Santos. Des contacts qui se révéleront utiles en 1992, lorsque le gouvernement MPLA (communiste) de Luanda cherchera désespérément des armes pour résister à la grande offensive de la guérilla de l’Unita. Ses sponsors traditionnels se sont en effet évanouis : l’URSS n’existe plus et Cuba est à bout de souffle.

Sortie de prison, en homme libre

Sam Pa n’est évidemment pas le seul à être sollicité pour armer le gouvernement aux abois. Luanda s’est aussi tourné vers la France, qui lui a dépêché un certain Pierre Falcone. Ce dernier a fourni entre 1993 et 1994 pour 790 millions d’euros de matériel militaire à Luanda. Ces montages complexes prendront en France l’appellation « Angolagate » et vaudront à leur principal architecte de graves ennuis judiciaires jusqu’à son étonnante sortie de la prison de Fleury-Mérogis en avril 2011, en homme libre.

Les deux hommes, d’ailleurs, se connaissent et s’apprécient. Pierre Falcone a fondé à Pékin l’entreprise de consulting Pierson Capital Asia, qui pratique entre autres le conseil aux entreprises chinoises désireuses d’investir en Angola. Il a pour clients le groupe financier CITIC (filiales bancaires dans 44 pays, réserves déclarées de 90 milliards d’euros), la firme d’armement étatique Norinco ainsi que la compagnie China Sonangol, dont Sam Pa est l’un des maîtres d’œuvre.

Comme Pierre Falcone, qui bénéficia de l’immunité diplomatique angolaise pour lui éviter, un temps, la prison française, Sam Pa fait partie des individus que le président dos Santos a tenu à remercier après la victoire contre l’Unita, en 2002. De sources concordantes, c’est en 2004 que Sam Pa remet les pieds en Angola. Et cela tombe bien : ce sera l’année chinoise pour cette ancienne colonie portugaise dévastée par 27 ans de guerre civile.

Vers la fin de l’année précédente, les Occidentaux ont refusé de participer à une « conférence des donateurs » pour organiser la reconstruction, au motif que Luanda ne respecte aucun des critères du « consensus de Washington » prôné par la Banque mondiale et le FMI : il y règne une corruption généralisée, qui voit disparaître chaque année près d’un milliard de dollars de revenus pétroliers, et le pouvoir en place n’a aucune intention d’organiser des élections libres et démocratiques.

Qu’à cela ne tienne : l’Angola se tourne massivement vers la Chine. Sam Pa, qui revient d’une tournée infructueuse en Amérique latine, où il a notamment rencontré le président Chavez à Caracas, ne demande pas mieux. Il est ainsi présenté au vice-roi de Luanda : Manuel Vicente, le patron de la compagnie pétrolière nationale Sonangol.

Ensemble, les deux hommes vont imaginer l’un des contrats « pétrole contre infrastructures » les plus juteux de l’histoire. Ils créent successivement deux sociétés, China International Fund (CIF) et China Sonangol. Lesquelles préachètent dès 2005 la quasi-totalité de la production angolaise de pétrole pour la revendre à la Chine qui en a le plus urgent besoin. Le prix d’achat reste celui de 2005 (55 dollars le baril), alors que celui de vente a doublé depuis.

L’Angola devient le plus gros fournisseur de pétrole à la Chine

En contrepartie des marges considérables qu’elle peut engranger, CIF s’engage à financer en Angola des milliers de kilomètres de routes, trois chemins de fer, un aéroport, deux ports maritimes, des hôpitaux et des centaines de milliers de logements – et même une nouvelle capitale. Des investissements dont l’estimation varie de 2,9 à 9,8 milliards. Quelques mois plus tard, l’Angola devient le plus gros fournisseur de pétrole à la Chine, devant l’Arabie saoudite. En 2010, plus de 20 milliards de dollars de pétrole ont ainsi transité par les sociétés de MM. Sam Pa et Vicente.

Sam Pa, évidemment, n’est pas seul maître à bord. Son nom n’apparaît d’ailleurs dans aucune des structures enregistrées à Queensway 88. Les registres mettent plutôt en avant deux femmes : Veronica Fung, directrice d’une vingtaine de sociétés de la fameuse adresse de Hong Kong, qui pourrait être l’épouse ou la maîtresse de Sam Pa, et Lo Fong Hung, directrice de 34 sociétés, toutes enregistrées dans le même gratte-ciel. L’époux de Mme Lo est connu : il s’agit de Wang Xiangfei, directeur du géant financier Citic et ancien directeur d’un autre géant bancaire étatique, China Everbright. Il a des intérêts directs dans au moins six sociétés de Queensway 88.

Ce qui a le plus surpris les observateurs des menées chinoises en Afrique, lorsque les enquêtes du Congrès américain et de l’ONG Global Witness ont porté ces détails à la surface, c’est que la nébuleuse de Queensway 88 semblait beaucoup plus distincte du gouvernement chinois que cela n’avait été d’abord pressenti. Bien sûr, le registre du commerce de Hong Kong mentionne le 14, rue Dong Chang An à Pékin comme adresse privée de Wu Yang, directeur d’au moins 14 sociétés du syndicat.

Or cette adresse, un bâtiment gris et massif à l’est de la place Tian Anmen, n’est autre que le siège des services secrets chinois. Le colonel Wu semble pourtant avoir été écarté récemment du « syndicat », avec lequel il est d’ailleurs en procès, alors que les intérêts angolais, eux, ne cessent de monter en puissance. Selon l’Economist, les registres de Singapour, où le « syndicat » a délocalisé ses derniers montages, montrent que la société China Sonangol, angolaise en majorité, pourrait avoir déjà racheté CIF, la société d’origine.

De fait, la puissance privée du syndicat de Queensway 88 n’a cessé d’irriter les autorités chinoises, qu’il s’agisse des majors pétrolières qui ont dénoncé une concurrence déloyale, ou les diplomates chinois confrontés à des compatriotes sans scrupule, susceptibles de ternir la belle image qu’ils entendent projeter de la Chine, « sœur et alliée des peuples africains ».

« Tous les projets de CIF en Angola sont mauvais », a ainsi déclaré en 2008 à un hebdomadaire de Hong Kong l’ambassadeur de Chine à Luanda. Et de fait, une grande partie des chantiers ouverts en grande pompe par le CIF dans ce pays ont connu d’étranges destins : des milliers d’ouvriers renvoyés en Chine à peine arrivés, camps de travail évacués d’urgence, retards cumulés, reprise des travaux par d’autres compagnies chinoises. Tout se passe comme si la seule chose que savait faire le CIF, c’est d’acheter le pétrole pour un prix et le revendre pour le double.

Des jets privés

Cela au moins lui vaut un trésor de guerre considérable, que le « syndicat » entend investir ailleurs en Afrique. Des jet privés portant le signe CIF ont ainsi été aperçus à l’aéroport d’Harare, au Zimbabwe, où Sam Pa et les siens ont financé les services secrets de Robert Mugabe en échange de concessions dans les mines d’or, de platine et de diamants. En contrepartie, CIF devait investir 8 milliards de dollars dans les infrastructure du pays, qui ne se sont jamais matérialisés.

En 2009, le « syndicat » a aussi jeté son dévolu sur la Guinée Conakry, où un jeune officier, Dadis Camara, avait pris le pouvoir à la mort du vieux général Lansana Conté. L’interlocuteur des Chinois fut le ministre des mines de l’époque, Mahmoud Thiam, ancien banquier de Merrill Lynch et d’UBS à New York. Le CIF était prêt à tout pour obtenir la concession du Mont Nimba, le dernier grand gisement de fer au monde, plusieurs mines de bauxite ainsi que des concessions pétrolières.

Il a offert un hélicoptère et 100 millions de dollars à la junte guinéenne, et promis des infrastructures publiques pour 7 milliards de dollars sans compter une centaine d’autobus pour la compagnie de transports publics de Conakry. Rien de tout cela n’a vu le jour : la chute de Dadis Camara fin 2009 et les élections fin 2010 ont abouti à l’expulsion du CIF de Guinée. Un épisode sans doute sans conséquence pour le « syndicat » : ses avions sont désormais signalés aux quatre coins du globe, de Tanzanie à la Côte d’Ivoire, de Corée du Nord à la Russie.

Serge Michel



9 Commentaires

  1. Auteur

    Mooo

    En Juin, 2015 (20:13 PM)
    Personnellement je préfère encore le Chinafrique à la Françafrique ! Les chinois au moins on est sûre qu'ils ne viennent pas en Afrique pour nous tuer à travers des guerres civiles ou génocides organisées.
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  2. Auteur

    Aida Sene

    En Juin, 2015 (21:22 PM)
    Pourquoi l'Aricain type ne cherche pas a se liberer de l'esprit de tutelage "patronizing" de soumis de "doungourou" des autres, au lieu d'abord de croire en lui et de compter sur sa propre personne "geume sa bop" - ses talents et les ressources dont il dispose pour ameliorer sa situation et ransformer son environnement? Les chinois etaient au meme niveau de developpement que nous dans les annees 60. Imaginez un seul instant qu'ils aient eu la mentalite que nous, s'accrocher aux basques des occidentaux, eternels assistes?
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    Auteur

    Anonyme

    En Juin, 2015 (22:23 PM)
    Je sens un francais derriere cet article...

    Ah les defendeur des africains?

    Simplement pathetique...

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    Auteur

    Mooo

    En Juin, 2015 (01:53 AM)
    En tout cas les français eux c'est les plus dangereux de la terre ! Faut s'en méfier ! @ Aida Séne bonne contribution cependant moi je suis très pessimiste pour l'Afrique.Ce continent ne se développera pas ! Avec nos système de marabouts là,c'est de l'arnaque ! Ces bouffent une part important du budget de l'Etat et ne travaillent pas mais sont millionnaires.Non Sénégal dou dém ! Dou meussa dém.
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    Auteur

    Goor

    En Juin, 2015 (06:09 AM)
    En tout cas, la faute est aux africains qui ne peuvent rien faire. Même dans ce cas, nous devrions pouvoir défendre nos intérêts. Lorsque le Président de la République a annoncé que de tout l'or qui sortait de nos mines le Senegal n'avait que 3%, je me suis dit: qu'est-ce qui nous prend? Nous savons que Dubai n'a pas 3% de son pétrole. Pourquoi ne pas copier sur les autres. La Chine est en Afrique pour ses intérêts. Ça c'est clair. Ni la françafrique ni la chinafrique sont des bienfaiteurs. Ils viennent faire des bénéfices et c'est tout à fait normal. C'est à nous d'exiger un partage équitable des bénéfices comme d'autres pays producteurs de pétrole le font. Plus de 50 ans d'indépendance et pour réparer une fuite d' eau il faut que les soudeurs viennent de la Chine ou de la France. Pour un quai de pêche de moins d'un milliard de financement, il faut que le Maroc vienne le financer pour nous et on passe tout le temps à la télé avec des discours mensongers. Avec ça peut-on être fier d'être senegalais? S'il faut construire una autoroute à péage, les autres doivent venir nous accompagner dans le financement et prendre la part du lion sur les bénéfices. On peut solliciter les autres mais si nous assurons la majeure partie du financement, quand même, la part du lion doit nous revenir. Qui et comment on négocie nos contrats? Peutêtre que c'est moi qui suis profane.
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    Auteur

    Galo

    En Juin, 2015 (08:22 AM)
    ce colon veut nous decourager de faire business avec la Chine. peine perdue. la main dans la main l'Afrique et la Chine vont battre a plate couture les rapaces imperialistes d'europe et d'amerique.
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    Auteur

    Anonyme

    En Juin, 2015 (18:17 PM)
    Qui as signe le contrat de sabadoba ?

    3% quand j'y pense j'ai le Coeur meurtri ,et je me dis que c'est impossible .

    Quand est t'il de ce contrat .Qui peut vraiment nous dire ce quand est t'il .

    Wade si c'est toi tu merites la potence .Qui as accepter les pots de vin ?

    Is it you Madicke ?
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    Auteur

    Afropessimisme

    En Juin, 2015 (21:37 PM)
    Personnellement je n'ai plus aucun espoir de voir l'afrique s'en sortir tellement elle est enfoncée en plein dans les dents des prédateurs telle une gazelle entre les dents des lions féroces.L'Afrique est finie depuis que la Chine y a mis les pieds c'est terminé pour les africains.Il y a non seulement pillage de ressources naturelles tel que pétrole,fer,bauxite,or,diamant,ect. mais il y a également bradage de nos terres en plus de déverser des chinois désoeuvrés par million sur le continent africain.Un jour ils foutrons dehors les africains ou les tueront pour en finir avec eux.Si nous africains ne voyons pas cela c'est que nous sommes aveugles!Nous sommes finis!Je préfère de loin voir la france afrique parce que la france est une civilisation certes pas parfaite mais au moins nous connaissons ses faiblesses.La Chine est inconnue et pire n'a aucun respect ni pour l'afrique ni pour l'environnement qui est le poumon de la survie de la race humaine.Regarder à quelle point la Chine est pollué rendu invivable pour ses habitants qui à tout moment fuient justement en France!La Chine ne peut rien apporter à l'afrique à part les objets qui fonctionnent une fois sur 100 et qui durent le temps d'une rose.Donc rien de durable à part piller et polluer l'afrique.Ouvrez vos yeux.  :emoshoot: 
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    Auteur

    Anonyme Bounioul

    En Juin, 2015 (17:34 PM)
    encore un ROBERD MENARD degage way yaw :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot:  :emoshoot: 
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