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Chronique éco : Le Sénégal malade de sa gestion budgétaire

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Chronique éco : Le Sénégal malade de sa gestion budgétaire
Après avoir atteint un niveau appréciable entre 2001 et 2005, l’économie sénégalaise s’est dégradée du fait d’une gestion budgétaire défaillante.

‘Je ne peux pas retenir mon cheval pour attendre les autres. Il leur appartient de faire les efforts nécessaires pour arriver à notre hauteur’. Ainsi s’exprimait le président Abdoulaye Wade en février 2006, lors du sommet de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), en réponse à ceux qui s’interrogeaient sur les performances de l’économie sénégalaise. A l’époque, le Sénégal était sur une bonne dynamique et affichait de bons indicateurs économiques. Au grand bonheur des bailleurs de fonds qui estimaient que le cadre macro-économique du Sénégal était l’un des meilleurs en Afrique sub-saharienne.

En effet, sur la période 2001-2005, la qualité du cadre macro-économique a été sensiblement améliorée et le Sénégal a respecté sept des huit critères retenus dans le cadre du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité de l’Uemoa. Ainsi, la croissance annuelle moyenne a tourné durant cette période autour de 5 %, hormis l’année 2002 où elle a connu une baisse sensible de quatre points. Ces performances ont été réalisées malgré l’invasion acridienne et la flambée du prix du baril de pétrole, les inondations, entre autres. Dans le même temps, l’inflation était contenue en dessous de 2 % en moyenne annuelle et le déficit budgétaire global maîtrisé autour de 3 %.

Il n’y a pas eu non plus de dérapages dans les dépenses. En effet, le ratio masse salariale, rapporté aux recettes fiscales, est resté contenu en dessous de 31 % ; tandis que le ratio dépenses en capital sur ressources internes, rapporté aux recettes fiscales, est passé de 20 % en 2000 à plus de 30 % en 2005. Seul, le déficit extérieur courant hors transferts officiels n’a pu être ramené en dessous de 5 %. Il s’est établi en moyenne à plus de 8 % durant la période incriminée.

Mais cette situation n’a pas résisté à la boulimie des dépenses de l’Etat qui a continué à vivre au-dessus de ses moyens. Ainsi, la situation se dégrade dès 2006. C’est d’abord la croissance réelle du Pib qui tombe à 2,1 %. La crise aux Industries chimiques du Sénégal (Ics), liée aux tergiversations du gouvernement et les difficultés enregistrées au niveau de la Société africaine de raffinage, ont sapé la fragile croissance de l’économie sénégalaise qui fait face à de lourdes contraintes structurelles, dont la faible diversification de l’économie, le niveau relativement élevé des coûts de production, le difficile accès au financement et le faible développement des infrastructures d’accompagnement des activités économiques.

C’est dans cette phase où les tensions de trésorerie commencent à se faire sentir que le gouvernement s’est engagé dans une politique de dépenses inconsidérées. Notamment en augmentant de manière considérable les dépenses budgétaires qui passent de 1 103 milliards de francs Cfa à 1 331 milliards de francs Cfa en 2006, soit une hausse de 20,6 %. De même, les transferts accordés à la Sar et à la Senelec, sous forme de subvention ainsi que la hausse des traitements et rémunérations ont contribué à augmenter les dépenses courantes de 31 %, passant ainsi de 629 milliards de francs Cfa en 2005 à 826 milliards de francs Cfa en 2006.

Mais ce n’est pas tout. Le gouvernement accentue les dépenses d’investissement et décide de les financer par des émissions obligataires. Conséquence : le déficit budgétaire se creuse et la trésorerie n’arrive plus à suivre. Ce qui entraîne un report des crédits sur l’année suivante et le non-paiement de la dette intérieure. Plutôt que de différer certaines dépenses ou alors de procéder à des coupes sombres sur les budgets pour compenser les subventions, l’Etat continue dans sa politique d’augmentation des dépenses avec la multiplication des agences gouvernementales, la création du Sénat et la dotation en moyens considérables des institutions de la République (présidence de la République, ministères, Assemblée nationale, Sénat, etc).

Alors que les subventions au secteur énergétique et alimentaire ont coûté quelque 200 milliards de francs Cfa en 2007, suite à la crise énergétique, le gouvernement ne varie pas d’un pouce dans sa boulimie dépensière et continue d’exercer une pression insoutenable sur les finances publiques, au point de violer certaines dispositions réglementaires dans l’octroi des crédits budgétaires.

Signe des nombreuses défaillances dans la gestion des finances publiques, des avances de trésorerie ont été consenties à des projets sans crédits budgétaires. Autrement dit, des projets ont reçu des financements du trésor public alors qu’il n’y avait aucune dotation budgétaire prévue pour eux. Selon le Fonds monétaire international (Fmi) ces dépenses extra-budgétaires tournent autour de 114 milliards de francs Cfa.

Tout cela a eu pour conséquence de plomber les finances publiques, malgré les efforts consentis par les services des impôts et domaines et de la douane qui ont réalisé des performances appréciables avec une hausse en moyenne de 9 % des recettes chaque année. L’Etat n’ayant plus suffisamment de ressources, la dette intérieure a rapidement augmenté pour atteindre un niveau inacceptable, dépassant les 200 milliards de francs Cfa. Cette situation a fini d’obérer le développement de plusieurs entreprises privées, notamment celles qui évoluent dans le Btp qui ont mis en chômage technique une partie de leur personnel en attendant de rentrer dans leurs fonds.

Pour ne rien arranger, la crise alimentaire et énergétique a considérablement grevé les fonds de l’Etat. Le déficit de la balance commerciale du Sénégal est estimé à 1 248 milliards de francs Cfa pour les neuf premiers mois de l’année 2008. Dans le même temps, la compétitivité de l’économie sénégalaise s’est détériorée de 4,3 % par rapport à la même période de l’année dernière. Des signes annonciateurs de difficultés, d’autant que le taux d’inflation culmine à plus de 7 % pour les neuf premiers mois de l’année après avoir atteint 6 % en 2006. Même si le Sénégal a renoué avec une croissance plus forte qui pourrait passer de 4, 5 % en 2007 à plus de 5 % en 2008.

Ousseynou GUEYE * (Ancien chef du desk Economie et ancien Rédacteur en chef)



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