Mercredi 24 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Economie

Contribution - HAUSSE DES PRIX DU PAIN ET DU RIZ : Il nous faut produire pour nourrir le Sénégal !

Single Post
Contribution - HAUSSE DES PRIX DU PAIN ET DU RIZ : Il nous faut produire pour nourrir le Sénégal !

Récemment, le gouvernement du Sénégal a levé temporairement ses droits de douane sur les importations de céréales pour faire face aux difficultés d’approvisionnement et à la flambée des prix sur le marché mondial, qui se répercute sur les produits de base comme le pain, les pâtes ou le lait, les céréales étant aussi utilisées pour nourrir le bétail.

Malgré cette mesure, le problème se pose à nouveau. Voilà que nous assistons à une hausse de 25 frs du prix de la baguette de pain (après d’âpres négociations avec les boulangers qui vont revenir à la charge) et une hausse de 25 frs du kg de riz. Nul doute que de telles augmentations affecteront le panier de la ménagère éprouvé par un contexte caractérisé par une hausse des prix de toutes les denrées de première nécessité. Une telle mesure frappera avant tout, les ménages pauvres, plus grands consommateurs de pain et de riz et se répercutera nécessairement sur le taux de couverture de leurs besoins énergétiques avec des conséquences nutritionnelles négatives certaines.

Dès lors, toute mesure qui sera prise par le gouvernement pour soulager les plus démunis ne sera que salutaire et toutes les pistes devront être explorées dans ce sens.

Mais, il faut que l’on se dise la vérité. Nous sommes entrés dans un cycle de hausse généralisée des prix des céréales sur le marché mondial.

La demande mondiale en matières premières agricoles est en forte augmentation. En plus de l’augmentation des besoins liés à l’alimentation humaine, notamment dans les pays émergents (Chine, Inde) et de la forte demande en produits bruts destinés à l’alimentation animale, le marché mondial doit faire face à la montée en puissance des utilisations non-alimentaires des produits agricoles au premier rang desquelles on trouve les biocarburants.

Selon la Fao, dans son dernier rapport « Perspectives de l’alimentation de juin 2007 », l’essor des biocarburants constituerait déjà la principale cause de la hausse des prix des importations alimentaires en 2007.

La production mondiale de blé s’établit à 590 millions de tonnes en 2006, en baisse de 30 millions par rapport à 2005 pour des raisons climatiques.

Avec une production mondiale de l’ordre de 614 millions de tonnes en 2007, le prix du blé devrait rester à des niveaux élevés.

D’un autre côté, le programme bio-éthanol américain explique largement la hausse des cours mondiaux observée pour le maïs. Les Etats-unis fournissent 60 % des besoins mondiaux en maïs. A moyen terme, le prix du maïs devrait rester élevé. Le prix du maïs a bondi de 85 % entre 2005 et 2006. Le prix du riz lui aussi continuera d’augmenter.

Autre cause de cette hausse des cours des matières premières agricoles, chaque année depuis 1999 (en dehors de l’année exceptionnelle 2004), la production mondiale de céréales a été inférieure à la consommation. Aujourd’hui, il est reconnu que les réserves de céréales se trouvent à un niveau historiquement bas (moins de deux mois de consommation). Un triste record dont même la Banque mondiale s’inquiète pour la première fois dans son dernier rapport.

« Les stocks de blé et de maïs sont tombés à 16 % de la consommation mondiale », rappelle-t-elle. Et ceux-ci ne peuvent que continuer à décroître, car cette année aussi, la production mondiale de céréales ne pourra pas faire face à la demande mondiale.

Pour le riz, les prévisions montrent également une tendance à la hausse des prix, certains pays allant même jusqu’à suspendre provisoirement leurs exportations pour faire face à leurs besoins domestiques.

A tout cela, on peut rajouter la hausse des prix du baril de pétrole qui se répercute également sur les coûts de transport.

Nous sommes avertis, les prix resteront durablement à la hausse et l’économiste Philippe Chalmin le confirme dans Boursorama.com du 22 mai 2007 : « le phénomène de rareté continuera de s’appliquer aux produits alimentaires. Nous aurons toujours besoin de 1.500 à 3.000 calories par jour. Les défis alimentaires, donc agricoles, alors même que les terres arables sont en diminution avec la croissance urbaine, figurent parmi les plus importants de ce siècle qui commence ».

La hausse des prix des céréales au niveau mondial risque d’aggraver l’insécurité alimentaire des pays pauvres et peut être source de perturbations pouvant menacer la paix sociale, si l’on n’y prend garde. Certains pays en ont déjà fait les frais.

Au Sénégal, est-il acceptable, un demi-siècle après les indépendances, que l’essentiel de ce que nous consommons (pain, riz, maïs) pour ne parler que des céréales, nous vienne de l’extérieur ? Une telle dépendance, un tel modèle de consommation extraverti, annihile tous les efforts du gouvernement et du peuple travailleur car tout ce que nous produirons servira à importer de quoi manger, sans parler de la facture pétrolière colossale !

Le Sénégalais peut-il continuer à remplir son estomac de pain 100 % blé, de riz importé, de café importé, de lait en poudre importé, de thé importé et quoi d’autre encore, alors que nous ne produisons rien de tout cela, sinon si peu pour le riz ?

Evalués à 165 milliards en 2004, les produits céréaliers pèsent pour 11% des importations totales du Sénégal selon les chiffres du ministère de l’Economie et des Finances. Ils ont enregistré une hausse de 5 % en valeur par rapport à 2003. Les importations de céréales sont pour une part significative constituées de riz et de blé. En 2004, la facture due à l’importation du riz s’est élevée à 117 milliards pour des quantités évaluées à 747.752 tonnes. Les importations de blé se sont établies à 41 milliards en 2004 et celles de produits laitiers à 37,5 milliards, soit pas loin de 200 milliards et la facture ne cesse d’augmenter d’année en année.

Pour nous en sortir, il faudra impérativement rompre d’avec une telle situation et produire nous-mêmes l’essentiel de ce que nous mangeons. Si nous devons importer du pétrole pour couvrir les besoins énergétiques de nos centrales électriques, nos voitures et moteurs de toutes sortes, nous ne sommes pas condamnés à également importer l’essentiel de la principale source d’énergie dont le moteur de notre corps a besoin : les céréales.

Dépendance ne saurait être plus dramatique.

Les céréales sont la base de notre alimentation. Elles nous apportent, entre autres, l’essentiel de l’énergie dont notre organisme a besoin pour fonctionner correctement. Lorsque les besoins énergétiques ne sont pas couverts, différentes formes de malnutrition peuvent se développer avec un coût économique et social considérable, des répercussions graves sur la santé et le bien-être des personnes et une baisse de la productivité.

Sur le site officiel du gouvernement, il est dit clairement que : « le taux de couverture des besoins alimentaires par la production nationale révèle une situation préoccupante » et ceci risque de s’aggraver avec la tendance qui se dessine sur le marché mondial.

Une des missions de l’agriculture est de nourrir les populations urbaines et rurales. Or, depuis 1970, l’agriculture sénégalaise a failli à cette mission essentielle. Nourrir les Sénégalais, c’est d’abord et avant tout mettre suffisamment de céréales à leur disposition, sans oublier toutes les autres denrées alimentaires qui fournissent les nutriments indispensables à l’organisme humain.

Au cours des dix dernières années, notre production céréalière tourne autour de un (1) million de tonnes/an avec de légères fluctuations. Pendant cette période, les rendements ne dépassent pas 650 kg/ha pour le fonio, 875 kg/ha pour le sorgho, 700 kg/ha pour le mil, 1.170 kg/ha pour le maïs. Pour le riz, le rendement à l’ha bien qu’étant d’environ 2.600 kg doit être considéré comme encore faible.

Si le développement des cultures d’exportation est indispensable, il est également prioritaire d’orienter notre production pour nourrir d’abord les Sénégalais. Ce d’autant plus que les barrières phytosanitaires dressées par certains pays peuvent être des contraintes majeures à l’exportation. De plus, nous ne fixons pas les prix des matières premières sur le marché mondial. Mais, si au moins nous produisions ce que nous consommons et que nous consommions ce que nous produisons, le gain économique serait considérable. Il nous faut rediscuter avec les partenaires au développement pour un soutien aux efforts du gouvernement afin que le Sénégal puisse se nourrir d’abord de sa propre production.

La flambée des prix des céréales sur le marché mondial pourrait être un atout pour nos céréales locales, à condition que nous puissions saisir cette opportunité offerte par la période.

Le chef de l’Etat, le président Abdoulaye Wade a, au cours de son premier mandat, lancé d’importants chantiers mettant l’accent sur les infrastructures routières, sanitaires et scolaires, les centres de Santé. Des progrès significatifs ont été notés dans ce domaine, même s’il reste encore beaucoup à faire, tellement la situation était catastrophique.

Un nouveau chantier pourrait être ouvert par le Président Abdoulaye Wade au cours de son deuxième mandat, le chantier « Nourrir le Sénégal ». Ce grand chantier de l’agriculture et de l’agro-alimentaire aurait pour objectif de couvrir au moins 90 % de nos besoins céréaliers avant 2012. Il s’agit d’un défi. Un défi majeur que nous pouvons relever dans le cadre d’un pacte entre l’Etat, les agriculteurs, les chercheurs, les partenaires au développement et la nation toute entière. Nous serons fiers au bout de plusieurs années d’efforts d’avoir réussi là où d’autres auront échoué, fiers de prouver que nous sommes capables de nous nourrir.

Alors commencera le développement véritable pour un Sénégal émergent et toute la nation et les générations futures en seront reconnaissantes.

Certes plusieurs programmes ont été initiés (maïs, manioc) mais les résultats sont pour l’heure très mitigés et le temps presse. En plus du maïs qui doit être renforcé, nous devons gagner la bataille du riz au Nord et au Sud et produire suffisamment de riz local, car il serait illusoire de penser éliminer le riz du régime alimentaire des Sénégalais. De même, un accent particulier devra être mis sur les mil et sorgho, qui occupent la première place dans notre production céréalière, de même que le fonio. Les mil et sorgho sont adaptés à la sécheresse, d’où leur intérêt présent, mais surtout futur dans le contexte de réchauffement climatique de la planète. En plus de l’énergie, ils peuvent aussi fournir à notre organisme des vitamines du groupe B qui font défaut dans notre alimentation. De nombreux travaux scientifiques actuellement en cours montrent également l’intérêt de ces céréales et du fonio pour le régime alimentaire des diabétiques, mais aussi leur richesse en substances anti-oxydantes.

Un régime alimentaire diversifié sera bénéfique à la santé des Sénégalais, de plus en plus confrontés à des maladies chroniques (diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, obésité...) du fait en partie d’un régime alimentaire monotone et pauvre.

Mais augmenter la production céréalière locale devra s’accompagner d’un changement de nos mentalités pour « consommer sénégalais » et d’une volonté politique forte de promouvoir la consommation de nos produits, à travers des campagnes non pas ponctuelles mais permanentes et durables jusqu’à la victoire finale.

La Nation entière devra se sentir impliquée et suivre pas à pas les progrès réalisés.

Il nous faudra produire suffisamment de céréales pour notre propre consommation et leur ajouter de la valeur par la transformation et les rendre disponibles et accessibles sur le marché. De nombreux progrès ont été accomplis par les transformatrices et transformateurs des céréales dans notre pays, grâce aux acquis de la recherche.

Certes, de nombreuses initiatives appuient les acteurs de la filière. Mais elles sont souvent cloisonnées, manquent de synergie et ne permettent pas de faire les bonds qualitativement supérieurs pour satisfaire la demande de la clientèle et gagner une part plus significative du marché.

Au-delà des moulins qui rendent d’importants services aux femmes confrontées aux dures méthodes de transformation des céréales, il faudra implanter de véritables unités de transformation partout dans le pays et favoriser l’innovation technologique en milieu rural. Les citadins, si nous voulons qu’ils consomment nos produits locaux, doivent avoir à portée de main des produits de qualité, commodes d’utilisation.

Les solutions existent et ce pari peut être gagné par un effort volontariste. L’idée avait été déjà lancée par le chef de l’Etat, de retour de sa visite en Inde, il y a deux ans. Le forum sur le Dakar-Agricole avait également sorti des pistes de réflexion et de solutions. Nous ne devons pas baisser les bras. Nous devons nous entêter et agir malgré les nombreuses difficultés, car nous n’avons plus le choix !

Pr AMADOU TIDIANE GUIRO - Faculté des Sciences et Techniques Université Cheikh Anta Diop de Dakar Email : [email protected]

 



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email