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CORRUPTION- POURBOIRES, GRATIFICATION, COMMISSION, COLA, ETC… Ces maux qui gangrènent le Sénégal

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CORRUPTION- POURBOIRES, GRATIFICATION, COMMISSION, COLA, ETC… Ces maux qui gangrènent le Sénégal

Dans le contexte sénégalais actuel marqué par une série de scandales liés à la corruption et la concupiccion, le rapport blundo sur "la corruption au quotidien en Afrique", une grosse enquête financée en 2001 par la Commission des communautés européennes et la Direction du développement et de la coopération suisse(Ddc) prend tout son sens au Sénégal. Ce rapport qui décrit les pratiques de corruption au Bénin, au Niger, dresse aussi l'ampleur du phénomène au Sénégal.

Le mépris des usagers, la routine des pots de vins, la généralisation des commissions, le racket des policiers sur les routes, et le système des « faveurs », va au-delà des frontières, des cultures et des régimes. Aussi, que ce soit au Bénin, au Niger ou au Sénégal, c'est le même comportement. C'est du moins ce que révèle 'la corruption au quotidien en Afrique', une grosse enquête financée en 2001 par la Commission des communautés européennes et la Direction du développement et de la coopération suisse(Ddc). Dans cette enquête, il apparaît qu'au Bénin, au Niger et au Sénégal, c'est le même comportement observé dans les pratiques de 'la petite corruption', ou encore 'la corruption au quotidien', alors que l'on pouvait penser que ces pays offriraient quand même des tableaux relativement contrastés et variés de la « petite corruption » et de son contexte. Que nenni.

Même si, évidemment, un bureau de douane sénégalais n’est pas un bureau de douane béninois, même si l’hôpital national de Niamey ne ressemble pas au CNHU de Cotonou, ou si les avocats sénégalais sont jugés plus nombreux et expérimentés que ceux du Niger, les enquêteurs disent avoir retrouvé partout retrouvé les mêmes « tendances lourdes » : les mêmes procédures de « détournements » (et détournements de procédure), les mêmes prélèvements indus, les mêmes « arrangements », les mêmes « combines », le tout enchâssé dans une même déliquescence de l’État, un même clientélisme généralisé, et une même impuissance (et pour une part démission) des élites politiques.

Comment ça se passe au Sénégal…

Le premier inventaire qui découle de l'enquête est celui des mécanismes de base par lesquels s’opèrent les pratiques corruptives courantes. Il s’agit de quelques formes simples, qui se retrouvent massivement au Sénégal comme dans les deux autres pays, et leurs différentes administrations (seule l’échelle change, selon l’importance des enjeux, eux-mêmes très variables). Aussi, les enquêteurs distinguent-ils sept formes « élémentaires » telles qu’elles apparaissent, en se situant au plus près des pratiques des acteurs.

Entre autres, la « commission », qui est la première. Il s’agit pour l’usager de rétribuer une intervention d’un fonctionnaire lui donnant accès à un bénéfice, une exemption ou à une remise illicite quelconque : l’intervenant prend alors sa « part », en raison du « service » d’intermédiation qu’il a fourni, et/ou du service illégal qu’il a rendu, aux dépens des recettes publiques, ou aux dépens de concurrents.

Autrement dit, le fonctionnaire bénéficie d’une partie des gains illicites qu’il a fait obtenir à l’usager par son intervention.

Le plus souvent (cf. sous-déclaration en douane, ou marché public truqué), cette commission est « transactionnelle », c’est-à-dire liée à la transaction en question (par exemple elle correspond à un pourcentage, tantôt âprement négocié, tantôt standardisé, comme le célèbre 10 % que tout bénéficiaire d’un contrat public est censé verser au fonctionnaire grâce à qui il a obtenu le contrat). Mais parfois la commission est « rentière », lorsque le « service » fourni peut lui-même être générateur d’une rente. Ainsi l’obtention d’un emploi dit « juteux » peut donner lieu au versement mensuel d’« enveloppes » du « nommé » à son « nominateur » (celui grâce à qui il a été nommé).

Ainsi, au Sénégal, par exemple, l’affectation à un poste de douane « juteux », où les occasions d’enrichissement rapide sont importantes, donne lieu à des versements périodiques redistribués au sein de la hiérarchie douanière. Au Sénégal, fait savoir l'enquête, la charge informelle d’aide-collecteur des taxes de marchés est génératrice d’une rente dont profitent également le collecteur titulaire, le surveillant des halles et marchés et parfois le receveur municipal.

La commission correspond en général à une intermédiation ou un service qui lèse l’État. Mais elle peut aussi léser les opérateurs économiques, comme dans le cas classique des appels d’offre « arrangés », où l’adjudicataire n’est généralement pas le plus compétent ou le plus compétitif.

Ceci n’est bien sûr qu’un modèle simplifié, cherchant à mettre un minimum d’ordre dans la complexité des phénomènes corruptifs décrits par l'enquête, et ne prétendant en aucun cas représenter la réalité elle-même, note les enquêteurs.

En second lieu, il y a La « gratification ». Tout agent public qui a « bien fait » son travail sera « remercié » par une gratification ex-post, laissée certes à l’appréciation de l’usager, mais dont le caractère banalisé, routinier, fait penser qu’il s’agit plus d’un « pourboire » attendu que d’un « cadeau » exceptionnel.

Un infirmier ayant traité avec humanité ou efficacité un malade recevra ainsi sa « cola ». Proche dans sa logique ultime de la « commission », cette forme en diffère du point du vue des acteurs, car elle est la plus légitime à leurs yeux, et d’ailleurs ne relève pas pour eux, le plus souvent, de la corruption.

Lors des restitutions, note l'enquête, un cadre des douanes, qui revendiquait un rôle actif dans la lutte contre la corruption, a raconté comment, ayant « bien travaillé » pour opérer un dédouanement avec célérité et selon les règles, il a été remercié par le commerçant par une somme de 500.000 CFA : il opposait ce cadeau légitime aux pratiques de corruption…

Pourtant, selon les enquêteurs, 'la frontière est mince entre un « cadeau » après coup, laissé à l’appréciation de l’usager, et un cadeau « anticipé », « sollicité » ou « attendu », ou encore une « faveur » dont on sait qu’elle donnera lieu à gratification'. Quoi qu’il en soit, cette pratique du « cadeau » conduit certainement à brouiller les pistes. Mais, il y a également le « piston ».

Le système administratif est devenu, de l’avis unanime, complètement perverti par la domination du favoritisme aux dépens des critères de compétence ou d’efficience. Depuis les nominations et affectations, jusqu’à la délivrance des services aux usagers, en passant par les stages et formations, ce sont le « piston », le « copinage » et la « recommandation » qui sont au cœur des pratiques, et ceci de façon routinière, et généralisée.

Les enquêteurs parlent d’un « échange généralisé » de faveurs, qui est d’autant plus vaste que les réseaux des fonctionnaires sont eux-mêmes étendus. Le favoritisme, même s’il est parfois dénoncé (soit de façon impersonnelle comme système, soit de façon personnelle quand soi-même on en est victime), apparaît souvent aux yeux des acteurs comme doté d’une profonde légitimité sociale : refuser de « rendre service » à quelqu’un qui fait partie de vos relations, ou qui vous est recommandé par l’une d’entre elles, expose à une forte réprobation de l’entourage.

En fait, note l'enquête, le favoritisme est le frère jumeau de la corruption, dans la mesure où un usager d’un service public, pour obtenir satisfaction, doit : (a) ou bien « connaître quelqu’un » ; (b)ou bien « donner quelque chose ». Obtenir de façon anonyme un acte administratif sans verser un quelconque pot-de-vin relève de l’exception et non de la règle, c’est en tout cas l’opinion générale, selon l'enquête.

Parlons de la rétribution indue d’un service public.

Pour effectuer un acte relevant de sa fonction, le fonctionnaire fait payer l’usager. Il vend, autrement dit, le « service » qu’il est censé officiellement effectuer « gratuitement » (du point de vue de l’usager).
Aussi, au Sénégal comme au Bénin et au Niger, 'nul ne peut obtenir de façon anonyme un acte de naissance sans
verser au préposé de l’état civil les 500 ou les 1000 CFA de son « travail »'.
À la différence de la commission et de la rétribution indue, le tribut ou « péage » est extorqué sans qu’aucune intermédiation ou aucun « service » ne soit véritablement fourni.

Cadeaux anticipateurs

En somme, ces formes élémentaires de corruption s’insèrent le plus souvent dans diverses stratégies à moyen ou long terme. Par ailleurs, l’investissement corruptif consiste à donner en quelque sorte des « cadeaux anticipateurs » à un agent public, qui permettront de créer une sorte de dette, au moins symbolique, de ce dernier envers son « bienfaiteur ». Nombre de pratiques corruptrices découlent ainsi d’anticipations, autrement dit d’investissements.
Un juge nouvellement nommé recevra ainsi en cadeau de bienvenue un climatiseur du grand commerçant local ou d’un avocat de la place. À l’inverse, un autre juge pourra lui-même se mettre volontairement en situation de dette vis-à-vis des entrepreneurs dont il sollicitera des largesses à l’approche de la fête de la Tabaski.

L’administration douanière sénégalaise, pour faire face à la vétusté du parc automobile et à la faiblesse des dotations mensuelles en carburant (environ 70 litres pour toute une brigade),emprunte des véhicules ou de l’argent auprès des grands commerçants ou transporteurs. Lors des saisies de marchandise frauduleuse, ces bailleurs de fonds privés récupéreront leur investissement soit en bénéficiant de ventes aux enchères particulièrement favorables, soit de ristournes directes sur la marchandise saisie, soit de rabais substantiels des droits de douane lors des procédures d’importation.
Que dire alors de tous ces personnels informels, qui cumulent une fonction sociale utile et une fonction « corruptogène » ?

Un débat sur de telles questions, et quelques autres, partant de réalités vécues par chacun, ne ferait-il pas plus avancer la lutte contre la corruption quotidienne que des injonctions morales ou politiques venant de l’extérieur ?

M. N



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:36 PM)
    --
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