Après les 5 milliards de FCfa empruntés auprès d’Ecobank et d’Attijari Bank, pour l’approvisionnement en combustibles, voilà que le ministre de l’Energie, Samuel Sarr, a trouvé une vingtaine de milliards de FCfa dans le marché financier pour régler la question des délestages. Mais, outre le combustible, d’autres facteurs ont permis d’empirer la situation.
Depuis une semaine, des émeutes disparates sont enregistrées dans nombre de localités de la capitale dont les populations s’offusquent des coupures intempestives de courant. Ce phénomène s’est accentué ces derniers temps avec une fréquence plus régulière et à la durée plus longue. Parmi les principales raisons évoquées, pour justifier cette situation invivable, l’on retient les difficultés de trésorerie de la Senelec dont les ressources ne peuvent plus supporter le coût du combustible nécessaire à la production d’électricité. Mais les limites financières clamées de cette société dissimulent mal l’énorme jeu d’intérêts au sommet et dont les populations sont victimes. Certes, la responsabilité de la Senelec reste et demeure entière dans cette situation pour n’être pas en mesure de satisfaire sa clientèle, mais la gestion de ce dossier est telle qu’elle laisse apparaître des manœuvres dont la finalité est de se défaire d’un élément qui grippe une machine technico-financière.
Dans une déclaration publiée, hier, le Syndicat unique des travailleurs de l’électricité (Sutelec) a mis le doigt sur le mal en déplorant l’attitude des «lobbies puissants dans et en dehors de Senelec (qui) s’agitent pour des intérêts qui ne sont ni ceux de l’entreprise ni du pays». Cette tendance affairiste autour de la Senelec s’est accentuée depuis l’audience que le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, avait accordé au groupe nigérian Dangote. Et à l’issue de laquelle, confient des sources, le Président avait déclaré que l’Etat du Sénégal serait en négociation avancée avec Dangote pour la fourniture de gaz butane, à moindre coût.
Danse de scalp autour du gaz
Cette annonce présidentielle constitue une menace à des intérêts d’un cartel aux multiples ramifications. Et, par instinct de survie et de conservation, des alliances sont nouées. Un géant, qui s’active dans la fourniture d’énergie, active ses réseaux dont des membres très influents de l’actuelle équipe gouvernementale et des proches du Président Wade. L’appareil ainsi mis en place atteint des niveaux insoupçonnés, car même des leaders de l’opposition sont dans le coup. L’alerte est donnée : «Il faut tout faire pour que les négociations n’aboutissent pas» dans la mesure où le contrat de fourniture de gaz qui lie l’Etat à ce puissant homme expire au mois d’octobre prochain. Ainsi, une stratégie est définie : «Faire partir Samuel Sarr qui conduit les négociations et dont on dit très proche des propriétaires du groupe Dangote.» Ces confidences sont tenues de personnes bien introduites dans «la mafia de l’énergie». Les mêmes interlocuteurs renvoient à la dernière sortie de Clédor Sène dans les colonnes de la dernière publication de Weekend Magazine pour faire comprendre l’intensité de la guerre autour de l’énergie. M. Sène révélait que «les coupures d’électricité du week-end dernier», qui ont été à la base des soulèvements populaires, procèdent «d’actes de sabotage».
Plaidoyer pour des appels d’offre transparents
Malgré les actions souterraines menées par ces lobbies, la question de l’approvisionnement en combustible, cause des délestages, connaît un début de solution avec les prêts de 5 et 26 milliards de FCfa. Cette prouesse ne semble pas convaincre le Sutelec qui, dans sa déclaration d’hier, fait remarquer que «ce ne sont pas les cinq milliards, ou les vingt-cinq trouvés le temps de calmer la colère des populations qui juguleront le déficit». En effet, poursuivent les syndicalistes, «il faut une autre politique d’approvisionnement en combustible consistant à un appel d’offres transparent selon les règles du marché qui permettra de dépasser la crise structurelle que Senelec traverse sur cette question». Seulement, le Syndicat semble ignorer que l’entreprise ne peut pas s’engager dans cette voie qui garantit en même temps la transparence. Car, la Senelec n’est pas en mesure de payer les prestations de service dont la fourniture de combustible. Le déficit de trésorerie oblige le recours à des prêts portés non pas par la société ou par l’Etat, mais par le ministre de l’Energie lui-même, à travers ses réseaux privés. D’ailleurs, cette limite objective de la société fait l’affaire d’une élite interne qui passe les commandes de combustibles en fonction de leurs propres intérêts. Ce marché noir est un terreau fertile pour des pratiques peu orthodoxes.
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