Dans un contexte de crise financière marquée par une chute des obligations souveraines en dollars du Sénégal, le professeur Amath Ndiaye, économiste à la FASEG-UCAD, tire la sonnette d’alarme dans une tribune intitulée "Sénégal : Il n’y a plus de temps à perdre". S’appuyant sur le Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle (DPBEP) 2026-2028, il souligne que « l’encours de la dette de l’administration centrale du Sénégal atteint 23 273,4 milliards FCFA » à fin 2024, soit environ 119 % du PIB selon les estimations de Barclays, un niveau critique qui place le pays à un « véritable point de bascule macroéconomique ». Cette situation, aggravée par la méfiance des investisseurs et la montée des rendements des Eurobonds, appelle des mesures immédiates pour restaurer la crédibilité financière du Sénégal.
La baisse des obligations sénégalaises en dollars, relayée par un article de Bloomberg du 30 juin 2025 ("Senegal’s Dollar Bonds Slump as Report Raises New Debt Fears"), découle d’un rapport de Barclays estimant la dette à 119 % du PIB en 2024, contre 99,7 % en 2023. Cette flambée, combinée aux révélations de falsifications des comptes publics sous l’administration précédente, a accentué l’érosion de la confiance des marchés. Le communiqué du Ministère des Finances et du Budget, publié le 1er juillet 2025, confirme une dette de 23 563 milliards FCFA à fin 2024 et annonce un audit indépendant pour fiabiliser les données, dans une démarche de transparence.
“Fusion des agences aux missions similaires ou redondantes”
Le Pr Ndiaye insiste sur l’urgence d’un « plan de stabilisation global et crédible », articulé autour de deux axes principaux. Premièrement, pour rétablir l’équilibre des finances publiques, il propose « un ajustement budgétaire progressif mais déterminé pour arriver à un déficit public de 3 % en 2027 », la réduction des dépenses non essentielles comme l’achat de véhicules pour les officiels, et une réorientation des ressources vers la santé, l’éducation et les infrastructures stratégiques. Deuxièmement, il appelle à rationaliser l’architecture administrative par « la fusion des agences aux missions similaires ou redondantes », la suppression des dépenses ostentatoires, et une réforme des subventions de masse, remplacées par « des transferts sociaux ciblés en faveur des ménages vulnérables ».
Tout en plaidant pour des réformes, l’économiste met en garde contre une rigueur budgétaire trop brutale, qui risquerait « d’étouffer les secteurs productifs, de ralentir l’activité économique et d’exacerber la précarité sociale ». Pour conjuguer stabilisation et croissance, il recommande de « relancer le financement des PME et du secteur informel » via des fonds de garantie et une réforme de la DER/FJ, en la confiant à des experts en finance inclusive. Il insiste également sur la nécessité de « relancer les Investissements Directs Étrangers » pour dynamiser l’économie.
“Courage politique”
Le Pr Ndiaye souligne que « le régime actuel n’est pas responsable de l’accumulation opaque de cette dette » et appelle le FMI à accompagner le Sénégal avec « souplesse et discernement ». Il insiste sur un « esprit de partenariat constructif » pour éviter une analyse trop rigide de la soutenabilité de la dette, tout en poursuivant l’objectif de réduire les déséquilibres budgétaires et de relancer une croissance inclusive.
L’économiste conclut par un appel au « courage politique » du gouvernement pour engager des réformes, même impopulaires, et à la « solidarité nationale » du peuple sénégalais pour protéger les plus vulnérables et accepter les efforts nécessaires. « Il est tout à fait possible — et nécessaire — de réduire les déséquilibres budgétaires tout en relançant une croissance inclusive », affirme-t-il, soulignant l’importance de choix équilibrés pour préserver les acquis sociaux et le tissu économique local.
Commentaires (0)
Participer à la Discussion