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EXODE RURAL AU CAYOR ET AU BAOL : Survivre, entre fatalité et débrouille

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EXODE RURAL AU CAYOR ET AU BAOL : Survivre, entre fatalité et débrouille

L’exode rural tant décrié n’est pas une vue de l’esprit. La ribambelle d’enfants dans les villages du Baol et du Cayor, dont ne s’occupent que les femmes et les vieillards, suffit amplement pour montrer le désarroi des populations de ces zones. La cause principale en est l’inexistence d’activités génératrices de revenus (AGR) en dehors des cultures hivernales, puisque là où le commerce (Touba Toul) ou l’artisanat (Ndème et Mékhé) y suppléent, on note même des retours d’émigrés.

La désertion des bourgs et villages de l’intérieur, surtout par les jeunes et les femmes, est une hantise pour les autorités locales, comme en atteste le cri du cœur de Daouda Tine, le PRC de Touba Toul qui pointe du doigt le manque d’activités génératrices de revenus. Pis, en dépit de la période hivernale avancée, les campagnes sont encore vides, à l’exception des centres d’affluence périodique comme les marchés hebdomadaires. Pourtant, des initiatives existent qui, si elles sont capitalisées, permettraient d’inverser la tendance, comme à Ngay où les organisations membres de l’Union des groupements paysans de Mékhé (UGPM) ont créé les conditions de retour, avec différentes activités qui mobilisent et motivent les jeunes et les adultes désireux de rester. Car, partie de la jonction entre l’organisation pionnière, selon Baay Matar Fall, l’Associaton des jeunes de Risso (AJR) née dans les années 40 et l’Association des jeunes agriculteurs de Mékhé (AJAM) qui s’en est inspirée, l’UGPM fonctionne comme un ensemble de « modules de développement » répondant chaque fois à un besoin. D’après le président Fallou Diagne qui avait à ses côtés Bathie Mbaye de Risso et Mapathé Fall de Ndia, tout est parti d’un constat chez ceux qui sont restés. Les urgences pour la zone avaient pour noms :désertification, sols fatigués, rendements faibles. Devant le désengagement de l’Etat, ils avaient compris que leur survie dépendrait de leur capacité à développer des activités d’auto-promotion. Car, comme le dit Mbathie reprenant un adage wolof, « pour répondre présent, encore faut-il en avoir la force ». C’est-à-dire que la dépendance sur les cultures hivernales n’était par réaliste. Il leur fallait développer des AGR, en particulier pour les femmes et les jeunes. A Risso, l’AJR (ils ont vieilli, comme notre interlocuteur Baay Matar) avait débuté avec des cotisations de 25 et 100 FCFA. Alors que la Caisse d’épargne et de crédit de l’UGPM brasse aujourd’hui près de 200 milliards. A Ndia, le groupement que représente Mapathé Fall arrive même à accorder des prêts sans intérêts. Le crédit qui est le nœud gordien de toutes les politiques de promotion des AGR réglé, il faut dire que c’est surtout l’organisation, notamment leur affiliation à la Fédération des Ongs du Sénégal (Fongs), les mettant à portée des programmes de l’assistance internationale qui leur ont permis de sortir la tête de l’eau. Ainsi, ont-ils développé leur propre banque de semences et initié les femmes au petit élevage, alors que les hommes continuent de faire de l’embouche bovine selon leurs besoins.

Solidarité villageoise et engagement citoyen

Mais il y a une condition sine qua non de l’adhésion à l’union : fertiliser les sols, reboiser, mettre en valeur les terres, protéger la nature. Ce sont les fondements de l’expérience de Ngay qui tardent à être démultipliée, d’autant que ces populations parlent aujourd’hui d’un paysan de type nouveau, capable de se prendre en charge et de proposer des solutions, le parachutage ayant montré ses limites. D’ailleurs, après la réduction de la fracture numérique (ils sont connectés), un module d’irrigation au solaire est en voie d’expérimentation, après que la pompe à diésel a démontré ses limites. « Le carburant devenait de plus en plus cher », disent invariablement tous nos interlocuteurs. Seulement, sur toutes ces questions et sur la non-démultiplication des savoirs endémiques, ils pointent le doigt vers le déficit réel de communication qui fait que la bonne information ne passe pas de la base aux décideurs, entre le paysannat des différentes régions, et au niveau du public d’une manière générale.

L’organisation et la foi comme viatique

Une situation que déplore le président de l’UGPM Fallou Diagne déterminé à y remédier. Car Mékhé qui table également sur un secteur artisanal très dynamique a su développer une capacité d’insertion qui ne se retrouve sans doute qu’à Dème dans le Bambey. Car, là aussi, comme par consubstantiation, après avoir longtemps tablé sur la production des ateliers, les talibés et artisans de Serigne Bababar Mbaw se tournent maintenant vers d’autres appoints, notamment le maraîchage, mais aussi l’irrigation et les énergies renouvelables. En tout cas, le dénominateur commun entre Mékhé, et Ndème, est peut être que les autorités de ces localités ont à cœur de contrer le fléau de la désertion des campagnes par les jeunes et les femmes. Là où d’autres, comme à Touba Toul, continuent de voir les villages se vider des jeunes garçons. Quant aux jeunes filles, elles risquent encore d’être victimes de l’attrait des emplois qu’on leur fait miroiter dans la capitale Dakar où pourtant, sans autre qualification que pour faire le ménage et la lessive, ne les attendent que des corvées. Et si le type d’organisation trouvé à Mékhé où à Ndème Meïssa tarde à se matérialiser ailleurs, c’est sans doute faute des éléments moteurs que sont la motivation et l’engouement de ses vaillants ouvriers et ouvrières. Si pour le marabout Babacar Mbaw, le spirituel est le levain de l’action dans ce milieu hostile qu’est la campagne enclavée et surchauffée, la majeure partie de l’année, à Risso, par exemple, la solidarité villageoise et l’engagement citoyen sont les premiers atouts. Paradoxalement, en dépit de l’augmentation de la population de Touba Toul, l’exode des jeunes continue de faire des saignées. D’où l’importance pour le PCR Daouda Tine d’augmenter les infrastructures socio-économiques et pour Bara Pouye, la nécessité de renforcer le programme culturel pour attirer les touristes.

En définitive, si le soir à Ndème on rentre sur les rotules d’une longue journée de travail, à Touba Toul, les familles prient pour que leurs rejetons restent.


Un reportage de Fara Sambe et Mouhammadou Sagne



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