Vendredi 19 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Top Banner
Economie

Ibrahima Sall (Economiste, président du Model) : « Le Sénégal n’a pas besoin de France Télécom »

Single Post
Ibrahima Sall (Economiste, président du Model) : « Le Sénégal n’a pas besoin de France Télécom »
Parce que le Sénégal a besoin d'avoir des solutions à ses problèmes économiques, le Mouvement pour la démocratie et les libertés (Model) de l'économiste Ibrahima Sall et ses alliés (coalition Dekkal Ngor) entendent poursuivre le combat, après les élections locales. Et cette fois, c'est pour mettre en place un troisième pôle qui sera composé d'hommes ‘nouveaux, intègres et compétents’ à même de proposer aux Sénégalais une politique d'avenir.

Wal Fadjri : Qu'avez-vous retenu des élections locales auxquelles votre parti, le Model, a pris part aux côtés de l'Apr/Yakkaar dans la coalition Dekkal Ngor ?

Ibrahima Sall : D'abord, si le Model n'avait pas fait trop de bruit au sein de Dekkal Ngor c'est parce que nous pensions qu'il ne pouvait pas y avoir de récupération politique pour une élection qui devait concerner les intérêts primordiaux des populations. Nous sommes partis en coalition parce que notre parti n'avait pas de récépissé. Et c'est l'occasion de signaler que bien que le récépissé ait été signé, c'est aujourd'hui (vendredi dernier : Ndlr) qu'on me l'a notifié. Maintenant, le Model a son récépissé et c'est un parti légalement constitué.

Pour nous, ces élections ne doivent pas être lues de manière unilatérale. C'est un rejet total par la population, de la manière dont la politique est faite. Ce qui explique, d'ailleurs, la percée de la société civile, mais aussi des partis nouvellement créés par une nouvelle génération d'hommes politiques. Aussi les Sénégalais ont compris que la carte d'électeur est l'arme fatale. Et je pense que le taux de participation qui a été assez moyen, va se multiplier par deux aux prochaines élections, c'est-à-dire que plus de 5 millions de Sénégalais vont s'intéresser aux échéances à venir. Et ils ne s'intéresseront pas aux appareils politiques, mais à la valeur des hommes qui vont diriger le Sénégal. C'est pourquoi ceux qui sont sortis vainqueurs de ces élections, doivent travailler pour le peuple en faisant autrement de la politique : proposer des solutions économiques et sociales aux problèmes des Sénégalais.

Le Model est très satisfait des résultats enregistrés dans le cadre de Dekkal Ngor. Et notre parti continue à se massifier. Sous ce rapport, nous avions envoyé des missions dans tout le Sénégal pour un recensement de la vente des cartes. Avec, dans un premier temps, un objectif de 100 mille cartes et nous en sommes très proche.

Wal Fadjri : En quoi ces résultats des locales peuvent-ils être considérés comme un signal aux politiques ?

Ibrahima Sall : Parce qu'en l'espace de neuf ans, deux régimes différents ont été sanctionnés. Ce qui veut dire que le Sénégal a besoin d'un renouveau politique et le Model veut en être l'incarnation. Mais les populations, à travers ces résultats, veulent aussi dire, aux politiques, que les Sénégalais sont capables de choisir les gens qui vont les diriger. C'est pourquoi, c'est un signal à l'ensemble de la classe politique et plus particulièrement au parti au pouvoir qui a été sanctionné dans les grandes villes.

Wal Fadjri : L'émergence de la société civile n'est-elle pas synonyme de ‘défaillance’ des partis politiques ?

Ibrahima Sall : Oui. Et c'est un manque que le Model veut combler parce que si vous voyez notre parti, sur les 90 membres de son bureau politique, les 70 n'ont jamais fait de la politique. Nous avons des personnes ressources qui sont, non seulement, de la société civile, mais aussi des avocats, des médecins, des hommes d'affaires, etc. Le Model est donc un parti ambivalent, constitué à moitié d'hommes politiques et de la société civile. Ce qui montre que les membres de la société civile s'intéressent à la politique, mais ils sont obligés d'être dans les structures politiques. Et le Model propose cette nouvelle forme de politique qui sera une chance pour le Sénégal.

Wal Fadjri : Le choix de s'allier avec l'Apr n'est certainement pas gratuit. Qu'est-ce qui l'explique ?

Ibrahima Sall : Nous nous sommes choisis mutuellement. Le président Macky Sall est un ami de longue date, nous échangeons et travaillons ensemble. J'ai, par exemple, les mêmes relations avec Cheikh Bamba Dièye, avec tous les autres hommes politiques, du pouvoir comme de l'opposition. Mais, nous (Maky Sall et moi) avions deux jeunes formations politiques créées et qui n'avaient pas encore de récépissé. C'est pourquoi, nous nous sommes alliés avec notre ami Mahmoud Saleh pour avoir un support politique. Et nous travaillons pour la mise en place d'un troisième pôle qui sera celui de la nouvelle émergence. Un pôle qui sera composé d'hommes nouveaux, intègres et compétents et qui proposera aux Sénégalais une politique d'avenir. Parce que le Sénégalais a besoin, aujourd'hui, d'avoir des solutions à ses problèmes économiques. Le Model est ouvert à tous ceux qui pensent que le Sénégal doit être dirigé autrement.

Nous sommes une génération née avec les indépendances et avons une certaine expertise de l'économie. Or, tous les problèmes qui se poseront au Sénégal à l'avenir seront des problèmes à base économique. La crise mondiale a d’ailleurs prouvé que la gestion de l'Etat passe par la résolution des problèmes économiques. C'est ce que les gens ont appelé, de manière assez naïve, la demande sociale mais qui est pour moi la demande économique. Parce que la crise a exacerbé les problèmes économiques, notamment financiers, les problèmes de gestion de la compétitivité du pays, celui de l'emploi des jeunes, de l'agriculture, etc. Ce sont là des questions auxquelles, seuls des hommes compétents et intègres peuvent trouver des solutions et non de simples discours d'hommes politiques. L'Etat a besoin de trouver des finances sur le plan international, de les gérer de manière rationnelle et de faire des résultats pour que la croissance soit quelque chose de réel et de palpable pour les populations. Et pour cela, il ne faut pas des hommes politiques qui font de la politique un métier. Mais des gens qui ont une compétence avérée en matière de politique économique et sociale et qui peuvent proposer aux Sénégalais des solutions. Des solutions qu'ils vont trouver par eux-mêmes et appliquer dans la gestion politique du pays.

Wal Fadjri : L'on s'attend à un remaniement ministériel. Si vous aviez à conseiller le chef de l'Etat, que lui diriez-vous à propos du futur gouvernement ?

Ibrahima Sall : Que la réforme doit être économique de manière profonde. Notre pays est, aujourd'hui, à la croisée des chemins. Et notre économie n'est pas en très bon état. Par conséquent, il faut que nous puissions être dirigé par des hommes compétents. L'erreur fondamentale des hommes politiques a été toujours de faire des choix par rapport à l'actualité politique. Or, la question de la nation est tellement sérieuse qu'il n'est pas question de faire des choix par rapport aux intérêts ou aux situations politiques du moment. Mais plutôt par rapport aux besoins de l'économie, par rapport à ce que demande l'économie du Sénégal : qu'est-ce qu'il faut faire pour sortir le Sénégal de l'ornière. Un vice-président, un Premier ministre ? Pour moi, les postes politiques ne sont pas très importants. Ce qui est important, c'est le choix des hommes qui pourront trouver des solutions à nos problèmes. Parce que tous les grands pays qui ont explosé sur le plan économique, ont pu trouver le chemin grâce à des compétences. Par exemple, si on parle de la Chine aujourd'hui, c'est grâce à Deng Xaopin qui a créé les conditions de développement de son pays. Le président Roosevelt aux Etats-Unis, à un moment donné, a créé le New deal et fait développer son pays. C'est dire qu’un Etat se développe à partir d'idées que ses dirigeants mettent en place et appliquent. C'est donc plus un choix de compétence qui est nécessaire qu'un choix politique.

Wal Fadjri : Comment percevez-vous les querelles de l'opposition relatives à la répartition des responsabilités, au lendemain de la victoire ?

Ibrahima Sall : Au Model, nous avons choisi de ne jamais nous disputer pour des postes. Pourtant, nous avons la possibilité comme tous les autres de revendiquer des postes. Mais la direction de notre parti a donné des directives à tous les conseillers qui ont été élus de respecter les choix qui seront faits. Parce que, pour nous, le plus important, n'est pas d'être maire ou adjoint au maire, mais d'être dans une équipe municipale ou communale qui prend en compte l'intérêt des populations. Mais on a l'impression que les gens font du Benno (l'unité) pour le partage. Or nous autres, nous ne voulons pas vivre de la politique, mais nous voulons faire vivre le Sénégal. C'est pourquoi nous fustigeons toutes formes de disputes. Et j’invite les gens à se mettre vite au travail et que ceux qui ne sont pas élus, viennent en appoint aux élus pour l'intérêt des populations.

‘Il est absurde que, dans des secteurs comme la téléphonie, la banque, les assurances où il n'y a pas de science infuse, que des sociétés multinationales étrangères aient le monopole dans notre pays. Nous n'avons pas besoin de France Télécom pour monter une société de téléphonie’

Wal Fadjri : En tant qu'économiste, vous ne devez pas être indifférent au bras de fer qui oppose l'intersyndicale de la Sonatel à l'Etat du Sénégal qui a décidé de vendre 9 % de ses parts dans cette société. Quelle appréciation en faites-vous ?

Ibrahima Sall : Le problème est beaucoup plus profond que ça. La question de la Sonatel en elle-même est très importante, mais, on doit se poser la question de savoir si, au Sénégal, l'économie est prête à être privatisée dans son intégralité. Pour ma part, je trouve qu’il est même absurde que, dans des secteurs comme la téléphonie, la banque, les assurances où il n'y a pas de science infuse, que des sociétés multinationales étrangères aient le monopole dans notre pays. Nous n'avons pas besoin de France Télécom pour monter une société de téléphonie.

Wal Fadjri : L'Etat avance ses difficultés de trésorerie pour se justifier…

Ibrahima Sall : Mais s’il y a des problèmes financiers, c'est parce que 80 % des bénéfices qui sont réalisés dans les secteurs rentables, sont rapatriés dans les pays étrangers. Aujourd’hui, il n'est même pas nécessaire de donner une licence à des Soudanais ou des Américains parce que des Sénégalais sont capables de faire fonctionner des sociétés de téléphonie ou de banque. On a perdu le monopole sur le sucre, on perd du monopole sur le Télécom, sur les assurances, etc. Or, il est nécessaire que le gouvernement prenne des dispositions pour que les Sénégalais puissent avoir accès à la gestion de toutes les entreprises. Pourtant, dans certains pays démocratiquement très avancés, il est dit dans les textes qu'aucun étranger ne peut détenir à plus de 40 % des actions dans des sociétés à vocation nationale. Je pense qu'aujourd'hui, il faut aller dans le sens d'une réforme constitutionnelle permettant à nos amis étrangers de participer au développement du pays, mais aussi aux Sénégalais de détenir la majorité absolue dans ces sociétés. Parce que ce n’est qu’ainsi qu’on peut défendre l'emploi puisque ces sociétés sous-traitent avec des Pme qui sont les créateurs d'emploi et des pourvoyeurs de croissance.

Il est nécessaire - et le Model va se battre pour cela - que l'économie des Sénégalais revienne aux Sénégalais. Vendre des actions de la Sonatel qui rapportent des dizaines de milliards à l'Etat, qui sous-traite avec un ensemble d'entreprises, c'est marcher sur la tête. Il faut savoir raison garder et surtout discuter avec les syndicats au niveau des entreprises pour que toutes les décisions qui seront prises, le soient avec leur accord. Car ce sont eux qui sont au fait de ce qui se passe au niveau des entreprises.

Wal Fadjri : Sera-il aussi facile de procéder à ces réformes ?

Ibrahima Sall : (Il coupe) J'ai l'impression que les hommes politiques n'osent pas aborder ces questions. Il y a des monopoles qui sont là depuis plus de quarante ans, notamment celui du sucre, et personne n'en parle. Si nous prenons par exemple l'histoire d'Air Sénégal, on aurait pu monter une société avec nos amis marocains, mais à prédominance sénégalaise. Mais à Dakar, on a pensé qu'il fallait se mettre derrière quelqu'un pour que cette personne nous aide à gérer, alors que nous avons la capacité de faire tout ça. Il suffit de laisser la place à ceux qui savent faire.

Le monde a changé. On retourne à la nationalisation même dans les pays capitalistes. Certes, il faut respecter les règles du commerce international, mais il faut savoir défendre aussi l'intérêt du pays. Et cela, on pourra le faire en combattant la corruption parce que c'est à cause de ce phénomène que certains hommes politiques prennent des décisions politiques qui sont contraires aux intérêts de la nation. A ce propos, le Model va écrire au Tribunal pénal international (Tpi) pour que le crime économique soit considéré comme un crime contre l'humanité. Parce que c'est un crime qu'un homme politique qui dirige un pays, prend des milliards au risque de tuer des gens qui n'ont pas quoi vivre. Et c'est seulement en luttant contre la corruption, en mettant en place un collectif de transparence et de compétence que les économies des pays sous-développés pourront être défendues pour l'intérêt des populations et de la nation.

Wal Fadjri : L'Afrique devrait ressentir sous peu les effets de la crise financière mondiale, selon certains analystes. Existe-t-il des palliatifs ?

Ibrahima Sall : En tout cas, si rien n'est fait, il y a un effet inflation qui va revenir. Par exemple, la demande chinoise qui est en train d'augmenter depuis quelques semaines, pourra encore faire remonter très haut le prix du pétrole ainsi que les prix de produits alimentaires. Et la solution agricole qui est dans le plan de développement du Model doit être appliquée : Nous avons 360 mille hectares de terre dans la vallée du fleuve Sénégal, il faut d'urgence essayer de passer à l'exploitation de ces surfaces. Cela, en créant une banque agricole chargée de financier l'exploitation desdites surfaces. Il faut aussi penser à la mise en place d'une grande politique sur l'énergie solaire pour lutter contre la prédominance du pétrole et passer à une relance de l'économie interne en créant une industrie. En effet, le Sénégal n'a pas d'industrie et le fait d'être victime d'une économie de souk est dangereux pour le pays. C'est pourquoi il faudrait faire redémarrer certains secteurs de l'industrie afin de créer des emplois et d'éviter la saignée financière due au déficit de la balance commerciale.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email