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Economie

ICS : DE DIOUF A WADE : Héritage sulfurique

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ICS : DE DIOUF A WADE : Héritage sulfurique

MBORO - Conséquence des difficultés : Nouveau naufrage au Sénégal

La mauvaise passe dans laquelle se trouvent les Industries chimiques du Sénégal (Ics) est fortement ressentie dans la ville de Mboro. Tous les secteurs de la vie s’en ressentent. Et les habitants demandent aux autorités de sauver les Ics. Reportage.

«Les gens s’étonnaient quand quelqu’un venait habiter ici. J’étais à Dakar où j’occupais un poste de travail. Il fallait que je rejoigne mon mari qui travaillait ici. Ma famille n’en voulait pas et mon ménage a failli en prendre un coup. J’ai tout abandonné et j’ai finalement rejoint mon mari en 1983. A cette époque, personne ne voulait de l’endroit.»

Quand Katy Diouf bravait le chaud soleil et la brume qui enveloppe Mboro en ce milieu de matinée, mille et un souvenirs ont défilé dans sa tête. Autant de réminiscences des Industries chimiques du Sénégal qui baignent dans l’opulence ; des Ics au faîte de leurs performances, au point d’être cataloguées «fleuron» de l’économie du Sénégal. Et la ville de Mboro, où est implantée la fabrique, ne s’en portait que mieux. «Je fais du commerce. Je voyageais un peu partout, Etats-Unis, France. Nous avons eu tout notre bien-être ici», témoigne Bana Fall.

Les Ics polluaient la nature bien sûr, mais appliquaient le concept du «pollueur-payeur». Dans certains coins de la ville, l’électricité et l’eau sont gratuites. Le système scolaire n’est pas non plus en reste, avec la construction, en 1983, du lycée Taïba-Ics, une distribution de fournitures aux élèves et la construction de logements pour le corps enseignant. Le service médical des Ics, réservé en priorité aux travailleurs, est également ouvert aux populations.

Un «géant» qui bat de l’aile

Mais depuis quelque temps, «le géant», pour reprendre une expression de Aïda Seck Fall, présidente de l’amicale des femmes des travailleurs et retraités, bat de l’aile, avec des dettes financières globales estimées à 80 milliards et des dettes commerciales du même ordre, en plus des dettes bancaires et monétaires de 70 milliards de francs Cfa. S’y greffent d’autres emprunts à rembourser à très court terme (par exemple tous les mois) de la Cbao, un emprunt obligataire et 15 autres milliards de francs.

Cette situation a pris de court tout le monde. «Ils n’ont jamais imaginé que les Ics allaient rencontrer ces difficultés un jour. Cela a été une surprise pour tout le monde», selon Abdoulaye Datt, adjoint au maire de Mboro et par ailleurs travailleur aux Ics.

Aujourd’hui, comme un «tsunami», venu des profondeurs des océans, ce sont toutes les localités riveraines de l’usine, Mboro, Darou, Thiès, Tivaouane, et d’autres petits villages, qui ressentent le choc. «Nous n’avons pas fêté, comme nous le faisions les dernières années, les fêtes de fin d’année, entre autres. Et il y a le Magal, les Pâques et le Gamou qui pointent. Comment des gens qui ont l’habitude de célébrer ces évènements avec leurs enfants vont le faire maintenant sans aucun moyen», s’inquiète Aïda Seck Fall, habillée presque tout en rouge. Et jusqu’au 13 février, point de salaires. Les élèves des écoles privées n’ont pas payé leurs frais de scolarité. «Pour ce mois, nous avons 6 256 700 francs Cfa d’arriérés. Les élèves sont pour la plupart, des fils des travailleurs des Industries chimiques du Sénégal», informe Mamadou Sall, directeur de l’école «Le Soleil Levant». Il ajoute : «Vous voyez ! si les Ics coulent, je coule.» Mais ce sont des cas sociaux dont la direction tiendra compte, selon M. Sall.

Autres conséquences dont se plaignent les habitants : «Les gens n’ont plus rien. Les stocks de provisions sont épuisés. Et, on n’ose même plus aller chez le boutiquier pour prendre une ration alimentaire», selon Marie qui bat le macadam le pagne bien noué. Et, comme pour le signifier à tout le monde, elle exhibe tout haut un sac de vide. «Nous sommes fatigués», soupire-t-elle.

«J’ai reçu des instructions de mes patrons de ne plus accorder de prêt»

Tout a été également revu à la baisse. «Mon père nous donnait tout. Et il ne nous refusait rien. Mais aujourd’hui, nous ne pouvons plus aller lui demander quoi ce soit, parce qu’il ne peut pas», confesse un élève. Au marché central aussi, commerçants et vendeurs broient du noir. «Mes ventes ont considérablement diminué. C’est en fin de mois que les gens venaient prendre leurs provisions et payer la précédente facture. Mais ce mois, il y en a eu très peu qui l’ont fait», souligne Mor Djité, vendeur dans un grand magasin. Pour confirmer cette mauvaise passe des vendeurs, l’adjoint au maire rapporte : «la dernière fois, l’un deux m’a dit qu’il faisait jusqu’à 1000 000 de francs Cfa par jour. Aujourd’hui, il en est seulement à 50 mille francs Cfa par jour.» Plus de crédit également. «J’ai reçu des instructions de mes patrons de ne plus accorder de prêts. Ils estiment que ce n’est pas sûr», fait savoir Mor Djité. Malgré ces difficultés, la «dignité» est de mise chez tout le monde, selon Aïda Fall. Mais le pire est à craindre si la situation perdure.

«Sous peu, c’est l’eau qui va manquer à certaines populations qui sont approvisionnées par le réseau des Ics», prédit Aïda Seck Fall. «Imaginez ce qu’est une vie sans eau», lance-t-elle. Pour ne pas en arriver là, les populations demandent l’intervention du président de la République. Et au cours d’une réunion du conseil municipal, les conseillers sont montés au créneau pour exprimer leur préoccupation par rapport à la «banqueroute qui guette cette entreprise et le désarroi dans lequel sont plongées les entreprises prestataires, les familles, les travailleurs et toutes les populations vivant des effets induits de ce fleuron». Ils ont exhorté «le chef de l’Etat à trouver les moyens de sortie de crise idoines, à court, moyen et long termes» et l’ont encouragé à «mettre en œuvre dans les plus brefs délais les promesses déjà annoncées». Histoire de «ramener ainsi la sérénité dans les zones riveraines des Ics et dans le pays en général». Pour Aïda Seck Fall, «tout le monde a entendu la déclaration du président de la République. Il faut maintenant qu’il agisse».

Sur les solutions de sortie de crise, la bonne dame ne manque pas non plus d’idées pour sortir les Ics de leurs difficultés. «Nous demandons l’organisation d’un téléthon, dit-elle, pour que le géant ne sombre pas.» Et par rapport à la faillite définitive de l’entreprise, c’est l’adjoint au maire qui met en garde : «Si l’entreprise met la clef sous le paillasson, ce sera une catastrophe plus que grave que celle du Joola. Car ce sont des gens qui vont galérer toute une vie.»



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