LAMINE BA, ANCIEN MINISTRE : « Voir pourquoi la Sénélec est aujourd’hui invendable »

Ancien ministre de l’Assainissement et du Plan, M. Lamine Ba apprécie la situation économique et sociale, notamment les difficultés nées du déficit énergétique et des inondations. Il revient également sur les solutions à la problématique de l’assainissement.

La situation économique et sociale du pays est relativement tendue, avec les délestages, les inondations et le renchérissement des denrées de premières nécessités, etc. Quelle appréciation en faites-vous ?

Je suis très désolé de constater ce qui se passe. Je suis sûr que ce n’est pas çà l’ambition du président. Je l’assume haut et fort. Je suis certain que le président Wade que nous avons connu et suivi dans les années 80-90, a d’autres ambitions que ce marasme que nous sommes en train de vivre. Une série de délestages, des inondations, etc. L’électricité est indispensable pour le développement. C’est aussi indispensable que l’oxygène pour la vie. Il ne peut y avoir de développement sans énergie. La révolution industrielle c’était au 18e siècle avec la houille. Le développement actuel, c’est avec le nucléaire, après le pétrole et les énergies fossiles dans les années 70-80-90. Aujourd’hui, c’est le nucléaire. On ne peut pas continuer à vivre dans ce système moyenâgeux. Nous avons les énergies renouvelables, l’hydroélectricité, etc. Je crois qu’il faut sérieusement y penser. C’est là tout le sens de la planification, de l’économie et de la préservation de certaines ressources. Si nous voulons continuer notre trajectoire de développement, il faut arrêter et trouver des solutions à ce problème énergétique. Ce n’est pas une question de confort dans nos foyers avec des lampes incandescentes, le réfrigérateur et le climatiseur qui fonctionnent ; c’est un problème de développement au plan macro-économique, ce n’est pas un problème de confort individuel. Donc, je suis désolé de constater qu’aujourd’hui, sur ce point, il y a eu beaucoup d’erreurs ; depuis la vente de la Senelec du temps de Macky Sall, quand il était ministre de l’Energie. Il faut situer les responsabilités. Elles vont très loin, ces responsabilités. On a essayé de vendre la Senelec, je me souviens bien, vers 2002. Qu’est ce qui s’est passé pour que personne ne veuille plus de la Senelec ? Il faut interroger le ministre de l’Energie d’alors. Pourquoi la Senelec semble devenir un gouffre à milliards ? Les gens semblent amnésiques. Ils ne veulent pas interroger l’histoire ; l’histoire récente en plus. Est-ce que tout s’est fait correctement ? Les commissions d’enquêtes dont on parle devraient aller plus loin pour situer les responsabilités.

Vous avez aussi été ministre de l’Assainissement. Comment appréciez-vous la situation dans les banlieues avec ces inondations qui reviennent chaque année ?

L’assainissement c’est le septième Omd. C’est un secteur aujourd’hui qui est largement financé par les bailleurs de fonds, la Banque mondiale, l’Union européenne, la Bad, la Badea, etc. En un an au ministère de l’Assainissement, j’ai fait mobiliser, avec bien sûr les techniciens du ministère des Finances, en déposant de bons projets, environ 109 milliards de Francs Cfa. Et ce n’est pas si lointain, c’était juste en 2004. Le Président a eu une belle vision en faisant de l’Assainissement un secteur à part, un département ministériel ; ce qui a été salué par la Commission des Nations Unies pour le développement durable où j’ai représenté le Sénégal. Tous les pays étaient en phase de créer un ministère de l’Assainissement. Nous avons mobilisé 109 milliards. Je peux vous faire le tableau : 8 milliards pour Pikine, 11 milliards pour les Parcelles, 4 milliards pour Grand Yoff, 4 milliards pour Louga, 8 milliards pour Kébémer, 9 milliards pour Tivaouane, 6 milliards pour Diourbel, 6,5 milliards pour Thiès, 4 milliards pour Saint Louis. Qu’est ce qu’on en a fait ? C’est la question qu’il faut se poser. Et c’est sur instruction du Président que tout cela a été fait. Lorsqu’on parle d’inondations 5 ans après, j’ai mal. Nous avons les plus grands techniciens en matière d’hydraulique, nous avons eu beaucoup de financements pour la collecte des eaux usées, le drainage des eaux pluviales. Si aujourd’hui les Sénégalais pataugent dans les eaux, ça me fait mal. Franchement.

Il est temps de reprendre les choses en main, de retourner à la vision fondamentale du Président Wade et qui doit être encadré par des gens qui l’aident, qui l’assistent pour réaliser ses ambitions pour notre pays. Il est franchement temps, parce qu’il est inconcevable que par la magie de la démocratie cette vision de programme soit stoppée, après dix ans seulement. Et les gens jouent avec le feu. Ils ne se rendent pas compte qu’au-delà même des positions occupées dans l’échiquier administratif, c’est le développement du Sénégal qui sera hypothéqué.