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Economie

Le ministre du budget poussé à la démission : Un gouffre de 450 milliards dans le trésor

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Le ministre du budget poussé à la démission : Un gouffre de 450 milliards dans le trésor

- L’affaire remonte à 2003
- Ibrahima Sar sacrifié à la place de Hadjibou Soumaré
- Mamadou Abdoulaye Sow, directeur du Trésor nouveau ministre du Budget
- Les «demandes d’explication» à des ministres, une mise en scène de Wade

Des dépassements budgétaires qui creusent le déficit du Trésor public à un niveau équivalent à près de 10 fois le scandale des Chantiers de Thiès. Telles sont résumées les raisons qui ont emporté le ministre délégué chargé du Budget, hier dans la nuit. Cependant, ces fautes de gestion, datant de l’époque de son prédécesseur, qui est aujourd’hui le Premier ministre, risquaient d’emporter également ce dernier, si M. Sar n’avait pas servi de fusible.

Le ministre du budget, Ibrahima Sar vient de quitter l’attelage gouvernemental de manière brutale. Au moment où l’information était donnée hier dans la nuit, il n’était pas annoncé d’autre départ que le sien. Pour montrer la brutalité du limogeage, aucun décret officiel n’avait été signé hier pour annoncer le départ du dernier ministre dans l’ordre protocolaire. Tout juste si un membre de la Présidence, contacté hier dans la nuit, a déclaré au journal Le Quotidien, que le décret sera publié aujourd’hui. Mais il fallait agir dans l’urgence.
Car la situation était devenue intenable aussi bien pour le Président de la République que pour son Premier ministre, Cheikh Hadjibou Soumaré. Le directeur général du Fonds monétaire international (Fmi), M. Dominique Strauss-Kahn (Dsk), venait de faire savoir au chef de l’Etat, qu’il n’était plus question pour son institution, de collaborer avec le Sénégal tant que Ibrahima Sar resterait au Budget. Or, le Sénégal, qui est lié au Fonds par un accord sans décaissement, dit Initiative de soutien à la politique économique (Ispe), ne peut se passer de cette garantie de bonne gestion que lui offre le gendarme de la finance internationale. Le représentant résident du Fmi, qui avait été reçu au Palais de la République en début de semaine, avait certainement échangé sur cette question avec le chef de l’Exécutif. Néanmoins, Le Quotidien n’a pu avoir confirmation de la teneur de cette conversation auprès de M. Segura. Hier, toute la journée, il était impossible de le joindre au téléphone.

LE FMI BERNE
Les informations que Le Quotidien a vérifiées auprès d’autres sources indiquent que c’est un trou de plus de 450 milliards de francs Cfa dans les caisses du Trésor public, qui a scellé le sort du ministre chargé du secteur. Il est démontré que le ministre délégué chargé du Budget a plusieurs fois autorisé des avances de trésorerie sans couverture budgétaire. Ainsi, certains ministres auraient, selon les informations recueillies par Le Quotidien, opéré à des dépassements budgétaires de plus de 100 millions de francs Cfa. «Ce trou représente plus de dix fois le scandale des Chantiers de Thiès», soupire un cadre bien informé de la situation. On sait que sur les Chantiers de Thiès, il avait été reproché à plusieurs personnes, dont le Premier ministre de l’époque, d’avoir opéré des avances de trésorerie de près de 25 milliards de francs. Et on a vu les ramifications judiciaires qu’a connues le dossier.
La colère de Dominique Strauss-Kahn et de son représentant local viendrait surtout, d’après plusieurs sources, de ce qu’ils se rendent compte qu’ils ont été bernés comme de novices, par le gouvernement. En fait, résume de manière lapidaire, une personne proche de l’entourage présidentiel, le programme conclu entre le Fmi et l’Etat était différent de ce qui était voté dans la Loi des finances. «Quand le gouvernement s’accorde avec le Fonds pour exécuter un programme qui porte sur 700 francs par exemple, il vote une loi des Finances qui prévoit 1000 francs. Ainsi, quand il arrive de faire des avances de trésorerie, elles sont portées sur le montant supplémentaire de la loi des Finances. Le seul problème est que ces avances n’ont pas de couverture budgétaire.» Par laxisme ou par naïveté, les fonctionnaires du Fmi n’ont rien vu venir. Même quand Alex Segura faisait sa sortie dans Le Quotidien n°1605 du 16 mai 2008, il ne connaissait pas réellement la gravité de la situation. Car les choses avaient commencé à se dégrader depuis bien longtemps.

UN TROU QUI DATE DE HADJIBOU

En fait, le trou a commencé à se creuser depuis 2003, quand l’actuel Premier ministre, Hadjibou Soumaré, était encore ministre chargé du Budget. Toutes les informations concordent à ce niveau : «C’est le ministre Soumaré qui a commencé avec cette pratique de décaissement sans couverture budgétaire. Il a toujours accepté de sortir de l’argent facilement.» Au point que certains n’hésitent pas à affirmer que c’est à ces belles manières qu’il a dû d’être porté à la tête du gouvernement. Et tout naturellement, il a demandé que celui qui a été son directeur de Cabinet au budget, et qui était déjà bien rôdé dans ces pratiques, le remplaçât. L’ennui est que le Fmi réclamait des têtes, et on a choisi, pour parer au plus pressé, de sacrifier le plus faible maillon de la chaîne. C’était Ibrahima Sar, pour que les bailleurs ne remontent pas jusqu’au plus haut niveau du gouvernement, ou pire, ne plient bagages. Dans ces circonstances de tension économique et sociale, le Sénégal a encore besoin du Fmi, et il le sait. L’ironie du sort pour le gouvernement de Soumaré, est que cette crise alimentaire qui le lie aux institutions de Bretton Woods, est quelque part à la base de la découverte de son double jeu.

LA CRISE ALIMENTAIRE DEVOILE L’ARTIFICE

Car en effet, le souci d’atténuer les effets de la crise née de la hausse des produits alimentaires sur le marché international, ajoutée à celle des produits pétroliers, a poussé l’Etat à solliciter encore plus le Trésor public, au-delà de ses capacités. Malheureusement, ce faisant, les pouvoirs publics ont tenu pour négligeable l’entreprise privée nationale. «Ils (le gouvernement : Ndlr) ont voulu subventionner les produits alimentaires avec les dettes dues aux entreprises publiques, pour ne pas changer leurs façons de faire. Ce qui a encore contribué à creuser le déficit du Trésor public, au point d’attirer l’attention du Fmi», assure le membre du cabinet présidentiel. Au départ, Alex Segura, en tirant sur le signal d’alarme, avait estimé le trou du Trésor aux 150 milliards de francs enregistrés comme dus aux entreprises du secteur privé. Bien qu’il n’imaginait pas encore l’ampleur du désastre, il subodorait que certaines créances n’étaient pas enregistrées à dessein, afin de ne pas être répertoriées. Mais il avait pu indexer des ministères qui semblaient s’être spécialisés dans les dépassements budgétaires, par ces artifices d’avance sur trésorerie. Et il avait demandé que cette pratique soit arrêtée. D’ailleurs, dans le rapport publié après la première revue de l’Ispe, au mois de juin (Voir Le Quotidien n°1637 du lundi 23 juin 2008), il était reconnu qu’un «certain nombre de dérapages budgétaires se sont produits en 2007» et, plus encore, qu’il était «possible qu’il y ait eu des dépenses hors budget d’environ 0,2% du Pib».
Il s’avère aujourd’hui que le trou était trop important pour être caché plus longtemps. Une fois la situation connue, la sentence de Dsk est tombée. Ibrahima Sar a été contraint de faire sa valise dans la nuit, et de laisser la place au directeur du Trésor, M. Mamadou Abdoulaye Sow. Il ne serait pas étonnant de voir d’autres ministres suivre, dans les jours qui viennent, la trace de M. Sar.

ME WADE ET SON CINEMA
C’est un peu à cela que voulait préparait le président de la République avec son opération d’hier matin, lors de la conférence des ministres. En effet, Me Wade est entré dans la salle du Conseil avec une pile contenant un peu plus d’une douzaine de demandes d’explication, destinées à certains de ses ministres. Les notes, ayant toutes la même teneur, demandaient à leurs destinataires de s’expliquer sur les dépassements budgétaires que les Inspecteurs des finances ont relévés dans leur gestion. Et les lettres demandaient des réponses de la part des ministres, dans la journée même, à 18 heures au plus tard. Les non-initiés qui ont communiqué l’information, ont néanmoins compris que le Président se préparait à un nouveau changement de son gouvernement, sans en connaître les vraies raisons. Mais ici, sont visés ceux qui ont le plus bénéficié des largesses du tandem Soumaré-Sar.
Malheureusement, ces bénéficiaires sont parmi ce que l’on pourrait appeler, les piliers du régime de l’Alternance. Des noms comme celui des ministères de l’Equipement ou de l’Intérieur, sont cités parmi les plus gros dépensiers. L’équation est de savoir comment corriger leurs pratiques sans les fragiliser dans leurs bases politiques. Or, depuis le mois d’avril, le Fmi avait attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité de mettre fin à ces fautes de gestion. Maintenant, l’heure des sanctions semble avoir sonné. Mais le cinéma du Maître du jeu hier, avait pour but de démontrer que c’est toujours lui qui décide de qui doit aller à l’abattoir, et du moment de l’y conduire.



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