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Economie

Le president wade : “ Faire du combat contre les Ape une question africaine ”

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Le president wade : “ Faire du combat contre les Ape une question africaine ”

Le président de la République, Me Abdoulaye Wade a réuni autour de lui le mardi 18 décembre 2007, toutes les composantes de la Nation : ministres, parlementaires, patrons, des syndicalistes, des Ong, des artistes, des femmes, des jeunes, etc. pour évoquer avec eux le problème des Accords de partenariat économique et des effets de ses applications sur nos économies. Parmi les personnalités présentes, on peut citer les ministres Bacar Dia et Mame Birame Diouf, M. Diakaria Diaw, M. Babacar Gaye, les professeurs Iba Der Thiam, Abdou Salam SalL, Moustapha Kassé, M. Baïdy Agne, MM. Mamadou Diop Decroix, Modou Diagne Fada, Mme Mariama Touré, Mme Voré Gono Seck du Congad, MM. Mbaye Gana Kébé, Ibrahiam Sarr, Cheikh Diop, Mme Marie-Angélique Savané, M. Momar Ndao, M. Cheikh Bamba Dièye, Mme Touré du Mouvement Tekki, M. Lamine Niang, etc.

En introduisant son propos sur les Ape, le président de la République a fait un bref rappel des accords entre l’Afrique et l’Europe. Ainsi, "l’Afrique, après les indépendances, a noué des accords de partenariat avec l’Europe. Il y a eu plusieurs tentatives qui ont évolué jusqu’à la formalisation des Acp (Afrique Caraïbes Pacifique). L’Europe signa un ou des accords avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique".

Sur les accords avec l’Union européenne, il dira que "l’accord des Acp comporte des dispositions sur l’aide et sur le commerce. L’aide était subordonnée à des critères de démocratie. Il y a eu les accords de Yaoundé, de Lomé I et II et de Cotonou qui ont prévu les Ape. Jusqu’aux accords de Cotonou, nous étions avec l’Europe sur le système des préférences. Ces préférences sont des avantages portés sur un ou plusieurs produits ou un ensemble de produits. Jusqu’ici nous avons vécu sous ce système de préférences et l’accord de Cotonou de 2000 avait prévu qu’au bout de sept ans, on passerait aux Ape".

Sur les retombées des accords avec l’Ue, le chef de l’Etat se pose la question de savoir ce qu’ils ont apporté à l’Afrique. "Ma conclusion est qu’aucun de ses accords n’a atteint l’objectif qui était fixé d’accroître les exportations de l’Afrique vers l’Europe. Quand on observe ces objectifs, on arrive à des effets contraires à ceux escomptés". De 7 %, les exportations de l’Afrique vers l’Europe sont tombées à 2 %.

Au bout des sept ans des accords de Cotonou, on est arrivé aux Ape. "C’est en les examinant que j’ai pris position parce que je considère que c’est un danger pour l’Afrique ». Sur cette situation, Me Abdoulaye Wade a dit comprendre que la "marginalisation des intellectuels au moment du pouvoir de Senghor" ne leur permettait pas de se prononcer sur certaines questions. Mais maintenant, "il me semble que nous pouvons aborder une nouvelle ère et que les Ape sont l’occasion de faire cette jonction car c’est du gaspillage que de former des intellectuels et de ne pas les utiliser".

Sur la question des Ape, "j’ai lancé un appel et j’ai pris la responsabilité de dire que j’étais contre. Je demande à tous les intellectuels, les jeunes et les femmes de se mobiliser contre les Ape".

Conséquences des Ape sur nos économies

Sur les raisons de ce refus, Me Abdoulaye Wade a résumé les différents points. "Les Ape prévoient un libre échangisme entre l’Europe et nous". Les pays africains peuvent exporter sans limitation de quantité et sans droits de douane et les pays européens peuvent le faire réciproquement. "C’est une illusion, c’est déséquilibré. L’Europe peut produire et exporter tout ce qu’elle veut rapidement, sa capacité de production est illimitée. Les pays africains ne peuvent pas parce que leurs économies sont sous-développées’".

En comparaison, le Président Abdoulaye Wade a pris l’exemple de l’Agreement Growth opportunities act (Agoa) qui permet à quelques pays africains d’exporter vers les Etats-unis en quantité illimitée et sans droits de douane. "Mais les Américains ne nous demandent pas la réciprocité, on serait inondé par les produits américains. C’est ce que nous demandent les Européens. Ce parallélisme est une fausse symétrie. C’est un déséquilibre. L’Europe peut augmenter sa production à tout moment en fonction de la demande". De l’autre côté, l’Afrique, qui exporte des produits comme l’arachide, ne peut pas augmenter sa production à cause des contraintes physiques.

"Nous disons que ce commerce sans droits de douane va entraîner des pertes de recettes douanières et partant, des pertes de recettes fiscales. C’est très précis car nous connaissons les produits qui génèrent telles ou telles recettes. Avec les statistiques douanières et des budgets, on sait que les pays africains perdent entre 30 et 70 % de leurs recettes douanières ou budgétaires".

En contrepartie, les pays européens ont proposé des compensations. Lesquelles, on ne sait pas. Le chef de l’Etat a souligné qu’il n’a pas vu un document dans lequel ces compensations financières, en tout état de cause, ont été chiffrées. "Mais, personnellement, je n’ai même pas besoin de connaître le montant de ces compensations financières car c’est le principe qui est erroné. Si le Sénégal ouvre ses frontières à l’Europe, 80 à 90 % de ses industries vont disparaître. Plus la demande augmente, plus les industries européennes vont produire à des coûts de plus en plus faibles. La conséquence la plus immédiate, c’est la disparition de notre tissu économique et on ne peut pas la compenser. Admettons que certains pays acceptent cette compensation, à quoi va-t-elle servir. Il n’est pas question de reconstruire le tissu économique. Il n’y a pas de compensation pour le préjudice subi". Se pose en plus le calcul du montant de la compensation.

Un autre argument opposé par les Européens est la non-application de la mesure tout de suite mais qu’elle va entrer en vigueur dans vingt ans. "Dans ce cas, pourquoi légiférer maintenant ? Politiquement, c’est malhonnête de préparer un accord contraignant pour les générations futures".

Nouvelle balkanisation

Pour l’Union européenne, le libre échangisme va renforcer l’intégration africaine. Et le Président Wade de préciser qu’il n’a pas vu un document montrant que l’application des Ape va entraîner l’intégration économique africaine. "Mais l’intégration économique africaine, ce n’est pas un mot en l’air. C’est l’augmentation des échanges intra-africains pour arriver, d’un panorama d’espaces économiques, à un seul dans lequel les décisions plurielles vont se traduire par une décision dans tous les domaines. Au contraire, l’effet de désintégration est réel. En plus, "l’Union européenne a décidé de discuter avec les Communautés économiques régionales au lieu de discuter avec l’Union africaine. Il n’appartient pas à l’Ue de décider avec qui elle va discuter. C’est de la désintégration. Pour respecter le parallélisme des formes, l’Ue doit discuter avec l’Ua.

Le plus grave à mon avis c’est que, n’ayant pas réussi avec les communautés régionales comme la Cedeao qui a demandé un délai pour répondre, l’Ue traite directement avec les Etats qu’ils font signer sous le chantage".

Il faut distinguer les Pays les moins avancés des autres comme le Ghana, la Côte d’Ivoire et certains pays d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est. A ces derniers, l’Ue menace d’appliquer des droits de douane à leurs produits. "Dans les accords des Acp, on leur avait consenti des conditions spéciales. Si on applique des droits de douane élevés au cacao, c’est la Malaise qui va vendre et pas la Côte d’Ivoire. Si on applique des droits de douane élevés au café, c’est le Brésil et la Colombie qui vont vendre et non le Ghana". Si demain, ces pays ne peuvent plus vendre leurs produits, c’est la tragédie qui peut emporter les régimes.

L’Union européenne ayant choisi de discuter avec la Cedeao, les pays pouvaient leur demander d’aller discuter avec les Communautés économiques régionales. "Ils auraient trouvé la Cedeao en bloc qui a pris son temps depuis 2000 et les Européens auraient reculé". Certains pays de l’Afrique de l’Est ont signé en arguant qu’ils n’en connaissaient pas les retombées.

Concernant les conséquences résultant de la signature par certains pays des Ape, "tout pays qui se trouve dans une communauté internationale s’exclut de facto de cette communauté. De jure, il se trouve hors de l’Uemoa. Cette disposition de l’Uemoa n’existe pas dans la Cedeao, mais on n’a pas besoin de l’écrire. La communauté économique est définie par certains critères comme le Tarif extérieur commun. Certains pays comme le Ghana ayant signé, s’il reste dans la communauté économique, "cela détruit tout ce qui est à la base de la communauté économique".

Ignorance ou stratégie

En ouvrant ses frontières aux produits européens, le Ghana fausse les dispositions qui existent entre lui et les autres pays. "Ce que je refuse à l’Ue, elle va le faire en passant par le Ghana. Le pays s’exclut de lui-même de la communauté économique. Ni le Ghana ni les membres de la Cedeao ni les Etats africains n’ont réfléchi à cette disposition. C’est la balkanisation, on casse les communautés économiques, c’est ce que fait l’Europe".

"Les gens de l’Ue ne peuvent pas tous ignorer les conséquences du libre échangisme entre l’Afrique et l’Europe. Il n’est pas possible que les Européens ignorent que cela va détruire nos industries, que nous n’aurons plus de recettes douanières et qu’ils ne nous ont fait aucune compensation financière. Donc c’est intentionnel. Moi je pense qu’ils savent ce qu’ils font. L’Afrique a toujours vécu dans la dépendance. L’Afrique n’a jamais été indépendante finalement avec l’esclavage et la colonisation.

Mais depuis les indépendances politiques et formelles, il y a eu des progrès. Il y a eu la domination économique héritée de la colonisation. Mais progressivement, on a réussi à s’en affranchir en ouvrant des accords avec d’autres pays comme la Chine, l’Inde, Dubaï et les pays arabes, etc. On a essayé de récupérer un peu notre économie qui n’est plus ce qu’elle était en 1960. Donc, nous progressons vers la construction d’une économie autonome du point de vue de la décision. Ils le savent puisqu’ils crient aujourd’hui que l’Inde et la Chine sont présentes en Afrique et c’est la catastrophe. C’est à ce moment qu’on nous présente un gros engin qui va tout détruire. Quand tout sera détruit, on va recommencer à mendier car on n’aura plus de recettes douanières".

Comment nous organiser ?

Ainsi, a ajouté le Président Wade, le Sénégal va être obligé de réduire de 27 % son budget. Ce qui va entraîner des troubles, des contestations et des répressions. Il s’agit donc, "d’installer l’Afrique dans l’instabilité, dans la guerre civile, dans la contestation. C’est pour cela j’ai pris cette position".

Face à ce choix, le Président se dit heureux d’être soutenu par les intellectuels, les patrons, les travailleurs, entre autres.

Etant un Pma, il n’y a pas de risque immédiat pour le Sénégal. "Puisque j’ai été le porte-drapeau de la contestation, nous avons aussi une responsabilité vis-à-vis de l’Afrique. Il faut éclairer l’opinion africaine. Il faut mener le combat pour l’Afrique. Cela veut dire que nous devons nous mobiliser et nous organiser pour mener le combat pour l’Afrique".

L’objectif de la présente réunion est de voir de quelle manière les Africains devront "s’organiser pour emmener l’Europe à changer de position et à envisager un partenariat honnête et équilibré".

Sur le plan national, il faut mettre en place une commission nationale et un programme d’action avec meetings, messages, motions, émissions dans les médiats et conférences pour mobiliser l’opinion nationale.

"En Afrique, nous avons le droit de porter le combat partout même dans les pays des Présidents qui ont signé", a poursuivi le Président Wade qui a fait état du soutien dont il a bénéficié de la part de M. Thabo Mbecki, le Président sud-africain. Ce dernier, sollicité pour signer l’accord intérimaire, a recueilli l’avis de Me Abdoulaye Wade. Du fait que l’accord intérimaire renferme deux points des accords généraux qui empêchent sa signature, les chefs d’Etat du Sénégal et de l’Afrique du Sud ont convenu de demander un délai de réflexion.

"Cette jonction entre Thabo Mbecki et moi a été considérée comme un phénomène important parce qu’on nous a toujours opposés. C’est important pour l’Afrique car il faut beaucoup de courage pour s’opposer à l’Europe".

L’Afrique est soutenue dans ce combat par des hommes politiques européens, des syndicats, des Ong (Oxfam) et par M. Nicolas Sarkozy. "C’est un allié important. S’il y a un pays qui s’appelle la France qui soutient notre position sur les Ape, c’est important. Si on ne l’avait pas, le combat aurait été différent. On l’aurait mené quand même. Même la Chancelière allemande a dit n’être pas liée par cette histoire du 31 décembre. Il faut essayer de convaincre les autres".

Quels accords entre l’Afrique et l’Europe ?

Le combat doit être mené aussi en Europe. Sur ce point, un rendez-vous a été fixé le 12 janvier 2008 pour se rendre "Tous à Bruxelles" pour déposer un document de protestation sous le slogan "Non aux Ape, Pour une alliance Europe-Afrique". "Il ne faut pas laisser aux chefs d’Etat le soin de prendre des positions qui engagent l’Afrique. Quand c’est le sort de l’Afrique qui est en cause, nous devons prendre des positions et nous allier les chefs d’Etat qui veulent bien venir avec nous et porter l’information vers les autres pays".

Face aux Ape, le chef de l’Etat a proposé les Apd (Accords de partenariat pour le développement). A la logique du commerce, il faut opposer une logique de partenariat. Des accords particuliers doivent être conclus concernant les produits africains. Il faut supprimer les subventions aux produits agricoles des pays du Nord. Dans le combat contre le Japon et la Chine, l’Afrique ne doit pas être utilisée comme instrument. Plusieurs intervenants ont donné leurs points de vue et tous ont soutenu la position du Sénégal.



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