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MOUSTAPHA TALL : Du sucre au riz : La saga d’un Saloum-saloum

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MOUSTAPHA TALL : Du sucre au riz : La saga d’un Saloum-saloum

Il est connu dans le milieu du riz, mais il a d’abord fait fortune dans le sucre. Moustapha Tall conte sa saga. Celle d’un Saloum-saloum bon teint qui a appris à voler de ses propres ailes. Ainsi, il survolera les plantations de canne à sucre et les rizières pour se forger une personnalité. Celle d’un dur à cuire. Qui a fait de la prison. Sans jamais abdiquer, il poursuit son combat, la foi en bandoulière.

Dans ses bureaux nichés derrière la «salle des ventes», Moustapha Tall nous reçoit. Le physique de sportif à la retraite et le teint carbonisé renseignent sur les origines de l’homme que nous avons en face. Le sourire qui barre son visage prouve, si besoin en était, qu’il s’agissait là d’un «ndongo dara» qui a reçu une formation de battant, s’il ne s’est pas fait tout seul.

Né au milieu des années cinquante à Kaolack, le Saloum-Saloum bon teint a su se forger un destin qui se conjugue avec le riz. Armé de sa foi, il se dit capable de terrasser tous les obstacles qui se dressent sur son chemin. De son Kasaville natal, il a rejoint la capitale en 1980 pour tenter sa chance. «Mais j’étais déjà venu à Dakar en 1974 pour mon premier voyage», confie-t-il avec un brin de sourire. Avant de poursuivre qu’il était souvent à Dakar dans le cadre de son travail.

L’influence du milieu

«J’ai grandi sous la coupole de mon homonyme qui m’a transmis le virus du commerce. C’est en réalité avec lui que tout a commencé. Non seulement je gérais sa boutique, mais je venais me ravitailler à Dakar.» Pourtant Moustapha est entré dans ce métier par effraction. «Je n’ai jamais pensé que je serais un jour commerçant. À force de côtoyer mon homonyme qui m’a inscrit à l’école, j’ai fini par lui ressembler à bien des égards.»

«Le hasard fait bien les choses», a-t-on l’habitude de dire. Et Moustapha Tall illustre bien cette assertion, lui qui est arrivé dans le commerce par un concours de circonstances, pour ne pas dire par hasard. «J’ai commencé à gérer la boutique de mon homonyme, lorsque son fils aîné qui en était le responsable a pris la décision d’émigrer en Côte d’Ivoire. Mon oncle qui revenait d’un voyage m’a demandé d’ouvrir le magasin. J’ai alors fait l’inventaire et présenté la situation au Vieux. Je ne savais pas alors que j’allais passer autant de temps dans ces lieux. J’y ai passé 10 ans avant de passer à autre chose. C’était en 1980».

20 000 Fcfa de salaire

Pour en arriver à cette option qui a fini par être la bonne, il a dû se résoudre à abandonner les études et à se consacrer exclusivement à la boutique. «J’ai abandonné les études et opté pour le magasin. J’étais célibataire, sans enfants. J’ai demandé à mon employeur de rémunérer mes services. Je gérais des millions et percevais 20 000 francs Cfa. Et je parvenais à régler mes problèmes. J’ai vécu de la sorte pendant tout ce temps. Et quand son fils est arrivé à maturité et se trouvait dans les dispositions de gérer le magasin, je lui ai passé le témoin», dit-il, l’air satisfait du travail abattu à l’époque. Comme pour nous convaincre de sa bonne foi, Moustapha Tall signifie que tout était en ordre. Il tenait à ce que tout soit dans les normes avant de quitter les lieux. «J’ai fait un inventaire et un état des lieux avec mon successeur, puis je suis parti. J’avoue en toute modestie que le magasin a fait un bond qualitatif, qui le plaçait devant pratiquement tous ses concurrents. Par la grâce de Dieu mais aussi par ma manière de le gérer.»

Doué pour les calculs

L’enfance de Moustapha n’a rien de spécial. Il a grandi à la périphérie de Kaolack, dans des quartiers «pauvres». L’eau et l’électricité n’étaient pas à portée de main. «Nous vivions dans les quartiers limitrophes de Kaolack (Kasaville, Sara ndiougary et Ndorong). Il n’y avait pas d’électricité et il faisait sombre les nuits. Nous attendions les clairs de lune pour nous défouler». Mais le jeune garçon de l’époque qui a eu la chance d’être inscrit à l’école s’est montré à son aise dans les matières «scientifiques». «J’ai fait mes études primaires à l’école de Kasaville. J’étais très doué pour les calculs et les problèmes, à l’époque. Et je faisais toujours partie des meilleurs». Durant ce cursus, il retient toutefois une correction reçue après une bêtise qu’il n’avait pas commise. «Mon maître de l’époque m’avait donné une punition inoubliable. Une vieille était venue se plaindre auprès du lui, car des élèves avaient fait disparaître des lames qu’elle distribuait. Il m’avait battu au point que je ne pouvais pas m’asseoir. J’avais reçu cent coups de cravache pour des lames que je n’avais pas prises.» Cet épisode n’a pas calmé les ardeurs du gamin de l’époque dans sa quête de savoir. Moustapha Tall qui est l’aîné de sa famille a grandi dans une «famille à l’africaine», où il y a plusieurs ménages. Son père qui en était le chef assurait la dépense quotidienne. Dans cet environnement, il a pu aller jusqu’en classe de troisième au collège. Ce n’est que par la suite qu’il a pris la direction du magasin de son homonyme. Mais parallèlement, il suivait d’autres cours. «J’ai eu une formation pratique de bonne qualité. Je ne pense pas que si j’avais suivi un cursus normal, j’aurais pu avoir ce niveau.» Ce qui lui permit de gérer au mieux le travail qu’on lui avait confié, qui consistait en la vente de riz, d’huile, de savon, de sucre, de lait, de denrées de première nécessité. Il n’y avait certes pas des marges de bénéfice énormes, mais le secteur était bien organisé avec des prix d’achat et des prix de vente déterminés.

L’exode ou l’épisode du sucre

Les choses étaient claires dans la tête du jeune homme qui a débarqué dans la capitale en 1980. «Je suis venu à Dakar avec l’idée de faire fortune. Dans le cas contraire, j’étais dans les dispositions pour aller à l’aventure. Car à l’époque, on n’avait pas besoin de visa pour aller en Europe. D’ailleurs, j’y suis allé une première fois en 1981 pour le compte de mon homonyme.» Un autre concours de circonstances est venu rendre les choses plus faciles pour ce petit Saloum-saloum. La pénurie du sucre lui sert de tremplin. «Je connaissais déjà beaucoup de gens qui évoluaient dans le commerce, car je venais souvent de Kaolack pour m’approvisionner en denrées de première nécessité. Alors, quand je suis arrivé à Dakar, il y avait une pénurie de sucre. D’ailleurs jusqu’à maintenant, il y a des difficultés dans l’approvisionnement du marché sénégalais.» Moustapha Tall s’est engouffré dans la brèche pour tracer sa voie. Il avait un carnet d’adresses assez fourni, qui lui permettait d’écouler ses produits très rapidement. «Je connaissais tous les Libanais de Kaolack qui étaient dans le commerce. Nous avions de très bonnes relations. Il fallait donc trouver le sucre et le leur revendre. Si je parvenais à avoir 10 tonnes, le bénéfice était de 200 000 Fcfa». Seulement, il fallait être ingénieux pour trouver le sucre. Et le produit n’était vendu qu’à ceux qui avaient des quotas. «Je suis allé démarcher de vieux commerçants qui étaient en cessation et qui m’ont fait des procurations. Donc tous les jours je parvenais à avoir un peu de sucre que je pouvais revendre. Et chaque semaine, j’avais mes dix tonnes et mon bénéfice».

C’est la vente du sucre qui a constitué le fonds de commerce de Moustapha Tall, qui a fini par le maîtriser, pour jeter les bases de son empire commercial. «Je me suis consacré pendant trois ans à ce commerce. Jusqu’en 2003, je faisais chaque semaine des bénéfices d’environ deux cent mille francs Cfa.»

Après cet épisode, l’enfant de Ndangane pouvait dérouler tranquillement. «C’est ainsi que j’ai ouvert mon premier magasin à la rue Fleurus. C’était un deux-pièces que j’avais loué à 60 000 Fcfa. Puis je suis allé en face parce qu’on m’avait sommé de sortir, où la location était de 80 000 Fcfa. En 1988, toujours à la rue Fleurus, je me suis installé à 90 000 Fcfa le mois dans un autre endroit. Ce n’est qu’en 2002 qu’on l’a quitté pour aménager là où nous sommes, à la rue Raffanel angle Escarfait. Cela nous fait un fonds de commerce de 8 millions F et un loyer de 250 000 F.»

L’hégémonie du riz

Mais Moustapha Tall a un nom qui s’identifie aux yeux des Sénégalais au riz. Il a bâti sa fortune sur le riz.  C’est avec la libéralisation du secteur que l’homme s’est décidé à se lancer dans cette filière. «C’est en 1989 que j’ai a commencé mes activités dans le secteur. Il y avait une libéralisation partielle de la distribution du riz, notamment le riz entier et intermédiaire. Le riz brisé était l’affaire de la Caisse de péréquation. J’ai commencé à importer 1000 puis 2000 tonnes etc.» Puis les innovations ont fait la différence. «J’ai fait imprimer mon nom sur les sacs et les gens ont commencé à s’identifier à notre label. C’est après 1995, avec la libéralisation totale et la disparition de la Caisse, que les choses sont allées plus vite.»

La filière du riz est aujourd’hui prise d’assaut par des opérateurs qui ne comprennent pas les soubassements du secteur. Il y a des bateaux qui déversent des centaines de tonnes de riz dans le pays et les astuces ne manquent pas pour écouler le produit. «On ne s’y retrouve plus. Ça va dans tous les sens.» Et il ne compte pas changer ou faire autre chose. «C’est mon destin. Je ne peux pas faire autre chose que de rester dans le secteur. J’y suis et j’y reste. Le plus grave, c’est qu’on pense à tort que j’ai un matelas financier très épais. Ce qui d’ailleurs m’a valu un séjour carcéral.»

Le temps de Rebeuss

Pour lui c’était une cabale montée de toutes pièces. À l’entendre raconter sa mésaventure et ses bisbilles avec l’Etat, on sent à travers sa voix toute la détresse qui s’était alors emparée de lui. «On a dit à l’Etat que j’étais multimilliardaire, que j’avais des comptes à l’étranger… On m’a emprisonné pendant deux mois. J’ai été obligé de transiger car je ne voulais pas mourir en prison.»

Le sucre, sa première filière, à un moment donné a été amer. Entre le 07 septembre et le 05 octobre 2004, il a séjourné à Rebeuss. «C’est une véritable cabale organisée avec des documents falsifiés. Il y avait beaucoup d’amalgames et il fallait qu’on me coffre. C’est un substitut qui avait signé le dossier. Car le tribunal était en vacances. J’ai résisté. L’Unacois s’est battue à mes côtés et avait même organisé une opération ‘Ville morte’. J’ai transigé sur un dossier non instruit. On m’a pris en otage et on m’a pris de l’argent. Il n’y a pas de dossier. L’Etat me doit de l’argent. Je fais des pieds et des mains pour entrer en possession de mes fonds. On a décidé de rouvrir des dossiers du passé. C’est le cas de Cheikh Tall Dioum, de Bara Tall ou des dossiers de 1962. Il y a le cas Moustapha Tall.» Qui ne perd pas espoir. «Je suis parti de rien pour arriver à ce niveau. Ma foi est intacte et cela me fait vivre.»



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