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Pêche illicite : l’autre pillage des ressources africaines

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Pêche illicite : l’autre pillage des ressources africaines

Le manque à gagner découlant du raclage des fonds marins africains par des navires étrangers est estimé à deux milliards de dollars par an. Assez pour que l’Union africaine et la FAO décident d’empoigner le problème.

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10 milliards de dollars. C’est le « chiffre d’affaires » global annuel de la pêche illicite à l’échelle mondiale, dévoilé par un récent rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF). Ce chiffre fait de cette filière, appelée de manière plus prosaïque et technique pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), le deuxième producteur mondial de produits de la mer derrière la Chine. Tiré par la demande croissante des pays riches, ce braconnage mondialisé est en pleine expansion. Selon la FAO, près de 30% des produits de la mer extraits des océans ne figurent dans aucune déclaration de capture. Et s’il est vrai qu’aucune zone du globe n’est épargnée, il n’en demeure pas moins que le fléau touche particulièrement les pays du Sud qui ne disposent pas des moyens techniques et financiers pour contrôler efficacement leurs vastes espaces maritimes. A en croire un rapport publié fin mars dernier par l’organisation de défense de l’environnement Greenpeace, l’Afrique est devenue, ces dernières années, une cible privilégiée des braconniers des mers. « A l’issue de quatre semaines de patrouilles entre le Maroc et la Gambie, du 25 février au 27 mars, nous avons répertorié 130 bateaux qui pêchaient sans licence », a déclaré Michelle Ntab, directrice Afrique de l’organisation, citée par l’AFP. Greenpeace pointe notamment un doigt accusateur vers les navires étrangers, essentiellement asiatiques et européens.

 

Bateaux fantômes et sociétés-écrans

La pêche illicite dans les eaux africaines comporte de multiples facettes. Elle va de l’infraction à la réglementation (pêche en dehors de la saison ou de la zone autorisée, dépassement de quotas, utilisation de techniques de pêche destructrices...) au pillage pur et dur pratiqué par des navires sans licence. Le butin est souvent transbordé sur des navires frigorifiques, mélangé à des prises légales puis débarqué et vendu dans des ports légaux comme Las Palmas (Iles Canaries) ou Suva (Iles Fidji).

Quelques clics sur Internet et 500 dollars permettent l’achat, parfois en 24 heures seulement, de pavillons de complaisance de pays comme Malte, Panama, Belize et Honduras.

L’identification des navires hors-la-loi est d’autant plus difficile que les pêcheurs pirates parcourent les mers souvent sous pavillon de pays peu regardants quant à leurs activités. Pire encore, les navires peuvent changer facilement de pavillon et de nom plusieurs fois par saison pour embrouiller les autorités de surveillance. D’autant plus que quelques clics sur Internet et 500 dollars permettent l’achat, parfois en 24 heures seulement, de pavillons de complaisance de pays comme Malte, Panama, Belize et Honduras. L’opacité de cette pratique, connue sous le nom de « la valse des pavillons », est complétée par le fait que les propriétaires des bateaux fantômes se dissimulent généralement derrière des sociétés-écrans, domiciliées dans des paradis fiscaux.

 

Poissons volés, avenirs compromis

Selon les experts de Greenpeace, les navires hors-la-loi ciblent essentiellement des espèces à forte valeur ajoutée (thon rouge, légine australe, crevettes, homards…) et emploient des techniques particulièrement destructrices, comme le chalutage de fond, la pêche à l’explosif et le rejet massif en mer de poissons jugés non rentables. La pêche pirate prive, de fait, les pêcheurs locaux de leurs ressources et empêche le développement de filières d’exportation. « La pêche illégale est une menace pour la biodiversité marine, surtout en Afrique de l’Ouest où la majorité de la population vit du poisson. Si un pêcheur traditionnel a des problèmes à atteindre son quota journalier, il va chercher d’autres ressources », a averti la directrice Afrique de Greenpeace.

Réunie fin mars à Dakar, la Commission sous-régionale des pêches de l’Afrique occidentale subsaharienne (CRSP), qui regroupe huit Etats côtiers (Cap-Vert, Gambie, République de Guinée, Guinée-Bissau, Mauritanie, Sénégal et Sierra Leone), a évalué le manque à gagner découlant de la pêche illicite dans la région à 49 milliards FCFA. Le cabinet d’expertise African Advisory Board estime, quant à lui, le manque à gagner à l’échelle continentale à deux milliards de dollars par an. « Cette estimation a été confirmée par une enquête du Commandement central de l’armée américaine pour l’Afrique (Africom) », a indiqué début janvier dernier le président de ce cabinet, François N’Dengwe.

 

L’UA et la FAO resserrent les filets

Pour tenter de contrer le phénomène, l’Union africaine (UA) a adopté, lors d’une réunion tenue les 6 et 7 avril, une « stratégie maritime africaine intégrée » visant la protection des côtes africaines contre la pêche illicite, les actes de piraterie et les trafics en tous genres (rejet de produits toxiques, trafic de drogue, émigration clandestine). Cette stratégie préconise une mutualisation des opérations de surveillance des côtes ainsi que la création d’une base de données sur toute la flotte présente dans les eaux africaines.

De son côté, la FAO a adopté, le 25 novembre dernier à Rome, un nouveau traité visant à prohiber l’accès aux ports des navires pratiquant la pêche illégale. Cet accord, qui entrera en vigueur une fois qu’il aura été ratifié par 25 Etats, prévoit notamment l’instauration d’autorisations préalables d’accès aux ports ainsi que des inspections régulières des permis de pêche, du matériel utilisé et des livres de bord. Jusqu’ici, le nouveau traité de la FAO a été paraphé par l’Angola, le Brésil, le Chili, la Communauté européenne, les Etats-Unis d’Amérique, l’Indonésie, l’Islande, la Norvège, Samoa, la Sierra Leone et l’Uruguay. Les pirates sont prévenus…           

 

Par Walid Kéfi, Tunis



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