PÉNURIE DE GAZ A DAKAR : Quand la tracasserie des couleurs de bonbonne s’en mêle

Avec la pénurie de gaz notée depuis quelques jours, les populations de Dakar sont appelées à faire l'exercice des couleurs de bonbonne de gaz. C'est du moins ce que l'on puisse dire. « Je suis obligée de quitter mon quartier Mermoz pour venir à Médina dans espoir de trouver une bonbonne de gaz. Mais sur le terrain, je suis déçu. Celui qui vend le gaz nous parle encore des couleurs de bonbonne. Il accepte seulement les bonbonnes rouges. Et il refuse systématiquement les autres couleurs de bonbonne de gaz", fulmine M. Ibrahima Kane qui n'a que la bonbonne de couleur verte dans sa voiture. Rencontré devant le dépôt de gaz de Sam, cet homme, la cinquantaine, ne cache pas sa colère.
Très remontée contre les vendeurs, il soutient que le choix des couleurs est inexplicable. Et cette nouvelle pratique mérite une réflexion particulière. « C'est un comportement inhumain. Chaque jour qui passe, certains Sénégalais nous amènent des complications. Comment nous pouvons accepter que la population vive une pénurie de gaz et des personnes mal intentionnées nous imposent des couleurs pour nous servir de gaz ? », se demande M. Kane.
Un constat qui ne laisse indifférent certaines personnes. « On ne doit pas profiter des circonstances pour exploiter les populations. C'est un geste anormal. Depuis quand on vend le gaz par couleur. Une bonbonne c'est une bonbonne. Et l’on ne doit en aucune manière augmenter le prix de la bonbonne de gaz. Il devait rester intact », martèle Mme Camara qui, elle aussi est venue pour chercher le gaz. Même son de cloche chez une jeune ménagère. « Je travaille à Fass, je suis venue à la Médina par ce qu’on nous a annoncé qu’il y a du gaz au niveau de la station d’essence de Sam. Mais, le vendeur refuse ma bouteille. Il accepte la bonbonne rouge et à la limite la couleur bleue », a révélé sous l'anonymat notre interlocutrice. Avec l’espoir de trouver une bonbonne de gaz, elle a parcouru quelques km pour rallier la Médina, mais hélas, son effort a été vain.
Dans tous les cas, les populations sont obligées de posséder toutes les couleurs des bonbonnes pour être à l'abri et ne pas être pénalisées en cas de rupture de gaz. Quoi qu’il en soit, il faut faire plusieurs quartiers pour rechercher le gaz sous cette forte chaleur avec les risques. Par ailleurs, les boutiquiers se frottent les mains, car la demande est largement supérieure à l’offre. « Tout notre stock est épuisé. Les habitants du quartier ont pris d’assaut la boutique et ont acheté toutes les bonbonnes disponibles ».
Une situation que Mme Bodian analyse autrement. « La vie est devenue très dure. Le gaz est très cher et il est aussi difficile de trouver. Aujourd'hui, on nous impose encore des couleurs de bonbonne. Qu’est-ce que nous allons faire dans deux ou trois ans ? La crise risque d’être totale, surtout pour nous les pauvres », s'interroge-t-elle. Pour l’heure, les ménagères n’ont qu’une équation majeure à résoudre : où trouver le gaz et avec quelle couleur de bonbonne ?