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Economie

Pourquoi Wari Gêne, Comment Tigo L’a Échappé, Les Manœuvres De Xavier Niel : Kabirou Mbodje Dit Tout (INTERVIEW)

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Pourquoi Wari Gêne, Comment Tigo L’a Échappé, Les Manœuvres De Xavier Niel : Kabirou Mbodje Dit Tout (INTERVIEW)

En apposant sa signature sur un deuxième décret d’approbation de la cession de l’opérateur de téléphonie Tigo au français Free, le chef de l’Etat a rajouté à l’imbroglio juridique de l’affaire Millicom-Wari.

Acteur majeur de ce puzzle, Kabirou Mbodje, Pdg de la plateforme de services financiers Wari, premier acquéreur, brise le silence. Dans cet entretien exclusif avec WalfQuotidien, l’entrepreneur sénégalais retrace les péripéties de cette «bigamie». Non sans se désoler de l’attitude des autorités sénégalaises, encore défaillantes dans la protection, la promotion et l’accompagnement à l’export des champions nationaux.

Walf Quotidien : Vous êtes le Pdg de Wari, plateforme de services financiers leader du marché sénégalais des transferts d’argent. Comment avez-vous bâti cette réussite ?

Kabirou MBODJE : Déjà, au départ, on part avec une vision, une ambition de faire quelque chose de personnel. On est parti sur le constat de la désorganisation du secteur informel où chacun définit son propre type d’organisation. Et quand on s’entre chevauche, cela crée une anarchie. Il fallait organiser cette activité économique au Sénégal et en Afrique pour que, partout, on ait les mêmes types d’échanges et qu’on puisse être sur un même marché avec une multitude de clients qui vendent des produits et services. Il fallait savoir dans quel secteur il y avait un trait d’union sur l’ensemble des activités. Et on a dit que c’est le secteur financier, parce que, derrière chaque transaction, il faut payer. A l’époque, quand on parlait de transfert d’argent, c’était une notion occidentale où on fait des paiements déplacés. Parce que 80 % des envois d’argent faits dans le monde, c’est pour payer un service. On s’est dit que si la personne avait la possibilité de payer directement, elle n’enverrait pas l’argent à quelqu’un pour payer des factures, par exemple. Ainsi, il y avait un besoin clair des gens.

Quand Wari s’est lancé, il y a eu une adhésion des populations parce que c’était beaucoup simple, sécurisé, rapide et moins cher que d’être dans les anciens systèmes archaïques. Grâce au service, on pouvait faire une transaction qu’on mettait des heures à réaliser. Avant, si on devait donner de l’argent à un parent à Thiès, on se déplaçait pour le faire. Et cela prenait plusieurs heures dans les trajets, voire une journée. Et avec Wari, c’est en 30 secondes. Donc, c’est un gain de temps énorme, un accélérateur de productivité.

Ces phénomènes qui sont normaux et que les gens ne percevaient pas sont à la base du succès de Wari que nous sommes en train de dupliquer un peu partout. On apporte un dispositif clé en main sur un plateau digital. C’est l’économie de demain et c’est cela la vision de Wari.

Quel est le nombre de transactions réalisées sur cette plateforme ?

On dépasse des millions de transactions par jour dans tous les pays où nous sommes. Cela peut paraître beaucoup pour certains, mais c’est très peu par rapport à des plateformes de transaction de type Visa où on est à des milliards de transactions. C’est un indicateur qui pousse à voir le chemin qui reste à faire pour que l’ensemble du continent soit digitalisé, qu’il y ait une accélération dans les échanges pour plus de revenus pour tout le monde, que ce soit les individus ou l’Etat qui collecte de la Tva sur les transactions faites. C’est cet écosystème qu’il faut dynamiser.

En termes d’emplois, plus de 300 personnes sont embauchées au Sénégal comme à l’extérieur pour faire fonctionner cette plateforme-là dans le monde entier. Et les emplois indirects dépassent les 18 mille au Sénégal. Et ce n’est pas une activité annexe. Ce sont des personnes parties de rien qui ont créé un point Wari et d’autres activités sont venues se greffer autour.

Après ce succès dans le transfert d’argent, vous aviez voulu glisser vers la téléphonie, notamment avec le rachat de Sentel Gsm. Mais peu après l’annonce de ce deal à 80 milliards de francs Cfa, vous êtes sur les rampes de feu avec beaucoup d’affaires soulevées par d’anciens actionnaires, l’échec du rachat d’une banque au Togo ou une histoire de mœurs. Seriez-vous devenu un homme à abattre et pourquoi ?

Déjà, il faut voir que l’acquisition de Tigo fait partie d’une stratégie globale de Wari. Le monde de demain est complètement interconnecté. Il n’y aura pas de différence entre les parties télécoms et services financiers. Tout sera intégré. Les opérateurs télécoms l’ont tellement compris qu’ils sont en train de sauter sur les services financiers. Ce qui ne devrait pas être autorisé puisque les opérateurs télécoms ont une délégation de service public. Parce que, vous et moi, il nous est impossible d’être opérateurs. Ils opèrent sous licences attribuées par l’Etat. Donc, ces opérateurs télécoms devraient être interdits de faire autre chose que leur travail, comme au Nigéria. C’est de la concurrence déloyale. Wari est obligé de passer par eux pour avoir accès aux gens. L’opérateur ne devrait pas restreindre, pour ses propres bénéfices, l’accès à un service. En partant de cela, nous avons voulu qu’une Finetch puisse racheter un opérateur télécom, voire une banque. On devrait bénéficier d’une bienveillance à tous les niveaux parce que c’est un vrai exemple mondial qui devrait permettre au Sénégal de bénéficier d’une aura mondiale que de disposer dans son tissu économique d’une Finetech qui rachète une multinationale. Cela n’existe nulle part dans le monde.

«Le souci est de détruire Wari qui est tellement dans le cœur des populations qu’un autre modèle a du mal à s’imposer. Et on assiste depuis des mois à des campagnes successives de tous ordres pour essayer de casser l’image de Wari»

Le mobile banking est-il donc une menace pour Wari ?

C’est une menace pour tout le monde, pour toute l’industrie financière. Les opérateurs télécoms sont en train de déstructurer toute l’activité financière, au détriment de tout monde, y compris le leur. La sécurisation des flux financiers fait appel à d’autres critères. Ils se retrouvent en intermédiaires et délèguent à des soi-disant banques. Mais finalement, toute l’activité tourne autour de leur plateforme et la banque centrale qui doit être l’acteur principal, l’organisateur des flux financiers, se retrouve absente.

On parle d’inclusion financière, mais ils ne le font pas. L’inclusion financière, ce n’est pas d’avoir un compte bancaire, c’est de pouvoir vendre quelque chose que je produis, d’avoir des revenus et de pouvoir dépenser. Si j’ai de l’argent à Koumpentoum et que je ne peux pas acheter des choses, je ne suis pas inclus. Je dois pouvoir dépenser, épargner, placer, etc. Voilà les amalgames qu’on crée. Donc, ce modèle qu’on a créé et qui va à l’encontre des modèles des opérateurs télécoms, gêne les gens et doit être détruit. Cela a commencé en voulant mettre Wari contre la Banque centrale sous prétexte qu’on est une menace. Ce qui est aberrant parce qu’on progresse depuis dix ans sans exploser, et plus de personnes l’utilisent. Cela gêne certains acteurs qui veulent positionner un autre modèle.

On utilise des méthodes déloyales dont les dumpings de système et des campagnes de dénigrement en activant des gens à qui j’ai gracieusement cédé des parts dans l’actionnariat. Ces employés ont eu des attitudes pas de nature à créer la bonne entente dans la société et ont été remerciés. Ils sont maintenant utilisés par d’autres en disant qu’ils sont co-fondateurs. Donc, il faudrait que ces gens, déboutés par la justice, apportent les titres de propriété puisqu’ils disent qu’ils ont souscrit au capital. Ils sont utilisés par des gens dont le souci est de détruire Wari qui est tellement dans le cœur des populations qu’un autre modèle a du mal à s’imposer. Et on assiste depuis des mois et des mois à des campagnes successives de tous ordres pour essayer de casser l’image de Wari.

Beaucoup de Sénégalais s’étaient réjouis du rachat par votre structure de l’opérateur Tigo. Mais finalement le deal n’a pas abouti et Sentel GSM a décidé de ventre à un autre consortium. Qu’est-ce qui explique la rupture de votre contrat de vente ?

C’est très simple. A l’issue d’un appel d’offres international auquel plusieurs structures télécoms internationales ont souscrit, Wari a présenté la meilleure offre technique et financière et a gagné. Et nous avons signé le 2 février le contrat de vente de Tigo à Wari. Lequel stipule de façon très simple qu’à la signature, nous devons payer la somme de dix millions d’euros. Et le reliquat des 129 millions devrait être payé le 2 novembre 2017. Donc, il n’était pas question de payer quoique ce soit au milieu ou de façon intermédiaire. Dans tous les processus d’acquisition dans le monde, il y a ce qu’on appelle «due diligence» où l’acquéreur regarde tout ce qu’on a prétendu lui vendre. Et cela dure huit à neuf mois. Pendant ces réunions d’étape, il y a une qui était prévue le 2 juin où on devait évaluer cette «due diligence» et Wari devait apporter une lettre d’engagement irrévocable de financement du reliquat. Ce 2 juin, la banque tête de file nous a fait une lettre qui n’était pas irrévocable, car soumise à deux conditions : l’approbation de l’Etat et la finalisation de la diligence. Ce qui est normal. Millicom qui savait qu’il n’y avait aucune entrave, à cette réunion, a voulu continuer la transaction. En fait, s’il y avait un quelconque problème, ils auraient dû arrêter le 2 juin, lors de cette réunion d’étape. Mais non. Et c’est ainsi que nous avons payé les consultants de «due diligence», avec l’accord de Millicom comme le dit le contrat de vente sur toutes les actions. Il y a des conditions qui disent que tout ce qu’on doit faire, devait l’être avec l’accord de Millicom. Donc, du 2 juin jusqu’au 26 juillet, les conditions légales, économiques et techniques sont déployées sur le terrain. Et le 26 juillet, le consultant fait la réunion de clôture de sa mission où toute la direction générale de Tigo était présente, en plus du représentant régional. Il annonce avoir fini sa mission, que son rapport est concluant et qu’il fallait dire à la banque qu’elle peut décaisser. Mais le 28 juillet, nous recevons une lettre de dénonciation du contrat de Millicom, soit deux jours après. Donc, ces gens-là, pendant qu’ils étaient dans une transaction exclusive, faisaient derrière des tractations avec d’autres personnes. La signature du contrat du 2 février donnait une exclusivité de la transaction entre Wari et Millicom. Ils ne pouvaient pas travailler et discuter avec quelqu’un d’autre.

«Ces gens-là nous prennent comme dans un autre âge. Pour ces gens, on est encore au temps de la Françafrique où nous sommes des porteurs de valises

Et quelle a été l’attitude des autorités sénégalaises, détentrices de la licence ?

Il faut saluer l’attitude du président de la République. Dès qu’il a été mis au courant, il a demandé où en était le processus d’approbation. Parce que Millicom avait informé l’Etat de sa volonté de céder sa licence à Wari sans conditions. Et, le 1er août, l’Etat a signé le décret d’approbation. Mais ce décret a été caché, donc pas disponible alors qu’il a été fait depuis le mois de mai. Donc, on est en plein dans ce processus quand Millicom a fait des annonces comme quoi Wari n’a pas payé de chèque. Ce qui est un véritable mensonge et un vrai préjudice à la crédibilité de notre groupe. A travers cette campagne diffamatoire, il a dit qu’il devait chercher un autre acheteur. En conséquence de quoi, nous avons saisi la justice pour qu’on soit rétabli dans nos droits.

Même les personnes avec qui Millicom dit avoir signé, en l’occurrence Free, nous avaient déjà saisi avant la clôture des appels d’offres, sachant que nous étions finalistes avec eux dans l’appel d’offres, pour nous demander de nous désister moyennant un chèque. On sait maintenant comment ces gens ont su que nous étions à Dubaï pour venir nous voir et nous demander de nous retirer. Nous pensions qu’ils le faisaient pour avoir nos chiffres. Quand nous avions gagné et que, lors d’un forum à Genève, le président de la République a évoqué les champions sénégalais comme Sedima et Wari, on a reçu un appel de ces mêmes personnes de Free pour nous demander de travailler en partenariat technique et financier. Nous les avons rencontrées à leur siège avec la direction de cet opérateur français où ils nous ont réitéré leur volonté de réintégrer la structure de Tigo. Nous leur avions dit que nous n’avions pas de problème à étudier cela dans la mesure où Wari n’est pas un opérateur télécoms et doit travailler avec des partenaires techniques et que nous avions déjà des offres de Corean télécoms, Vodafone, des Marocains, etc. Et ils nous ont encore demandé de leur revendre Tigo à 50 millions d’euros moins cher que le prix d’achat. Ces gens-là nous prennent comme dans un autre âge. Pour ces gens, on est encore au temps de la Françafrique où nous sommes des porteurs de valises.

Avez-vous déjà rencontré le chef de l’Etat sur la question ?

Oui, nous l’avons rencontré et il nous a vraiment soutenus. Mais au delà de cela, il y a des choses qu’on n’a pas comprises. Car l’Etat devait jouer son rôle d’Etat. Il est détenteur des licences de services publics qu’il délègue aux opérateurs. Donc, pour un transfert, cela est soumis à son approbation. Donc, s’il accepte qu’un opérateur cède, il ne peut plus entrer dans la transaction. Quand on vend un véhicule, qu’on aille au service des Mines pour le muter, le vendeur ne peut pas retourner devant ce service pour lui demander l’annulation de la vente sous prétexte qu’il n’a pas été payé. L’Administration doit demander au plaignant de se débrouiller en justice pour qu’on le paie. Cela n’existe nulle part, d’autant plus que Kabirou conteste les propos du vendeur. L’Etat ne peut pas prendre position, l’Etat doit avoir la neutralité. Ce n’est pas de donner un coup de main à Kabirou. Il y a un problème de compréhension du rôle de l’Etat.

Millicom a écrit le 15 février et a dit que nous avons cédé la licence et l’Etat a approuvé. Et c’est ce que nous avons expliqué. Mais il y a des gens très proches du président de la République qui ont passé leur temps à lui faire croire autre chose et l’ont amené dans des situations délicates où l’Etat signe des décrets alors que c’est impossible. L’Etat ne peut pas rentrer dans une relation commerciale. On met l’histoire à l’envers alors que ce que le Président a fait, au mois d’août, est strictement légal. Il a analysé la candidature du repreneur, validé et transféré la licence avec des droits qui y sont associés. Personne ne peut revenir dessus. Car, pendant les douze années d’Abdoulaye Wade au pouvoir, on a tout fait pour revenir sur la licence de Sentel vendue par le régime socialiste sans succès. Parce qu’il y a une licence avec des droits associés. Donc, on nous met devant une situation où le droit est évident, mais des gens, pour des raisons qui leur sont propres, ont amené l’autorité suprême à engager sa signature dans un schéma problématique.

Selon certaines informations, le décret du 1er août n’a pas été abrogé et rapporté. Ce qui fait qu’il y en a deux qui se baladent dans la nature. Qu’en est-il ?

Le fait qu’on ait travesti la position du chef de l’Etat sur sa volonté clamée et renouvelée de soutenir les champions sénégalais montre qu’il y a quelque chose qui s’est passé que nous ne comprenons pas. On a réussi à l’induire en erreur, en lui faisant signer un autre décret qui pose un réel problème en termes de respect de la constitutionalité. Cela va plus loin que la vente d’un opérateur, il s’agit de la sécurité de l’investissement. Si, dans un pays, on peut prendre la loi et l’interpréter à sa façon pour faire autre chose, cela devient inquiétant.

Des bruits persistants dans Dakar laissent penser à une implication de la famille du Premier ministre qui a lui-même visité l’incubateur de Free en France l’année dernière. Pensez-vous que c’est vrai et que cela a contribué à votre perte ?

Il y a vraiment quelque chose de troublant dans cette affaire-là. Car, on ne parle même pas d’un appel d’offres où on ne serait pas les meilleurs, mais d’une transaction qui a abouti. Donc, l’Etat ne devait pas s’occuper d’accorder ou de ne pas le faire. Pourquoi cela a changé ? Comment cela a changé ? Ce sont des questions que nous posons à ce jour. Et c’est pourquoi nous avons décidé d’ester en justice puisque sûrs de notre bon droit. Nous restons confiants en la justice, en espérant que cette opération appartient à Wari et nous allons faire en sorte de préserver nos droits. Parce que c’est une question de crédibilité de Wari et de dignité nationale. On ne peut pas bafouer nos droits. On espère que l’Etat sera conscient de ça et sera de notre côté et que l’Etat de droit sera respecté.

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller dans cette bataille juridique ?

Nous sommes prêts à aller jusqu’au bout. Parce que Wari ne s’arrête pas au Sénégal et Tigo n’est qu’une petite partie du projet Wari. Nous sommes sur cinq continents et nous avons des acquisitions dans le monde. Ces annonces impactent l’image de Wari. On doit rétablir les faits. Le but unique est de rétablir la vérité et d’être rétablis dans nos droits.

«Il est temps qu’on se réveille, qu’on se serre les coudes et qu’on crée de la richesse pour nous-mêmes. C’est pour quoi nous  ouvrons le capital»

Certaines indiscrétions annoncent l’arrivée d’Américains dans le tour de table de votre groupe. Cela est-il avéré ?

Nous ouvrons effectivement le capital parce que Wari veut être coté, avoir une vraie trajectoire globale. Il est temps qu’on sache que c’est possible, quel que soit l’endroit où on est. Ce n’est pas parce qu’on est un groupe africain qu’on va se contenter d’être dans un périmètre qui est circonscrit par d’autres gens. Le potentiel est disponible pour tout le monde. Il faut qu’on ait la volonté et l’ambition de le faire. J’appelle tous les Africains à savoir que tout ce qui est possible chez les autres, l’est chez nous aussi. Les Américains ont une stratégie pour l’Afrique, les Asiatiques ont une stratégie pour l’Afrique, les Européens ont une stratégie pour l’Afrique, où est la stratégie des Africains pour l’Afrique ? Il est temps qu’on se réveille, qu’on se serre les coudes et qu’on crée de la richesse pour nous-mêmes. C’est pourquoi nous ouvrons le capital. Et les premières offres proviennent de groupes concentriques sénégalais, africains et américains. Parce que Wari est aussi une société américaine, grâce aux entités dont il dispose aux Etats-Unis.

Les Français qui ont fait du Sénégal leur chasse gardée, ont arraché des fromages dans beaucoup de secteurs d’activité, au port, à l’aéroport et aujourd’hui encore dans les télécoms. Avez-vous l’impression que l’Etat est défaillant dans la protection de ces champions comme Macron l’a fait en embarquant Xavier Niel dans ses bagages lors de sa dernière visite au Sénégal ?

Effectivement, il y a un vrai problème au Sénégal. Tous les pays qui se respectent font la promotion de leurs champions, les accompagnent et leur trouvent des débouchés. Et les administrations de ces pays sont de véritables Vrp (Voyageur, représentant et placier, Ndlr) de ces fers de lance qui sont les entrepreneurs qui créent l’emploi. Ce que Macron a fait est une action normale pour son pays, mais on attend, de l’autre côté, que notre Etat fasse la même chose ou demande à ceux qui viennent de s’associer à ses champions. On n’est pas dans le défi ou le déni de l’étranger, mais c’est une question de bon sens. Si on peut amener de la valeur ajoutée à ses champions, c’est bien. Mais, on ne doit pas les détruire ou les casser pour mettre des étrangers à la place.

Quelle a été la position du patronat sénégalais dans ce rebondissement ?

Déjà, je le remercie parce que, dès l’annonce, on a noté, par la voix du Président du Conseil national du patronat (Cnp), Baïdy Agne, leur engagement derrière Wari dans l’initiative de ce rachat. Mais, on aurait aimé voir plus d’engagement du secteur privé dans sa globalité. Parce qu’au-delà du cas de Tigo, c’est toute la dynamique des forces sénégalaises qui créent des richesses, qui doit être revisitée. Parce que ce qui nous est arrivé peut arriver, demain, à d’autres. Et ce sont des choses à ne pas accepter. Il est vrai que les relations que le patronat sénégalais a eues avec l’Etat sont assez soft, mais il est temps, au vu de ce qui se passe, d’avoir des positions beaucoup plus tranchées, beaucoup plus fermes par rapport à l’intérêt national.

Xavier Niel, le patron de Free, promet beaucoup aux autorités. Est-ce qu’avec la jurisprudence Bolloré, tout ce système français peut encore tenir ?

La promesse, c’est une chose. Free n’est pas connu pour être un investisseur. Sa logique, c’est de grimper sur le dos de France Télécoms pour bénéficier des brèches de la réglementation des télécoms et finalement prendre des parts de marché sans investir. En Afrique, on a ce complexe de l’étranger et il faut que cela cesse. Ce que Free fait, Wari peut le faire. Il n’y a aucune entrave pour trouver de la ressource et financer le développement. Et ce que Wari peut faire au Sénégal, Free ne peut pas le faire, parce qu’il a une notoriété au-delà des télécoms. Il faut aussi regarder si la ressource qui va être générée, restera au pays. Avec Orange Sénégal, des sommes qui sont remontées en Europe. Quand vous avez des structures qui ont 48 % d’Ebitda (bénéfices avant intérêts et impôts, Ndlr), cela pose un sérieux problème. C’est tout cela que Wari voulait remettre à plat, en faisant en sorte que les richesses produites par le secteur des télécoms, restent dans l’économie nationale.

On vous oppose beaucoup à l’associé sénégalais du propriétaire de Free, Yérim Sow. Aviez-vous des lignes de connexions dans le passé ?

Aucune. C’est déplorable que des Sénégalais acceptent de se mettre comme ça en avant pour jouer les prête-noms ou porteurs de valise pour des intérêts étrangers. C’est aussi déplorable qu’on fasse croire certaines choses alors que, depuis le début, Free et les autres étaient associés et qu’il n’a jamais été question d’un acteur sénégalais. Comment se fait-il que, du jour au lendemain, on trouve cette personne au milieu pour faire croire que c’est un Sénégalais qui est devant.

Nous n’avons pas de problème de personne. Wari travaille sur le futur, les gens essaient de forcer le process en signant un décret à décrier. Cette marche forcée, pour montrer que Wari avait les yeux plus gros que le ventre, qu’il n’avait pas d’argent, c’est ridicule. Si, jamais, on n’avait pas les moyens, on n’allait jamais être sélectionné et être le gagnant de l’appel d’offres. Et ces gens qui viennent tenter de casser une transaction pour s’y mettre, ce n’est à l’honneur de personne.

Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais il y a des questions à se poser dans la manière de voir cette personne-là se faire attribuer des terrains de manière intempestive et des structures de l’aéroport de Diass. C’est étrange de le retrouver au milieu d’un jeu où il ne devrait pas être présent.

Vous êtes une grande fierté pour certains Sénégalais alors que, pour d’autres, cela ne l’est pas. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

On ne peut pas plaire à tout le monde. Il faut qu’on arrête de personnaliser et de rentrer dans les notions anglo–saxonnes de la relation. Tout le monde achète du Coca-cola sans se soucier de qui en est le propriétaire. Personne non plus ne se soucie des patrons de Visa et Mastercard alors qu’aujourd’hui, à part l’Afrique, si on vous coupait ces interrupteurs, le monde s’écroule. Mais, chez nous, dès l’instant qu’il y a une activité qui prend de l’ampleur, on va la personnaliser. Au lieu de l’encenser et de contribuer à son développement, on va la dénigrer. Il faut qu’on sorte de nos fantasmes pour construire de grands ensembles.

Vous parlez beaucoup d’avenir. Qu’est-ce que vous avez dans le pipeline comme projet à hauteur valeur de main d’œuvre pour la jeunesse ?

C’est une très bonne question. Je l’ai dit un peu partout. L’Afrique détient les clés de l’emploi de demain. Plus de 90 % du tissu économique africain est informel. Et la totalité est constituée d’entrepreneurs. L’économie de demain ne se fera que par des autoentrepreneurs. Et l’Afrique a toujours été en avance sur ces ensembles sans le savoir. Aujourd’hui, l’Union africaine date d’avant l’Union européenne et de tous les grands ensembles, mais ne sait pas en profiter. Quand on parle des applications mobiles, l’Afrique est précurseur des systèmes de paiement digitalisé. On a toujours ce complexe qui amène à penser que ce qu’on fait a moins d’importance que ce que font les autres. Si nous, on n’arrive pas à se mettre au même niveau que l’ensemble des acteurs mondiaux, on va disparaître. Parce qu’il n’y aura pas de troisième chance. Et cette quatrième révolution qu’est la révolution digitale ne fera de l’Afrique qu’un terrain de jeu.

Votre dernier mot

Il faut qu’on se ressaisisse. On est à un moment charnière de notre histoire. On voit ce qui se passe avec les découvertes de pétrole et de gaz qui demandent une expertise technique qui n’existe pas sur notre continent. Il faut que les gens se concentrent sur l’économie autour du pétrole. Parce que 99 % des dépenses du secteur sont dans les secteurs connexes, c’est-à-dire les barils, la restauration, l’équipement, les services. Les gens sont calés sur l’extraction alors qu’il y a tout l’écosystème autour. Et c’est cela qui va créer de la richesse. Soyons confiants en nous-mêmes et mettons en avant nos champions.

Propos recueillis par

Seyni DIOP



4 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Mai, 2018 (17:05 PM)
    Pfff!!! Rien de vrai
  2. Auteur

    Lebaolbaol Tigui

    En Mai, 2018 (17:55 PM)
    Un simple titre : 3 fautes ! Seneweb faites des efforts s'il vous plaît....vous allez nous rendre fous avec ces fautes.....ayez pitié.
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    Auteur

    Anonyme

    En Mai, 2018 (21:05 PM)
    il faut soutenir les entreprises senegalaises si on veut réellement se développer. tout vendre aux toubavs n'est pas la solution. A ce qu'il parait a ses debuts Wari etait parti voir momar guer le DG de la branche Marketing de Total qui les a infligé un refus de collaboration car il n y croyait pas. Et aujourd'hui avec ki le reseau de stations Total collabore til? orange money un francais!! les français sont unis et pas nous et nous sommes jaloux entre nous. comment se developper? il ne faut pas rever!
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    Auteur

    Anonyme

    En Mai, 2018 (21:05 PM)
    il faut soutenir les entreprises senegalaises si on veut réellement se développer. tout vendre aux toubavs n'est pas la solution. A ce qu'il parait a ses debuts Wari etait parti voir momar guer le DG de la branche Marketing de Total qui les a infligé un refus de collaboration car il n y croyait pas. Et aujourd'hui avec ki le reseau de stations Total collabore til? orange money un francais!! les français sont unis et pas nous et nous sommes jaloux entre nous. comment se developper? il ne faut pas rever!
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