PRODUCTION DE RIZ DANS LE NORD : Les acteurs de Dagana diagnostiquent les causes du marasme

Devant une baisse de production inquiétante, une cinquantaine d’organisations de producteurs de riz du département de Dagana ont planché samedi au siège de l’Asescaw à Ross Béthio sur le diagnostic du mal pour y trouver des solutions idoines, sous l’égide du Programme d’appui aux initiatives du Nord (PINORD). Les résultats attendus de cet exercice qui a regroupé tous les experts du département permettront de lancer un plaidoyer auprès des autorités et des bailleurs pour sauver une filière menacée qui participe pourtant grandement à la lutte contre la pauvreté.

Organisé par l’Amicale socio-économique, sportive et culturelle des agriculteurs du Walo (Asescaw) et la Fédération des périmètres autogérés (FPA) pour le département de Dagana, la rencontre de Ross Béthio qui boucle une série dans toute la vallée de Bakel à Louga est soutenue par le Pinord, sur financement de leur partenaire, Oxfam Grande-Bretagne.

Le coordonnateur de l’Unité de pilotage a ainsi rappelé que le Pinord est née de l’intervention de l’Ong humanitaire lors des intempéries de 2001-2002, sous l’impulsion de 6 organisations de producteurs (l’Assescaw et la FPA pour Dagana et l’Adena, la Fafd, la Fdl et l’Ujak pour le Fouta). Après la phase transitoire, le Pinord y entame un programme triennal pour promouvoir l’accès aux marchés du riz de la vallée du fleuve Sénégal, selon Oumar Thiam qui précise que la réunion de Ross Béthio destinée aux OP du Dagana fait suite à celles tenues à Ogo, Podor et Mpal pour les autres OP de la vallée de Bakel à Louga. L’atelier a eu la particularité de regrouper l’ensemble des experts du département, dont une forte majorité de femmes, tous motivés par les inquiétudes nées de la situation morose que traverse une filière qui est « une véritable économie », d’après le président de la FPA Ndiawar Diop qui a ouvert les travaux après les propos liminaires de Babacar Diop, président de l’Assescaw. Pour ce dernier, face au constat d’un recul de l’activité de cette vaste filière qui participe à la sécurité alimentaire dans le département, embrassant toute une série d’activités, depuis la fourniture des intrants, jusqu’à la commercialisation, en passant par la production et la transformation, il urge de mobiliser les organisations regroupées autour du Pinord, de réfléchir sur les causes, pour dégager des perspectives qui feront l’objet d’un plaidoyer auprès de l’Etat et des bailleurs.

Quant à Ndiawar Diop, il a campé les difficultés de la filière en partant de la baisse des surfaces emblavées qui sont passées de 30 000 ha en 2003 à 15 000 ha ces deux dernières années. Il y voit des difficultés tenant au manque de coordination et à l’absence de concertation au niveau étatique et à la responsabilité des producteurs, notamment leur manque de professionnalisme et le non-respect des engagements, surtout en matière de remboursement des dettes. Estimant que « quand le riz va tout va » et qu’avec la libéralisation, la riziculture c’est d’abord leur affaire, le OP de Dagana se sont enfermés des heures durant autour de quatre ateliers thématiques : production, transformation, commercialisation et financement. Des échanges riches qui vont servir de base au plaidoyer, il est ressorti que toute solution passera par une réorientation agricole, c’est-à-dire une forte volonté politique pour faire jouer à la filière son rôle dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté, sans oublier la concertation nécessaire avec tous les acteurs. Il n’en demeure pas moins que l’atelier de Ross Béthio a déploré le manque d’organisation et les carences des producteurs dont la professionnalisation est aussi prise en compte par le Pinord qui envisage des formations et une ligne de crédit pour les micro entreprises, avec un biais marqué en faveur des femmes dont la promotion figure en bonne place comme objectif spécifique.

Pour un label qualité « riz de la vallée »

De toutes les questions abordées lors de cette journée, celle qui est revenue sur toutes les lèvres est liée à la mévente du riz de la vallée dont la production atteignait 150 000 tonnes en année normale, pour les 4 mois de cette culture de contre-saison. Pour le Président du Comité de pilotage du Pinord, Djibril Diop qui estime que « quand le riz va, tout va, quand bien même l’État a fait des efforts, il reste que du côté des producteurs, « l’heure est à la professionnalisation et à l’organisation », seuls gages pour que le plaidoyer puisse atteindre ses objectifs. Après avoir appelé ses pairs au respect des engagements, il a prôné la mise en place d’une « charte pour le riziculteur ». Une idée que l’atelier commercialisation a fait entièrement sienne, pour lutter contre les importations massives qui atteignent 100 milliards de Fcfa l’an. Dans cet auditoire constitué à 99 % par des femmes, le débat a porté essentiellement sur la question d’un « label de certification riz de la vallée ». Les conditions pour y parvenir ont été mises en exergue autour de la professionnalisation des acteurs et du marketing, par des activités de promotion du produit final, un meilleur contrôle des opérations de traitement, des emballages et de la présentation. L’intervention par téléphone du président de l’Unacois-def a permis à l’atelier de remettre au goût du jour une vieille proposition de cette organisation pour la mise en place d’une usine de traitement moderne qui rehausserait la qualité du riz local pour le rendre plus compétitif.