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Economie

PUBLI-REPORTAGE DU FINANCIAL TIMES SUR LE SENEGAL : L'Etat paye pour se faire chicoter

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PUBLI-REPORTAGE DU FINANCIAL TIMES SUR LE SENEGAL : L'Etat paye pour se faire chicoter

L’Etat sénégalais a payé pour un encarté spécial sur le Sénégal dans le journal économique britannique de renommée international, Financial Times. Bien que la rédaction ait été payée par le gouvernement pour cette sortie, ouverte par un éditorial du Président Wade, les articles des journalistes n’hésitent pas à donner la parole aux opposants les plus virulents à la politique du gouvernement.

C’est ce que l’on appelle payer pour se faire fouetter. Payer un publi-reportage pour plus de 300 millions de francs Cfa, dans un des journaux les plus connus dans le monde, pour s’y faire traiter de despote et se voir dire que «la croissante concentration de pouvoir dans les mains du président Abdoulaye Wade est en train de faire perdre sa vigueur à l’une des démocraties les plus admirées d’Afrique», relève presque du masochisme, si l’on n’était pas ici dans le cadre politique.
Le Special report sorti dans le Financial Times du mardi 25 novembre 2008 est un encarté de six pages sensées étaler la gloire du visionnaire qui est en train, selon ses thuriféraires, de changer en profondeur la face du Sénégal. D’ailleurs, sur la première page, le commanditaire signe un éditorial, estampillé avec son sceau de président de la République du Sénégal. Il y crie essentiellement sa fierté d’avoir «gagné (son) pari» de la sécurité alimentaire, grâce à la Goana. D’autres articles parlent, entre autres, de la nouvelle configuration financière de la place de Dakar, entamée sous la poussée de la marocaine Attijariwafa Bank, du dynamisme des confréries religieuses, en particulier de l’implication toujours plus forte des chefs religieux dans la politique. Sous un ton assez neutre et sans l’air d’y toucher, les articles sont, de manière générale, très critiques envers la politique officielle.


Couacs d’une politique agricole
Ainsi, l’article consacré à la Goana, et signé Christopher Thompson fait parler un agronome, établi à Dakar qui juge que «il y a eu peu de concertation concernant l’approche du gouvernement sur l’agriculture, ce qui fait qu’il y a un sentiment que l’arrière pays est négligé». Par ailleurs, bien que non pris en compte dans la Goana, l’arachide reste le moteur de l’agriculture sénégalaise et y exerce, selon les dires du président, rapportés dans l’article, une «tyrannie». Malheureusement, la mise à l’écart du «tyran» n’a pas toujours produit des résultats enviables pour la Goana. Un producteur de la région de Kolda, dont le nom est donné dans l’article, indique que la Goana ne lui a servi à rien, parce qu’il ne lui offre pas la possibilité d’un crédit abordable, en plus du fait qu’il n’a pas de tracteur.
Un autre article traite de la phase difficile que connaît le secteur de la pêche, tué petit à petit par la surexploitation des ressources halieutiques. Juste à côté, comme pour montrer la relation de cause à effet, un autre article raconte les infortunes  de ceux qui tentent l’aventure de l’émigration clandestine, principalement par la voie maritime.

Democratie en regression
Si le traitement de l’économie dans le journal n’est pas des plus satisfaisant, la politique est encore plus terrible. L’article d’ouverture est titré, «une réputation enviable commence à se défaire». On y parle du fameux sujet qui a fait sortir le Président Wade de ses gonds à Lyon, dernièrement. Le journaliste explique la montée des mécontentements dans le pays à, entre autres, la perception répandue que le président prépare son fils Karim Wade pour qu’il lui succède. Cela passe difficilement quand le secteur privé court après le paiement de ses créances et que le coût de la vie devient de plus en plus difficile. La parole est donnée à des opposants comme Ousmane Tanor Dieng, leader du Ps, Moustapha Niasse, de l’Afp, ou des membres de la société civile comme Alioune Tine de la Raddho, qui tous, constatent que le modèle démocratique sénégalais a bien régressé. Même des musiciens, comme les rappeurs de Daara J ou le gutariste Nuru Kane, ne cachent pas leur volonté de «s’opposer au gouvernement pour se débarrasser de cette politique de la corruption», qui caractérise le pouvoir en place. Au point que le journaliste conclut en affirmant que, «la plus grande question est de savoir si M. Wade pourrait assurer une succession qui va maintenir la stabilité que les investisseurs étrangers en étaient venus à considérer comme acquise. Dans l’affirmative, la vision de la «Renaissance africaine» de M. Wade serait autre chose qu’une statue de 50 mètres», en rapport avec la statue de 11 milliards de francs Cfa que Me Wade fait ériger sur l’une des Mamelles.

Publi-reportages critiques
Cet encarté du Financial Times n’a pas été fait par charité ou juste par professionnalisme. On sait que les autorités sénégalaises aiment bien ce support, où M. Wade signe à chaque fois des articles que seuls ses féaux ou ses opposants politiques prennent la peine de lire attentivement. Cela ne poserait pas de problème si, une fois encore, cela ne revenait pas aussi cher au Trésor public, qui est déjà si tendu. Après une première parution d’un encarté du même type, en 2005, Le Quotidien avait pu apprendre que le gouvernement avait payé 300 millions de francs Cfa pour cette publication. Puisque les tarifs de publicité dans la presse internationale n’ont pas baissé depuis lors, on peut imaginer que c’est toujours le même tarif qui s’applique dans ce nouveau publi-reportage, sinon même plus. C’est dire que Me Wade a choisi de payer 300 millions de francs pour des articles de presse qui ne sont nullement tendres à l’égard de son régime ou de sa politique. Il serait intéressant de savoir ce qui le motive à continuer, quand on sait qu’un autre Special Report, de même dimension, était sorti le 10 avril 2007, à la même place, pour le même prix. A cette période, Me Wade venait de gagner la présidentielle et plusieurs articles reflétaient un optimisme de bon aloi. Me Wade venait de lancer sa Wade formula, à laquelle est consacrée toute une page. 18 mois plus tard, le ton des articles est comme l’humeur du pays. Maussade. Mais ici, l’exercice n’est pas gratuit.



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