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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Economie

[ Dossier ] TÉLÉPHONIE MOBILE : A qui profite la concurrence ?

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[ Dossier ] TÉLÉPHONIE MOBILE : A qui profite la concurrence ?

La plupart des ménages peinent à assurer les besoins primaires. Maintenant un service relativement nouveau, la téléphonie mobile, occupe une place de plus en plus importante dans leur consommation. Mais qui peut dire quelle est la contrepartie en termes de services, à l’achat d’une carte téléphonique de 1000, 2000 ou 5000 FCfa ? Peu de clients du mobile seraient capables de répondre. Alors que la petite boîte noire semble exercer une véritable tyrannie sur les usagers, au point de dangereusement empiéter sur les dépenses des ménages. Sans compter les télécentres qui ferment boutique, jetant des milliers de jeunes au chômage et l’arnaque au coin de la rue où de petits débrouillards plus futés qu’experts ont investi le créneau très lucratif des petits métiers du portable. Enquête et reportage pour lever un coin de voile...

Entre utilité, tyrannie et arnaque

Pour l’économiste Moubarak Lo, le coût de la communication mobile peut être un obstacle à l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd). Avec le psychologue Lahbib Ndiaye, il invite l’Etat à réguler le secteur dont l’arrivée d’un troisième opérateur n’a pas réussi à faire baisser les coûts des communications supportés par les ménages et les travailleurs. Tout récemment, l’économiste s’est illustré en jetant un regard critique sur la part allouée à la téléphonie mobile sur le budget des ménages, à partir d’un double intérêt. A l’en croire, facteur de croissance économique, le téléphone mobile est aussi un facteur d’appauvrissement de la population. Il fait allusion à l’Omd n° 1, qui est la lutte contre la faim. Même si un autre des objectifs est l’accès à l’information et à la communication, la priorité, c’est de manger à sa faim. M. Lô donne un exemple trivial : si un ménage qui gagne quotidiennement 2.000 FCfa se permet de dépenser les 500 pour la même période en crédit téléphonique, c’est grever d’autant le budget pour acheter du pain, du lait ou du riz. Pour lui, c’est donc un enjeu à sommes nulles. Le ménage qui est trop aisé peut se permettre de beaucoup dépenser dans la téléphonie mobile puisque ça ne pèse guère sur son budget de consommation qui est déjà trop élevé, fait-il remarquer avant de souligner que la préoccupation, ce sont les pauvres, les ménages proches du seuil de pauvreté qui constituent la majorité. Ce qui a motivé sa réflexion, c’est comment, étant un facteur de développement économique, la téléphonie mobile pourrait également enrichir plutôt que d’appauvrir les plus démunis. Ce questionnement est partagé par le président de l’Association sénégalaise pour le développement de psychologie appliquée (Asdepa-Sénégal), Lahbib Ndiaye pour qui la téléphonie mobile est devenue un besoin nécessaire au même titre que le manger. Dès lors, poursuit-il, il est nécessaire qu’on lui alloue un budget. « Le besoin d’utiliser le téléphone devient aussi fondamental que le besoin de manger », dit-il, reconnaissant tout de même que la surconsommation du téléphone peut avoir des impacts négatifs sur la qualité de vie des ménages pauvres.

Facteur de développement, le portable peut aussi appauvrir

Il y a 15 ans, peu de ménages avaient le téléphone fixe et le portable venait d’émerger. Présentement, Monsieur Lo estime que si on faisait une enquête budget-consommation, ou pourrait trouver que la part de la téléphonie mobile dans le budget des ménages peut atteindre 20%. C’est-à-dire que pour un ménage qui gagne 60.000 FCfa par mois, ce sont 12.000 FCfa de crédit téléphone comme cumul mensuel. Alors que le ratio raisonnable limiterait un tel ménage à 2.000 FCfa, argumente-t-il. Que faut-il faire alors ? Faut-il laisser le marché comme tel ou faut-il intervenir ? Pour Moubarak Lo, il faut éduquer les consommateurs, car, estime-t-il, « c’est le rôle de l’Etat dont la mission est de servir l’intérêt général ». De son point de vue, chaque fois qu’il se passe des dérapages dans la société, c’est l’Etat qui doit se lever pour dire aux populations qu’il faut changer. L’intérêt d’une société du mobile, soutient-il, c’est que les gens consomment, et sur ce point précis, le psychologue donne raison à l’économiste. Toutefois, Lahbib Ndiaye reconnaît que ce ne sera pas facile, même si « l’important c’est de commencer, de tenter au moins quelque chose ». La sensibilisation doit se faire, au besoin par des campagnes d’Iec avec, à côté de l’Etat, des Ong engagées, soutient-il. Du point de vue de Moubarak Lo, si on appelle sur un fixe, on doit utiliser le fixe et non le mobile et si on appelle un mobile, il faut être court, concis et précis, choisir les heures de communication et se limiter au Sms si possible. Pour le psychologue, le problème est que le Sms ou le bip ne sont pas valorisants. Leurs utilisateurs sont souvent qualifiés de fauchés, alors que personne n’aimerait passer pour tel. Parce que, dit-il, dans notre société, le paraître occupe une place importante et les gens sont prêts à se sacrifier pour avoir le portable dernier cri, histoire de dire aux autres qu’ils sont à l’abri du besoin. Il parle de folie qui s’empare des populations. « Il y a un effet de mode général », fait-il remarquer non sans soutenir que « chez le Sénégalais, il y a excès dans tout ». Dans son entendement, ce sont les gens les moins nantis et les moins lettrés qui sont les plus engagés dans l’acquisition de portables de dernier cri, alors que la fonction essentielle est d’émettre ou de recevoir des appels.

Silence et zones d’ombre chez les opérateurs

La nouvelle vague concurrentielle dans le secteur de la téléphonie mobile impose une attitude d’alerte aux opérateurs. La grande offensive communicationnelle est partout de mise ; c’est à qui mieux-mieux. Pourtant, ces approches communicationnelles menées en externe semblent paradoxalement être la face visible de l’Iceberg. Car rien n’est plus difficile que de saisir la réalité communicationnelle interne chez les différents opérateurs.

En vérité, tous les opérateurs ont adopté la même posture centrée sur un service de proximité, limité cependant à la promotion de meilleures offres de services à la clientèle. A cause de cette politique de communication offensive, les informations les plus accessibles sont « les services clients ». Une démarche certes acceptable, mais qui comporte visiblement de grandes faiblesses communicationnelles pour les droits de la clientèle En effet, malgré les multiples tentatives de se rapprocher d’eux, on est vite face à des murs de silence. Impossible d’étaler toutes les difficultés rencontrées pour entrer en contact avec les opérateurs, après plusieurs tentatives restées vaines et malgré les multiples manœuvres, jeux de ping-pong, va-et-vient de bureaux en bureaux, de services en services, les appels téléphoniques, les demandes de rendez-vous auprès des responsables de services de la communication, etc. Pourtant, toutes ces tentatives étant restées sans suite, on ne peut pas totalement affirmer leur manque de volonté. Il s’agit plutôt d’un manque de promptitude à satisfaire la demande sur certaines questions, mais surtout concernant les aspects touchants les relations entre opérateurs et clients et les réponses aux multiples questionnements de ces consommateurs par rapport à l’offre de services. Le déficit en informations sur ces aspects très précis reflète quelque part une certaine faiblesse organisationnelle ou communicationnelle au niveau interne. On comprend difficilement que pour des questions aussi simples, la plupart vous font valser du service marketing ( !) à celui de la communication (quand ce n’est pas le même), avant de vous demander d’aller envoyer un protocole d’interview.

Il y a, en effet, un réel problème d’orientation vers les différents services compétents. Chez les deux premiers opérateurs par exemple, il existe certes plusieurs départements. Toutefois, non seulement ils ne sont pas logés dans le même endroit, ils sont dispersés et éloignés les uns les autres, mais encore ils sont peu connus du public. Si bien que « on ne sait pas qui est qui et qui fait quoi ». On est rapidement confronté à une absence d’interlocuteur. Et les personnes les plus accessibles ne semblent pas être autorisées à répondre à certaines questions. A bout du compte, avec le flou et des zones d’ombres qui entourent les multiples services, il faut constater qu’aussi avantageux qu’ils soient, les détails sur les prix ne sont pas tous connus des clients et, par conséquent, leur utilisation pose problème.

Quand le leader détermine les prix.

Quid de la concurrence ? Moubarak Lo estime que la concurrence devrait pousser les prix à la baisse ; ce qui n’est pas le cas, pense-t-il. Pour lui, ce qui empêche la concurrence de jouer, c’est ce qu’il appelle le privilège du premier arrivé, en l’occurrence Orange. D’après lui, cette dernière a bénéficié d’un monopole au départ, ayant hérité du capital de l’ancienne société qui a pu avoir un grand nombre de clients. C’est le prix que fixe la Sonatel qui détermine, selon lui, le comportement des autres opérateurs. Ils sont, dit-il, obligés de connaître les prix que fixe l’opérateur historique avant de fixer les leurs. C’est ce qu’il appelle la règle des leaders du marché et leurs followers, c’est-à-dire les suiveurs. Il estime que le suiveur peut être très agressif, mais avec beaucoup d’incertitudes puisqu’il faut couvrir ses marges, ses frais. A l’en croire, un opérateur comme Expresso par exemple, a une capacité d’agressivité fortement limitée par cette contrainte, d’autant plus qu’il a le devoir de recouvrir la mise de 90 milliards de FCfa. Pour le psychologue, ce n’est ni plus ni moins qu’une fausse concurrence puisque la présence de deux autres opérateurs n’a pas fait baisser les prix des communications. Pour le psychologue qui est par ailleurs gérant au Samu social de Dakar, les ménages sont les vaches laitières des opérateurs. L’économiste, lui, estime que ce sont les travailleurs et les ménages qui supportent tout les opérateurs téléphoniques.

Que faut-il donc faire pour que les prix baissent ? Pour Moubarak Lo, il y a deux éléments clefs. D’abord, il faut que l’Artp soit très dynamique sur le volet concurrence, c’est-à-dire oblige les opérateurs à jouer des « règles saines ». Ensuite l’Etat doit « pousser la Sonatel - le premier opérateur- à baisser ses prix ». De son point de vue, les followers - Tigo et Expresso- ne peuvent pas donner un prix minimal inférieur à celui de référence fixé par l’opérateur historique. Même si les followers sont autonomes dans leurs propres réseaux, il est convaincu qu’ils le sont moins pour les appels entre réseaux. De son point de vue, pour ce dernier cas, c’est le leader qui fixe les prix.

Rappelant ce qui se passe dans certains pays comme c’est le cas au Maroc, l’économiste pense qu’il faut fixer un prix unique pour les appels entre différents réseaux. Pour lui, si les opérateurs ne procèdent pas à cette réforme de manière volontaire, c’est l’Etat qui doit introduire un prix administré. Cela d’autant plus que, pense-t-il, les prix de l’eau, de l’électricité, du pain, entre autres, sont administrés. Il faut donc, estime-t-il, s’asseoir autour d’une table et fixer un prix acceptable, car il urge de faire un benchmark international pour ramener le prix le plus approprié pour tout le monde, notamment pour les ménages pauvres. De son point de vue, une société comme la Sonatel qui a eu sa licence mobile au moment où celle-ci était largement sous valorisée est « mal placée pour faire des prix élevés ». Rappelant le coût de la licence d’Expresso, il pense qu’il faut renégocier les licences de Tigo et d’Orange. En plus d’une licence « largement » sous évaluée, argumente-t-il, Orange a hérité de l’actif physique de la Sonatel. Rien, soutient-il, n’empêcherait le gouvernement de pouvoir exiger des deux premiers de se mettre à niveau et de payer les redevances de la licence « comme Expresso l’a fait ». Il évoque, à cet effet, le cas du Bénin où l’Etat a réussi à faire renégocier des licences. Il est persuadé que si l’Etat fait revaloriser la 1ère licence, il peut en tirer au minimum entre 200 à 300 milliards de FCfa. Il a aussi fait référence au Maroc qui a vendu une licence de téléphonie mobile à une société étrangère à 2 milliards de dollars Us, soit 1.000 milliards de FCfa, estimant qu’il faut s’asseoir autour d’une table, faire des analyses prospectives et s’accorder. Un Etat doit, selon lui, se faire respecter quand il le faut. « Des dizaines de milliards ont été perdus en faisant une erreur dans l’estimation des licences », soutient-il. Mieux, il pense que l’Etat a fait un cadeau énorme aux sociétés mobiles en réduisant l’impôt sur le bénéfice de 33 à 25%. Ce n’est pas une bonne politique économique parce que les incitations, c’est pour avoir des impacts sur le comportement des entreprises, selon M. Lô. Cela, souligne-t-il, fait perdre annuellement à l’Etat 20 milliards de FCfa. « Avec ces deux erreurs, l’Etat perd au profit des deux sociétés plus de 40 milliards de FCfa chaque année », renseigne-t-il. Aussi estime-t-il qu’il faut renégocier les licences sous la contrainte de ne pas augmenter les prix des communications, voire même de les baisser. Aujourd’hui, la Sonatel, informe Moubarak Lo, ne fait que faire bénéficier ses actionnaires de dividendes, alors qu’il s’agit de distribuer ses profits. Il est persuadé que ce que la société donne au trésor public n’est « pas suffisant ».

LE BLUES DES CONSOMMATEURS : On dépense plus qu’on a consommé

La concurrence dans ce secteur a contribuée à l’accessibilité du téléphone. Aujourd’hui, beaucoup de Sénégalais ont accès au téléphone grâce au mobile. « A l’époque, c’était que des tracas pour disposer d’un téléphone mobile. Rien que le terminal coûtait une fortune au consommateur, mais avec la concurrence, aujourd’hui au Sénégal, le mobile est le premier téléphone ».

Malgré tout, l’utilisation du téléphone mobile pose d’énormes difficultés aux clients, si l’on tient compte des nombreuses plaintes déposées par les consommateurs auprès de l’Association des consommateurs sénégalais (Ascosen). La facturation des tarifs de téléphone figure en premier lieu parmi les plaintes reçues par l’Ascosen. Car d’après le président de l’association des consommateurs, « le téléphone est facturé à la cadence ». Il s’agit d’un système de facturation à la défaveur du consommateur. En effet, à cause de ce système non conforme à la durée de consommation, on dépense plus que l’on a consommé. « On dépense plus que l’on a consommé. Les unités tombent dés que l’on est en ligne alors que l’on n’a pas épuisé toute la durée de facturation. Un coup de fil est donc facturé à plus d’une seconde et pour un forfait d’une heure, on voit ce que cela peut coûter ». Pour toutes ces raisons, le téléphone coûte trop cher au consommateur. « Les gens ne se rendent même pas compte que le téléphone coûte plus cher que les besoins familiaux ». A peu près 300 FCfa par jour x 6 personnes, c’est-à-dire 1.800 FCfa par jour, et le budget du téléphone est de plus en plus cher, remplace les besoins de transport. Est devenu indispensable et, par conséquent, devient de plus en plus cher.

Parmi les autres plaintes énumérées par Momar Ndao, le président de l’Ascosen, figurent les difficultés liées au chargement de crédit. « Parfois, le crédit est bouffé au moment du chargement ». Il a été cité par les consommateurs, en même temps que la variation des plages horaires. Ils soufrent des confusions entre les plages économiques et les plages normales. Les heures de baisses du tarif sont souvent confondues par le client. Ceci s’explique par exemple par le fait que la plage est fréquemment changée et que le consommateur n’est pas toujours au courant. Par ailleurs, la qualité du réseau est aussi dénoncée par les clients. Selon le président de l’Ascosen, il serait bon de développer un système de« roaming national » pour permettre une couverture totale du pays. Il s’agit d’étudier les possibilités d’être basculé vers un autre opérateur lorsque vous ne pouvez pas être couvert par votre opérateur. « Par exemple dans une zone frontalière non couverte par votre opérateur, le roaming offre la possibilité de pouvoir continuer la communication avec la couverture d’un autre opérateur local ». De l’avis de Momar Ndao, « cette forme de collaboration entre opérateur permet la disponibilité du service de tout temps ».

Les ménages paient le prix fort

Qui mieux que les opérateurs téléphoniques savent tirer profit du marché, constitué de couches généralement peu aisées ? Même si l’essentiel de leurs chiffres d’affaires viennent des grands comptes, ils ont tous profité des économies d’échelle en lançant des offres destinées au plus petit client. D’ailleurs, ils ont encore innové cette semaine. Ils ont introduit sur le marché le « 100% bonus offerts » sur les cartes de recharges prépayées. Jusqu’ici, les bonus offerts étaient de cinquante pour cent et avaient généralement lieu dans le troisième tiers du mois. L’opérateur historique a, le premier, commencé à déroger à cette règle. Il sera d’ailleurs marqué à la culotte par le second venu. Si chez l’un, le crédit offert est utilisé vers tous les opérateurs, chez le second par contre, il ne s’est fait que dans le même réseau. Pendant ce temps, les appels de la journée dans le réseau du dernier venu sont gratuits pour les abonnés qui ont acheté une carte, avec des limites dans le temps, en fonction du montant acheté. Le dernier venu, qui tarde à faire dans le détail (à partir de 100 FCfa) vient de mettre sur le marché la carte de recharge la moins chère de l’histoire de la téléphonie mobile au Sénégal, à 500 FCfa. Bien sûr, d’autres formes de promotion sont imaginées par les opérateurs qui tentent d’avoir le plus grand nombre de clients possible. Une économie d’échelle pour pallier l’achat relativement faible des cartes de 10 à 25 mille FCfa. Quoiqu’il en soit, les ménages consacrent des sommes assez importantes dans la téléphonie mobile. Si Moubarak Lo a le même téléphone « depuis plus de trois ans », Lahbib Ndiaye lui dépense « entre 40 à 50 mille FCfa par mois ». Un montant vers lequel se rapproche la consommation mensuelle de la famille Sy. Selon ce père de famille qui « profite des promotions » pour recharger les portables de son épouse et de ses enfants, leur consommation moyenne mensuelle est de 25 mille FCfa. Ce n’est par contre pas le cas pour des personnes comme M. Diop. Une jeune et ravissante fille, qui s’est vue offerte un portable dernier cri tout récemment, et « reçoit régulièrement du crédit de mes amis ». De même, ce fonctionnaire de l’administration sénégalaise préférant parler sous le couvert de l’anonymat et dont la facture mensuelle, réglée par l’Etat, s’élève à 200 mille F en moyenne.

Devoir d’éducation pour l’Etat et les ONG

L’Etat, d’après Lo, ne peut pas être neutre quand il s’agit de défendre le bien-être de la population. De son point de vue, il doit, à travers l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp), observer les tendances, réguler, orienter, anticiper et éclairer. Dans un pays en développement, l’Etat ne peut pas se comporter comme dans un pays développé, estime-t-il. Pour lui, il faut un Etat vigilant qui communique, soutenant que l’Etat libéral a laissé la société un peu trop à elle-même, alors qu’il faut une économie mixte avec un Etat stratège qui est présent là ou il doit être. C’est l’Etat qui doit accompagner la société ». Pour Lahbib Ndiaye, du moment que les opérateurs téléphoniques font des marges de bénéfices très importantes, il y a une possibilité de rendre le téléphone portable plus accessible pour les populations. Par ailleurs, il estime que les populations sont quelque part responsables de cette cherté du téléphone. A l’en croire, on est dans une société où les salutations d’usage occupent une place importante. On peut même leur consacrer plusieurs minutes, avant d’attaquer le vif du sujet. Il y a, soutient-il, une éducation des populations à faire à ce niveau afin de rendre le temps beaucoup plus efficient. « Mais, aujourd’hui, notre premier combat est la baisse des prix du téléphone », dit Momar Ndao. Le président de l’Ascosen fustige la redevance sur la Redevance d’utilisation du téléphone (Rtu) taxée à l’usager. L’Ascosen avait demandé aux consommateurs le boycott pour marquer leur désapprobation sur cette mesure. Le taux de succès à 75% montre l’importance que le téléphone joue au sein des familles. Momar Ndaw estime que les tarifs de téléphones trop élevés doivent être revus à la baisse par rapport aux énormes chiffres d’affaires des opérateurs de téléphonie mobile. Il faut aussi que les opérateurs diminuent les coûts élevés des services comme celui de l’internet sur le mobile pour qu’il soit disponible et à revoir ce service pour proposer des prix concurrentiels. « Aujourd’hui, l’internet est la plus grande bibliothèque du monde et un service facteur de développement qui doit être mis à la disposition du plus grand nombre à des prix abordables. A part ce fait, nous nous félicitons de la facilité de traitement des plaintes que nous leur envoyons.

Le train de la modernité doit profiter à tous

L’économiste est persuadé aussi que les ménages doivent bénéficier d’un service de qualité et pas cher. « Ce qui n’est pas le cas », avance-t-il non sans déplorer les trous et les pertes de réseaux. D’où son idée selon laquelle l’Etat doit obliger les opérateurs à faire des investissements à partir des bénéfices pour améliorer la qualité du réseau.

Dans certains pays, soutiennent l’économiste et le psychologue, les opérateurs permettent aux clients d’appeler gratuitement et de façon illimité, par moment, vers tous les réseaux. Ils leurs accordent d’autres facilités. Ici au Sénégal, les opérateurs s’y mettent timidement. D’ailleurs, pour d’aucuns, ce sont des vendeurs de vent. « Ce qui me désole le plus, c’est que la brave dame qui vend des cacahuètes et qui est arrivée à avoir 1.000 FCfa les perd dans des secondes de téléphone », dit Moubarak Lo. Encore une fois, il rappelle qu’il faut aider les populations pauvres à réduire leur budget de consommation de téléphonie mobile par l’éducation, mais surtout par des prix attractifs qui soient à leur portée.

Pourtant, il n’y a pas que du mauvais dans la téléphonie mobile. Un simple coup de fil peut épargner d’un déplacement onéreux, régler une urgence ou encore que sais-je ? Toutefois, soutient Moubarak Lo, cela ne veut pas dire que ceux qui nous offrent ces services-là peuvent faire tout ce qu’ils veulent. « Ils ne nous font pas de cadeau, ils n’ont fait que s’arrimer à la modernité, c’est un legs de l’humanité que tout le monde doit se partager », lance l’économiste.

Mobile mania et marché parallèle

Qu’y a-t-il de commun entre les devantures rutilantes des opérateurs de téléphonie mobile et le « Market » de Colobane ? Beaucoup d’usagers auront du mal à répondre jusqu’au jour où leur petit chouchou à puce tombe en panne. Car la mobile mania a créé de toutes pièces un marché parallèle qui s’étend de la « Salle des ventes », sur l’Avenue Lamine Guèye, à Guédiawaye et Rufisque, sans parler de la mode des pousse-pousse Hi-Tech qui a gagné la banlieue. Entre ces extrêmes, il y a des temples du décodage, du retapage et des ventes parallèles qui font florès, la fortune des uns et le malheur de bien des accros de la boîte magique à voix. Des couacs sur le réseau, aux appareils qui plantent, jusqu’aux antres des réparateurs qui jouent à l’arlésienne avec la clientèle et la police, il n’est pas rare de voir un usager dépité maudire le créateur du cellulaire. Visite guidée dans les dédales d’un monde interlope...

De Colobane à « Salle des ventes »

Peu de gens traversant en car rapide le marché de Colobane peuvent imaginer que derrière les tables aux puces -qui tardent à déménager en dépit de la finition des cantines -, il y a tout un monde digne de la Silicon Valley. Car Colobane, ce sont les cantines de l’informel plus ou moins clean qui s’affichent, mais aussi le revers d’une smala qui fréquente les allées discrètes cachées par les tentures et les entassements de vêtements. C’est un monde hétéroclite, une véritable caverne d’Ali Baba où l’on trouve toutes les contrefaçons, les produits chipés à l’arraché, les « gagés » pour cause de conjoncture difficile. De l’engin bon marché (entre 5 et 10.000, selon l’origine) jusqu’à l’i Phone dernier cri, le client n’a que l’embarras du choix. Ici, il ne faut pas être trop regardant et, surtout, ne pas s’embarrasser de scrupules. On vend du « tout venant », littéralement, selon la bourse du client. A vos risques et périls, puisque les vendeurs à la sauvette n’ont ni dresse, ni numéro de téléphone enregistré. Le marché est pourtant florissant parce que situé dans le bas de gamme, tant à l’achat du matériel (cellulaires, Mp3, Mp4, iPod) qu’à la réparation qui se pratique dans l’allée la plus reculée. Au fond d’un réduit donnant directement sur l’autoroute, c’est tout un monde interlope qui intercepte le visiteur pour proposer les services les plus divers. Cette volatilité en fait l’endroit le mieux indiqué pour rechercher un appareil volé. On s’y trouve dans un système de vases communicants avec tous les marchés dont « Salle des ventes » sur l’avenue Lamine Guèye, à quelques encablures du quartier des affaires. Plus connu pour ses meubles de seconde main, cet autre temple du mobile se spécialise dans le haut de gamme. « Nous ne vendons pas de portables simples », lance un jeune qui porte le nom d’une ethnie. Comme la plupart de ses collègues qui n’ont que des prénoms, généralement de personnages respectés, son argumentaire s’arrête à une furtive démonstration entre les paumes de la main et sa poche. A l’intersection des rues Raffenel et Amadou Alakhsane Ndoye encombrées à toute heure du jour, les vendeurs dont certains exposent dans de simples caisses proposent toutes sortes de matériels de récupération et, lorsqu’ils n’en disposent pas, vous demandent d’attendre et réapparaissent au bout d’un temps plus ou moins long avec le téléphone, fax ou la carte mémoire qui fait défaut. On y trouve tout... littéralement. Alors qu’un peu plus bas, l’Avenue Faidherbe s’est transformée en rue commerciale spécialisée dans le Hi Tech. Certaines « success stories » d’en face y ont ouvert des magasins haut de gamme où s’approvisionnement les « rangoumen » - rabatteurs et revendeurs sans capital.


Dossier réalisé par Ndèye Mane Bâ, Aly Diouf et Fara Sambe



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