Le marché du transfert d’argent a connu, en l’espace de quelques années, une croissance exponentielle. Au Sénégal, au niveau du formel, c’est Western Union et son large réseau de banques partenaires qui contrôlent la plus grosse part de marché.
425 milliards de Fcfa ont été transférés au Sénégal en 2005 au moyen des systèmes de transfert formel. Une manne financière dont les 80 % sont passés par les bureaux des représentants de Western Union, soit 340 milliards de Fcfa. Moneygram et Money Express, les autres systèmes de transfert d’argent présents sur le marché national avec comme partenaires la Banque sénégalo-tunisienne, la Caisse nationale de crédit agricole et les mutuelles d’épargne de l’Unacois-defs se partageant les 20 % restants, soit à peu près 85 milliards de Fcfa. Au vue de ces chiffres, on peut affirmer sans risque de se tromper que Western Union, présent dans plus de 200 pays à travers le monde entier, est le leader incontesté au Sénégal sur le marché du transfert d’argent. Ces sommes énormes qui sont envoyées de l’étranger, ont poussé les banques commerciales les plus importantes de la place à s’intéresser à ce filon très juteux. Même si la plus grosse part des gains générés par cette activité est naturellement pour Western Union. Ainsi, la Cbao, la Sgbs, la Bicis, la Poste et la Bimao (Banque des institutions mutualistes de l’Afrique de l’Ouest), une nouvelle banque, noueront des partenariats avec Western Union afin de tirer profit de cette opportunité et, également, de bien se positionner dans un domaine très marqué par la concurrence.
En 2005, ces banques ont pu gagner, dans le cadre de ce partenariat avec Western Union, la somme de 6 milliards de Fcfa. Et c’est la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (Cbao) qui contrôle 37 % des parts de marché au niveau du transfert d’argent, se taillant ainsi la part du lion avec 2,2 milliards de Fcfa de bénéfices. La Société générale est classée 2e et est suivie à la 3e place par la Poste. La Bicis et la Bimao occupent respectivement les 4e et 5e places. Elles se partagent les 3,8 milliards de Fcfa restants.
Quand transfert rime avec proximité
Devant ce flux d’argent, certaines banques ont inauguré une politique de proximité consistant à venir installer des agences dans les quartiers populaires. Certains ont vu, dans cette démarche, une manière de concurrencer les mutuelles d’épargne qui connaissent un réel succès à ce moment au niveau de ces zones. Mais, ce n’est pas exactement la réalité si on en croit certains responsables de banques. Véritablement, les banques et les mutuelles n’ont pas les mêmes cibles. Mieux, ces dernières sont même des clients des banques. L’objet de cette politique de proximité est donc plutôt de gagner des parts de marché dans le transfert d’argent et de bien se positionner par rapport à la concurrence. « Au lieu de déplacer le client jusqu’en ville pour un retrait d’argent par le canal de Western Union, pourquoi ne pas lui ouvrir un bureau à côté de chez lui, et lui éviter ainsi les embouteillages », explique un responsable de banque à propos de cette stratégie de proximité.
La Cbao qui est leader sur le marché du transfert d’argent peut aujourd’hui s’appuyer sur un réseau de 67 bureaux dont 37 font uniquement du transfert d’argent. La Sgbs, quant à elle, dispose d’un réseau riche de 33 agences et offre à sa clientèle la possibilité d’effectuer des opérations de transfert d’argent dans 31 de ses 33 bureaux. Tandis qu’au niveau de la Bicis, une banque qui n’est pas trop portée sur cette politique de proximité, sa clientèle peut, en dehors de ses 14 bureaux installés à Dakar et dans les régions, effectuer des opérations de transfert d’argent dans des guichets Western Union installés dans les gares ferroviaires de Dakar et de Thiès, en attendant l’installation d’autres guichets dans les autres gares à travers tout le Sénégal. C’est, en tout cas, la convention que la banque a signée avec la Société nationale des chemins de fer du Sénégal (SNCS). C’est dire que chacun y va donc avec sa propre stratégie pour profiter le plus possible du boom de ce système de transferts d’argent.
Un dispositif contre le blanchiment d’argent
Le Sénégal occupe, à l’heure qu’il est, la première place en Afrique de l’Ouest en termes de transactions par le canal de Western Union. Chaque mois en effet, ce sont plus de 240 000 opérations qui sont effectuées dans les différents guichets des trois principales banques avec lesquelles travaille Western Union et la Poste. Dans certains bureaux, surtout ceux de la Cbao, c’est en moyenne 90 transactions qui y sont effectuées par jour. C’est pourquoi au niveau de certains bureaux, les sommes reçues ou envoyées tournent le plus souvent autour de 25 à 30 millions par jour.
Le transfert d’argent obéit cependant à une certaine réglementation applicable à toutes les banques et structures qui s’activent dans ce domaine doivent se plier. Ainsi, à partir du Sénégal, une personne ne peut pas effectuer un transfert dépassant 300 000 F Cfa par jour. De même, on ne peut recevoir plus de 3 millions de Fcfa par jour par le canal du transfert d’argent formel. Cette règle vise, selon un responsable de banque, à lutter contre le blanchiment de l’argent. Dans la mesure où, pour envoyer ou recevoir de l’argent par le biais du transfert formel, on n’a pas besoin d’un compte bancaire.
L’Italie, plus gros pourvoyeur de fonds
Les Sénégalais, c’est connu, sont de grands voyageurs. Ils sont présents dans plusieurs pays à travers le monde. Ce qui signifie que de l’argent est envoyé au Sénégal d’un peu partout de par le monde. Toutefois, les transferts s’effectuent plus à partir de pays comme la France, l’Italie, l’Espagne, les Etats-Unis et certains pays de l’espace Uemoa.
Le tableau de ces transferts d’argent s’est établi comme suit durant le premier trimestre de l’année 2006. Avec la France, l’ancien pays colonisateur, une terre où résident beaucoup de Sénégalais, 869 millions de Fcfa ont été envoyés à partir du Sénégal contre 5,7 milliards de Fcfa reçus ici dans notre pays par le canal du transfert formel. Mais c’est en Italie, pays très couru par les candidats à l’émigration, où les montants des transferts sont beaucoup plus importants. Elles se chiffrent à 6 milliards de Fcfa soit 300 millions de plus que pour la France. Mais, l’argent envoyé par le canal des transferts d’argent à partir du Sénégal est beaucoup moins important, 67 millions de Fcfa, une différence de 802 millions de Fcfa par rapport à la France. Ce grand écart avec l’Italie s’explique surtout par le fait que la France est plutôt un pays où les Sénégalais se rendent pour étudier alors que pour l’Italie ou l’Espagne, c’est généralement pour aller chercher fortune. Les transferts vers les Etats-Unis ou des Etats-Unis vers le Sénégal sont moins importants que pour la France et l’Italie. Les envois à partir du Sénégal ont atteint durant cette période la somme de 94 millions de Fcfa. Alors que l’argent reçu du pays de l’Oncle Sam durant la même période est de 1,7 milliards de Fcfa. Pour les chiffres concernant les autres pays, ce sont en tout 877 millions de Fcfa qui ont été envoyés à partir du Sénégal et 10,7 milliards reçus. Et ces chiffres impressionnants n’ont rien à voir avec ceux qu’on avance au niveau des circuits informels. Des chiffres deux fois plus importants que pour le formel, selon certains. Ce que réfutent toutefois les banquiers.
0 Commentaires
Participer à la Discussion