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Economie

TRANSFERTS D’ARGENT : Sur le dos des pauvres ?

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TRANSFERTS D’ARGENT : Sur le dos des pauvres ?

S’il existe aujourd’hui de nombreuses sociétés au Sénégal qui offrent des services de transferts d’argent, seules deux sociétés américaines, Western union et Moneygram, disposent d’un réseau mondial, les autres n’intervenant que sur une zone géographique bien déterminée et ne permettent aucune interconnexion entre les différents réseaux.

Cependant, de nombreuses critiques ont été adressées à WU, l’accusant de gagner de l’argent en exploitant les pauvres. Le marché du transfert d’argent au Sénégal a connu une évolution rapide au cours de ces dix dernières années, tant aux niveaux de la nature et du nombre d’acteurs impliqués, de l’importance des sommes concernées, de l’impact socio-économique sur les bénéficiaires de transferts, qu’à celui des mécanismes mis en oeuvre.

Malgré une présence toujours marquée du secteur informel sur le marché du transfert d’argent, on assiste depuis quelques années à une plus grande formalisation du service, à travers la quasi-totalité des banques commerciales qui utilisent les services d’opérateurs spécialisés – dont ils sont des agents agréés - tels que Western Union, MoneyGram, Money Express, Télégiros. Ces différents opérateurs utilisent des mécanismes ayant de grandes similitudes, même si chacun cherche à se distinguer par des stratégies commerciales plus ou moins différentes pour chercher à accroître ses parts de marché. Une de leurs caractéristiques principales – en plus de la rapidité et de la fiabilité du service - est le fait qu’ils ne proposent aucun autre produit en dehors de la réception et – sauf Télégiros – l’envoi de fonds ; il n’est même pas besoin d’avoir un compte bancaire pour utiliser ces services.

A côté des banques qui utilisent ce marché, on note une présence de plus en plus marquée de la Poste, notamment dans des zones faiblement bancarisées (dans certains quartiers populaires de la capitale et dans toutes les villes et de nombreux villages de l’intérieur du pays). C’est dans ces zones que la Poste possède un avantage concurrentiel car elle y possède des bureaux opérationnels proches des populations bénéficiaires des transferts en provenance de l’étranger. Afin d’offrir une qualité de service identique à celle des banques commerciales, la Poste utilise ses services traditionnels pour les transferts locaux (nationaux) et des services de l’opérateur WU dont elle est également un agent pour les transferts internationaux. Cette stratégie lui donne un avantage concurrentiel de taille, notamment sur le segment de marché des transferts nationaux.

Ce marché très porteur attire également une autre catégorie d’acteurs : les institutions de microfinance qui y voient de plus en plus une source de diversification de leurs produits et de leurs revenus.

Il semble cependant que dans ce marché, certains acteurs actuels des services de transfert d’argent ne prennent en considération que la recherche d’une profitabilité maximale de leurs services et ne soient pas disposés à considérer les aspects du soutien et d’aide aux pays en développement. Pourtant, les transferts sont, derrière les investissements directs, la deuxième source de financements externes pour les pays en développement.

Il est ainsi souvent reproché à Western union de gagner de l’argent "en exploitant les pauvres". De fait, les commissions réclamées pour ses services peuvent atteindre 21 % de la somme envoyée. Poutant, l’entreprise a une autre source substantielle de revenus : les gains qu’elle réalise sur les opérations en devise en appliquant ses propres taux de change. La rentabilité dégagée par WU s’élèverait en tout cas à plus de 33 %, soit un profit opérationnel de près de 1 milliard d’euro pour un chiffre d’affaires de 3 milliards. Ric Duques, ancien PDG de First Data Corp., la maison-mère de Western Union, n’avait-il pas déclaré un jour au Financial Times : "Ça m’est complètement égal que Western Union gagne - en théorie - de l’argent en exploitant les pauvres. Je dis ça parce que nous sommes le moyen le plus rapide, le plus sûr et le plus efficace d’envoyer des fonds." ?...

Créé en 1988 et basée à Denver dans le Colorado (Etats-Unis), la deuxième structure spécialisée sur le marché sénégalais, Money gram, offre un service de transfert rapide d’argent comparable à celui de WU, avec des prix légèrement inférieurs. L’explication se trouverait, selon une étude de Sander & Barro pour le compte du International Labour Office de Genève, dans la différence de politique commerciale entre les deux structures. WU aurait une politique commerciale à grand renfort de gros cadeaux (moutons à la vieille de la Tabaski, téléphones portables, etc.) qui sont naturellement pris en compte dans le calcul du prix de revient. En revanche, MoneyGram préfèrerait faire de petits cadeaux (stylos par exemple) dont le coût ne grève pas trop son prix de revient. Il semblerait ainsi que, compte tenu de sa faible part de marché, MG, à travers la BST, a décidé d’adopter une politique de coûts faibles pour attirer la clientèle (ils sont moins connus que WU).

Dans les deux cas, les frais d’envoi restent à la charge de l’expéditeur et la commission de transfert est répartie entre l’agent collecteur, l’opérateur du réseau et l’agent payeur.

Tout bien considéré, ne le nions pas, les transferts d’argent représentent une formidable manne financière pour tous les segments de la chaîne, à des degrés divers. Cela va sans dire pour les familles des émigrés sénégalais, mais ils constituent aussi une source d’entrée de devises très appréciable pour la balance des paiements.

Pour les banques qui le pratiquent, les transferts offrent également une importante source de devises. La majeure part des transferts provient de pays à devises fortes telles que l’Euro et le dollar US. C’est dans ces devises que les banques locales sont couvertes sur les opérations de paiement des transferts qui, eux, sont effectués en monnaie locale (FCfa).

Outre les commissions perçues sur les opérations de transfert, ces devises sont particulièrement utiles à ces banques locales dans le règlement de leurs opérations de commerce extérieur (règlement des importations pour le compte de leurs clients importateurs).

Les institutions de microfinance intervenant dans ce secteur ne profiteraient cependant pas de cette opportunité dans la mesure où elles sont obligées d’opérer sous le parapluie d’une banque dans laquelle leur compte est libellé en monnaie locale. Elles ne profitent en fait que des commissions de transferts. Il en serait de même des opérateurs intervenant sous le parapluie d’une banque locale, notamment Telegiros.

En somme, si le système offre un délai rapide d’exécution (moins de 15 minutes), une sécurité et une fiabilité, ainsi qu’une bonne couverture dans les centres urbains, il pêche par les coûts élevés des transactions surtout pour les faibles montants (-20%), et aussi une mauvaise couverture en zone rurale.

Lutte contre le blanchiment : Obligée

Quant à la lutte contre le blanchiment, cela fait partie des contraintes juridiques et réglementaires imposées aux opérateurs de transferts d’argent. L’activité de transfert d’argent est généralement classée parmi les activités financières, soumises au contrôle d’un organisme de tutelle. Dans la plupart des pays et c’est le cas au Sénégal, tous les acteurs intervenant dans ce secteur doivent avant de commencer leurs activités obtenir un agrément. Les réglementations locales prévoient des conditions pour la délivrance de cet agrément.

L’opérateur du réseau doit lui-même disposer d’un agrément délivré par une autorité de surveillance dont la notoriété ne souffre d’aucune restriction au plan mondial.

Le montant maximum d’un transfert applicable dans un pays donné, est déterminé en fonction des législations locales. Celles-ci peuvent différer d’un pays à l’autre. Il convient cependant de veiller au strict respect de ces réglementations au risque de se voir interdire d’opérer dans un pays donné.

Depuis maintenant quelques années, la lutte anti-blanchiment prend de plus en plus d’importance dans le contrôle des activités économiques et particulièrement financières. Cette lutte entraîne de nouvelles obligations pour les opérateurs de réseaux d’agents de transferts d’argent, tant au niveau de l’identification des expéditeurs et des destinataires de fonds, que de celui de la récurrence des transferts effectués par une même personne. Aussi, ces contraintes obligent-elles l’opérateur à prendre en compte cette mission de surveillance qui lui est déléguée en intégrant des processus de contrôle automatiques dans son système d’information.



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