ABUS DE CONFIANCE : Le marabout perd 2 millions de francs dans une histoire de visas

Le vieux Salmane Ndiaye est dans de sales draps, lui qui avait promis de décrocher des visas pour l’Europe aux talibés du marabout Cheikh Mbacké. Non seulement son co-prévenu, Pape Diop, nie avoir été sollicité pour des visas, mais le procureur de la République a préféré requérir à décharge contre ce dernier.

Dans cette histoire, il demeure constant que le marabout Cheikh Mbacké a déboursé deux millions de francs pour faire voyager ses disciples. Salmane, qui a connu Cheikh Mbacké par l’entremise d’un ami, reconnaît avoir reçu pour les formalités une avance de 500.000 francs pour chacun des quatre visas commandés, ce qui fait au total deux millions de francs. « C’est Pape Diop qui devait trouver les visas. Il avait exigé trois millions de francs par visa », déclare à la barre Salmane Ndiaye qui précise avoir remis les deux millions de francs au démarcheur. Ce dernier devait livrer les documents dans une vingtaine de jours. Le temps passe, le marabout ne voit pas les visas et, de guerre lasse, il saisit la justice au bout de cinq mois d’attente.

A la barre du tribunal des flagrants délits, Salmane Ndiaye n’a pas nié les faits, il s’est contenté de préciser que c’est Pape Diop, à qui il avait remis l’argent en deux tranches (500.000 et 1.500.000 francs), qui devait s’occuper des visas. Mais, sommé de s’expliquer, M. Diop sert au tribunal un discours aux antipodes du rôle que lui fait jouer son co-prévenu dans cette histoire. Pape ne nie pas avoir reçu de l’argent, mais il précise que le vieux Salmane lui a juste remis un total de 1.200.000 francs. « Cet argent, ajoute-t-il, c’était pour des registres de commerce, des cartes de commerce et un Ninea ». Ce qui est surprenant, c’est le montant exigé pour des documents dont les frais ne dépassent pas au total 476.000 francs comme a eu à le reconnaître le prévenu. Et puis, lui fait remarquer le président du tribunal, il n’y a aucune difficulté à obtenir un registre ou une carte de commerce jusqu’à solliciter un démarcheur payé royalement. « Je suis plus prompt à décrocher ces pièces », renchérit Pape Diop qui ajoute qu’il a déjà obtenu les papiers demandés et qu’il les aurait remis à Salmane Ndiaye.

Pour convaincre le tribunal, Pape Diop a brandi un document portant mention de toutes les dépenses effectuées et ajouté qu’il a déjà remis une décharge portant sur 400.000 francs à Salmane Ndiaye. Devant un co-prévenu qui s’arc-boute sur des documents, Me Ciré Clédor Ly de la partie civile a soupçonné Pape Diop d’avoir pris les devants en montant une histoire de cartes de commerce et en se dotant de documents y afférents pour mieux nier les sommes réellement reçues et la mission dont il était chargée. S’il s’agissait de cartes de commerce, ajoute l’avocat, Cheikh Mbacké n’allait pas quitter Touba pour Dakar puisqu’il peut obtenir facilement ces pièces à Diourbel. D’ailleurs, l’avocat accuse Pape Diop d’avoir scanné les photos d’identité des talibés pour se faire confectionner des cartes de commerce afin de parfaire son forfait. Convaincu que Pape Diop et Salmane Ndiaye ont commis un abus de confiance, Me Ly a demandé au tribunal d’allouer à Cheikh Mbacké la somme de cinq millions de francs à titre de dommages et intérêts.

Mais, étant donné que Salmane Ndiaye était l’interlocuteur du marabout, le procureur de la République a jugé plus prudent de demander au tribunal de renvoyer Pape Diop des fins de la prévention, d’autant plus qu’il nie les sommes avancées par la partie civile et son co-prévenu. Cependant, le ministère public a requis pour Salmane Ndiaye une peine de trois mois de prison assortie du sursis. Plaidant la bonne foi de M. Ndiaye, Mes Thioye et Diallo de la défense ont sollicité le sursis. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré à la date du 20 août prochain.