ESCROQUERIE Roulé par un guérisseur, le marabout perd 11 millions de francs

Une vieille affaire qui remonte à trois ans. À l’époque Tombo Badji un marabout établi dans la banlieue éprouvait d’énormes difficultés pour répondre aux sollicitations de ses clients venus le consulter. Sa vue baissait de jour en jour et finalement il lui était presque impossible de lire les versets du Saint Coran. Du coup, les talismans et autres amulettes qu’il aimait tant confectionner n’étaient plus disponibles au grand dam de ses nombreux clients éparpillés dans la banlieue. C’est alors qu’il reçoit un jour, la visite d’une vieille connaissance , un guérisseur du nom de Moussa Keïta. « C’est un collègue et il venait souvent me consulter », confie Tombo Badji qui a vu le jour en 1947 à Djagoper, dans le département de Bignona. C’est donc sans aucune gêne que le marabout s’est confié à son collègue pour lui parler de sa maladie. « Il m’a laissé entendre qu’il était en mesure de me soigner. À l’époque, je lui avais déclaré qu’il ne possédait pas ce pouvoir mais il a insisté », renseigne Tombo Badji au cours de sa déposition devant les enquêteurs de la police de Thiaroye. Quelques jours plus tard après d’âpres discussions, un accord est trouvé entre les deux hommes. Selon les termes de cet accord, Moussa Keïta allait dénicher un guérisseur et se charger de jouer les intermédiaires entre ce dernier et le marabout Tombo Badji. Ainsi plus d’une fois, selon Moussa Keïta, des décoctions préparées par le guérisseur furent livrées au marabout. Plus tard, toujours suivant les indications de Moussa Keïta, des sacrifices furent prescrits au marabout qui s’exécuta sans broncher. Pendant trois ans, il décaissa de l’argent pour acheter de l’encens à inhaler ou des brebis à immoler, si ce n’est pas des coqs de différentes couleurs à donner en aumône. Même de l’argent pour l’achat de boucs lui a été réclamé par Moussa Keïta. Et lorsque Tombo Badji se rendit compte qu’il avait mis toutes ses économies dans cette affaire sans constater une amélioration de sa vue, il demanda avec insistance à rencontrer le guérisseur. Sentant le vent tourner, Moussa Keïta, après avoir déclaré que son ami –guérisseur avait voyagé, finit par se fondre dans la nature. Conscient qu’il a été grugé, le marabout, accompagné de son neveu, dépose une plainte à la police de Thiaroye avant de s’en remettre à Dieu. Le commissaire Bachirou Sarr qui a hérité du dossier après son installation à la tête du commissariat de police de Thiaroye s’implique personnellement et lance les éléments de la section de recherches aux trousses de Moussa Keïta. Une traque qui a duré trois ans avant que le guérisseur –escroc ne soit localisé à Pikine-Tally-Bou bess. Le reste a été un jeu d’enfant pour les policiers de Thiaroye qui, après avoir placé le domicile de Moussa Keïta sous surveillance, l’ont finalement cueilli tard dans la nuit du mercredi 19 courant au moment où il regagnait tranquillement sa maison. Devant les enquêteurs, le guérisseur a reconnu les faits en soutenant toutefois n’avoir reçu des mains du marabout que la modique somme de 35.000 francs. N’empêche, Moussa Keïta âgé de 57 ans a passé la Tabaski au fond d’une chambre de sûreté à la police de Thiaroye avant d’être déféré au parquet le lundi 24 décembre 2007 pour escroquerie portant sur onze millions de francs.