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ABLAYE MBAYE, CHANTEUR- COMPOSITEUR: « J’ai été victime de la starmania »

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ABLAYE MBAYE, CHANTEUR- COMPOSITEUR: « J’ai été victime de la starmania »

Ablaye Mbaye aime chantonner et respire la bonne humeur. Et quand il fait les salutations, il ne perd jamais l'occasion de tâter votre main. Est-ce une manière d'affecter un visage à la personne qu'il touche ? C'est son côté collant, explique-t-­il. Entré en musique à l'âge de 15 ans, le chouchou des quartiers Médina et Fass est du genre spontané. De ses débuts à ses succès les plus fous, le jeune homme assure que l'envie de faire la star ne l'a jamais tenté. Quand il revient sur ses compositions, c'est pour faire part de la satisfaction grandissante qu'il en tire. A cœur ouvert, le chanteur non-voyant revient sur certains aspects de sa vie et de sa carrière.

Walf Grand-Place : Qu'est-ce qui explique votre longue absence du marché de la musique?

Ablaye MBAYE : Les gens confondent absence et sortie de cassettes. Concernant l'absence, il faut noter que même si ce n'est pas fréquent, il m’arrive d'aller en boîte, Suivre quelques spectacles. Et, quand je sens qu'un morceau de l'artiste me plaît, je monte sur scène pour chanter avec lui. Donc, je n'ai pas le sentiment d'être absent de la Scène. Pour ce qui est d'un nouvel album, il est vrai que cela fait quatre ans que je n'en ai pas produit, mais dites-vous bien que c'est une straté­gie. Car, à mon avis, quand on met sur le marché un bon produit, un travail remarquable, il faut laisser le temps aux gens de bien s'en délec­ter, de bien savourer le menu. Je signale que j'ai sorti récemment un single qui n'est pas à vendre. Je l'ai sorti pour une cause bien déterminée.

Est-ce à dire que vous avez eu une satisfaction personnelle en ce qui concerne votre dernier album, car cela fait quatre ans qu'il est sur le marché?

Je pense que cet album Mag na a répondu à son titre. Car, c'est après quatre années d'absence que j'ai sorti cet album. Et, il faut signaler que le titre de l'album traduit d'abord ma maturité, et aussitôt après, j'ai commencé à jouer dans les boîtes de nuit, au centre culturel français. Puis, je suis reparti en France, car j'avais des choses à y ter­miner, et j'ai forme un groupe qui s'appelle Ngalou. J'en ai profité per­sonnellement ainsi que je public qui me voyait jouer en live. L'autre chose, c'est que tous les artistes étaient d'avis que j'ai amené une nouvelle touche originale dans la musique sénégalaise. Et, à l'unani­mité, tous les confrères sont d'ac­cord que j'ai bien travaillé. Ce qui est une grande fierté pour moi. Le troisième point, C'est qu'après la sortie du l'album en 2005, un mor­ceau de la cassette a servi de musique de campagne à beaucoup de candidats à l'élection présiden­tielle. C'est le morceau «Sunu rew », qui a fait un tabac lors de cette campagne électorale. Il a été repris lors des élections locales 2009, ce qui prouve qu'il était toujours au diapa­son. Et, je suis d'accord pour qu'on lui cherche un « petit frère», j'en suis parfaitement conscient.

Vous êtes resté longtemps en France, pourquoi un séjour si long ?

Non, je ne me suis pas installé en France. Je pense que si je m'y étais installé, je ne serais pas là. Il y a beaucoup de chanteurs qui se sont installés là-bas, et ils ne sont plus revenus. Ils viennent seule­ment pour des vacances ou faire la promotion de leur album et repar­tir. Pour mon cas, j'y étais pour apprendre et c'est d'ailleurs ce qui explique cette nouvelle touche reconnue par tous les artistes de la place. J'ai collabore avec des musi­ciens qui ne sont pas de la même culture, la même éthnie que moi, et cela m'a permis d'innover. J'ai beaucoup joué et tourné avec ce groupe français. C'est vrai que j'ai vécu là-bas quatre ans, et je jouais avec des Blancs. Mais je suis revenu. Parallèlement à cela, je bougeais entre la Belgique, le Maroc, et presque dans toute l'Europe. Je suis parti en France pour un but bien déterminé. Je l'ai atteint et je suis revenu, car c'est ici mon pays.

Et qui écrit vos textes ?

La personne qui est en face de vous (lui-même, Ndlr). On dit que dans la vie, chaque jour est une leçon. L'apprentissage se fait chaque jour.

Vous assurez avoir la tête sur les épaules. Ne vous est-il jamais arrivé de vouloir faire la star

Si je ne me trompe pas, cela m'est arrivé une fois après la sortie de l'album Nila démé. Comme j'étais aimé dans tout le quartier, les gens ont fini par croire que je faisais la grosse tête, car je n'avais plus ce temps que je leur consacrais. je n'étais plus aussi fréquent comme avant, à discuter avec eux, à être toujours là. Ils ne l'ont pas très bien compris et ce fut une interprétation qui m'a mis mal à l'aise. C'est d'ail­leurs la raison pour laquelle j'ai voulu me rattraper dans l'album Sopé yi, où j'ai rendu hommage aux Fassois. J'ai vite fait comprendre aux gens que je ne les négligeais pas. Loin s'en faut. Ils m'ont sou­tenu dans le quartier et dans mon pays. J'ai été victime de la starmania indirectement, mais jamais partisan.

Mon manager Jacques m'a vu grandir et lui me connaît très bien. Il peut vous dire si je me suis une fois emballé par rapport a ma carrière d'artiste, en faisant la grosse tête.

Quel âge avez-vous?

Quel âge me donnez, vous ? (Il hésite et sourit). J'ai 29 ans, mais mag na dé (J'ai grandi). Tout dépend de l'environnement ou l'on évolue et des gens comme Jacques ne me laisseront jamais faire ce que je veux, quand il s'agit du bêtises. J'étais contrôlé comme du lait sur le feu. Ceux qui m'entouraient étaient plus âgés que moi et savaient les dangers que pouvait représenter le succès pour l'artiste. Ce qui était mon contraire, car j'étais jeune. C'est que chaque personne a des défauts, mais ils m'ont rendu un grand service.

Pour en revenir à votre carrière. A l'entame qu'est-ce qui vous avait incité à faire de la musique?

Par amour, c'est juste par amour que j'ai fait de la musique. C'est un art qui ne triche pas, quand on ne l'aime pas, on n'y dure pas. Y entrer pour gagner de l'argent ou se faire connaître, c’est se fourrer le doigt dans l’œil.

En plus, je suis une personne qui a toujours tenu à ce qu’on cite mon nom comme quelqu’un qui a excellé dans un domaine. J'ai toujours nourri l'ambition d'être connu pour le bien que je fais. Aujourd'hui, si j'étais footballeur, j'aurais tout fait pour être connu comme un grand joueur.

C'est pour cette raison que, sachant tout l'amour que je porte­ pour la musique, j’ai décidé de m’y lancer,dans l’intention d’aller davantage de l’avant.

Mais vous avez été à l'école ?

Oui, j'ai étudié, mais je me suis arrêté en classe de Cml. Mon maître m’avait promis de me battre, c'est pourquoi j'ai arrêté, j'ai très peur des coups. Honnêtement, les études ne m'intéressaient pas et mon maître me le reprochait tout le temps. Il me disait que je faisais partie des plus intelligents de la classe, mais que je préférais me consacrer à imiter des chansons de Youssou Ndour, Thione Seck, lsmaël Lô et tant d'autres. C'est pourquoi, je suis allé jouer dans cette école une fois, je l'ai rencontré et il m'a beaucoup féliciter, me disant que ce que je suis devenu ne le surprend guère. Durant les compositions, j'avais les meilleures notes en chant.

Pourtant vous vous exprimez bien et aisément en français. Comment cela se fait-il ?

Vous savez, j'ai vécu pendant trois ans avec mes copains musiciens dont je vous ai tantôt parlé en France. On ne parlait que français, c'est juste quand je rendais visite aux amis sénégalais que je parlais wolof. De retour au Sénégal, j'en étais même arrivé a un moment où Jacques m'a fait la remarque selon laquelle ce que je dis n'est pas du français. Je parlais du français verlan et je ne pouvais pas m’exprimer avec devant des personnes responsables et respectables. Le français que j'ai appris à parler en Europe, c’est celui de la rue, la «racaille». C'est ainsi que, je me suis rectifié peu à peu. C'est vrai, vu mon niveau d'études, cela peut étonner certains.

N'avez-vous pas regretté d'avoir arrêté vos études ?

Je ne le regrette pas parce que je me suis tourné vers quelque chose que j'aime. Je fais plaisir à des gens que je connais même pas. Certains me voient et pleurent parce qu'ils adorent ce que je fais...

On remarque quand même que beaucoup de musiciens ne pour­suivent pas leurs études et s'en glo­rifient. Ne pensez-vous pas qu'il est temps d'arrêter de se glorifier d'un échec scolaire?

Bon, personnellement, je n'en suis pas fier. Mais, je vous dis ce qu'il en est. Je vous ai donné les raisons qui m'ont poussé à arrêter et Dieu merci, je m'en sors très bien dans ce que je fais. Nous artistes, nous tenons à ce que les enfants étudient, c'est très important d'apprendre. Mais, mon destin à moi a été autre et je n'aimais pas les études. Quand j'ai arrêté, je ne pouvais pas le dire à mon père. J'ai envoyé quelqu'un pour qu'il le lui dise. Je me suis lancé dans la musique, et quand mes parents ont su que j'étais très sérieux dans mon choix, ils m'ont encouragé et ont prié pour moi.

Dans Mag na, vous avez dit que votre mère voulait un fils. Est-ce à dire que vous êtes son aîné ?

Non, je ne suis ni l'aîné ni le cadet. «Dama racc jëmalé sama kanam» (j'ai tiré la couverture à moi). Si j'avais été une fille, j'aurais parlé d'une fille. Je n'en ai jamais discuté avec ma mère, mais bon ce que je sais, c'est que quand je suis né avec un handicap, elle l'à accepté et l'a pris positivement. C'est le croyant qui accepte le coup du destin, mais c'est le pur croyant qui l'accepte. Ma mère est une femme exceptionnelle. C'est vrai que le fait que je ne sois pas né voyant l'a affecté, et c'était normal. Parce qu'aussi, il n'avait jamais eu un enfant né avec un handicap. Quand elle a su qu'elle n'y pouvait rien, elle l'a accepté. D'ailleurs, elle m'a beaucoup chouchouté, ne vou­lait jamais que l'on me fasse du mal.

Comment s'est passé votre enfance vu que vous étiez handi­capé visuel ? Est-ce facile pour un enfant ?

Un enfant. c'est un enfant. j'ai passé une enfance normale. C'est quand on grandit que l'on se rend vraiment compte de certaines choses. C'est vrai que je n'ai jamais pu voir ma mère, mais ça ne m'a jamais chagriné ni fait mal. Je lui montre mon affection comme elle le fait aussi. Je la taquine, on discute et elle m'accorde beaucoup d'atten­tion, comme à tous les autres mem­bres de ma famille d'ailleurs. Et puis, comme je n’ai jamais pu voir, je ne peux pas m'en plaindre. On ne peut pas avoir la nostalgie de ce qu'on ne connaît pas. Ceci est tout à fait naturel. Mon handicap ne m'a jamais dérangé.

Une fois, je vous ai vu jouer avec Jean-Philippe Rykiel du groupe Xalam II. Quels sont vos rapports ?

C'est comme un frère à moi, il est aussi sentimental que moi. Si les gens ont tant aimé le morceau «Mag na», je le lui dois en partie. Il y a joué et c'est un monsieur très talentueux, qui aime ce qu'il fait. Je l'estime beaucoup. À chaque fois que je suis à Paris, on s'appelle, il arrive même que je me rende cher lui. D'ailleurs, on a fait des compositions ensemble qui ne sont pas encore sorties. On s'entend très bien artistiquement. Pour preuve, la première fois qu'on a passé un après-midi ensemble, on a composé quatre morceaux.

Comment vous êtes-vous connu?

En matière de musique, on n'a pas besoin d'être de la même géné­ration pour se connaître, s'entendre ou travailler ensemble. La première fois que je l'ai rencontré, c'était aux Almadies chez Youssou Ndour et cela fait dix ans. J'ai toujours sou­haité le rencontrer. Ce jour là, je l'ai trouvé en train de manger et quand l'épouse de Youssou a prononcé son nom en lui donnant une cuil­lère, grand You m'a dit : «mais juste­ment, Ablaye, je ne vous ai pas pré­senté à Rykiel». C'est comme cela qu'on s'est connu et lui aussi m'a dit qu'il entendait parler de moi et a toujours voulu faire ma connais­sance. Je me suis approché de lui et je lui ai posé beaucoup de ques­tions vu que ce qu'il fait m'a tou­jours enchanté. Depuis lors, on a de très bons rapports.

Aissatou THIOYE & Lalla CISSOKHO
Source Walf Grand Place



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