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AWA SÈNE SARR, ARTISTE COMÉDIENNE « Même si je résiste au temps, la vieillesse est magnifique »

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AWA SÈNE SARR, ARTISTE COMÉDIENNE « Même si je résiste au temps, la vieillesse est magnifique »
On ne la présente plus. Awa Sène Sarr, l’une des grandes comédiennes sénégalaises, a fait divaguer des esprits à travers de célèbres pièces théâtrales. Plus de 25 ans de métier ne semblent pas avoir émoussé le savoir-faire, ni la passion, encore moins la fraîcheur de cette grande dame. Elle nous livre ici sa botte secrète pour résister au temps.

Pouvez-vous nous dresser votre parcours, de votre enfance à maintenant ?

Tout d’abord, je vous remercie de cet entretien. Cela prouve, encore une fois, que nous sommes toujours dans le milieu de l’art et ce que l’on fait intéresse toujours les Sénégalais. Partout où l’on est dans le monde, nous ne pensons qu’à apporter notre contribution à ce qui se fait dans notre pays. En ce qui me concerne, je suis née ici au Sénégal. J’ai été éduquée par mes deux parents qui m’ont donné beaucoup d’amour et m’ont inculqué des valeurs comme le sens du partage et de l’amour du prochain. J’ai passé mon enfance à Pikine où j’ai suivi une partie de mes études primaires et secondaires. Par la suite, j’ai fait l’Institut national des Arts et j’ai finalement atterri au Théâtre national Daniel Sorano. Mais avant cela, j’ai suivi, pendant deux années, des cours de capacités en Droit. Car j’ai toujours voulu devenir avocate. Et puis, j’ai viré de l’avocate à la comédienne.

Qu’est-ce qui vous a donc détourné de votre inclination pour le Droit ?

Un jour, alors que nous étions à l’amphithéâtre de l’université, une amie qui se prénomme Aïda Diop et moi avons vu une annonce à travers un journal. Cela parlait justement de l’Institut des Arts. Et c’est comme ça que je suis allée me renseigner et m’inscrire ensuite.

Votre entrée dans le monde artistique était alors un hasard…

Je me dis que le hasard n’existe pas. Il y a des choses qui alimentent ton imaginaire et dont tu ne t’en rends même pas compte. Mais, j’ai probablement vu des gens qui m’ont influencée de manière inconsciente. D’où ce virus pour l’art. J’avoue quand même que quand j’ai fait le concours de l’institut, je n’avais pas vraiment un repère sûr. Mais quelque part en moi, je sentais que je tenais le bon bout.

Comment s’est passé votre intégration dans ce milieu ?

À notre époque, ce n’était pas très évident de faire du théâtre. Il y avait des étudiants qui étaient à l’Ecole nationale des Arts, mais leurs parents n’étaient pas au courant de cela. Pour vous dire que ce n’était pas vu d’un très bon œil. Mais, heureusement, ce n’était pas mon cas, même avec le fait qu’il n’y avait pas d’artistes dans ma famille. Quand j’ai appris à mes parents mon ambition de m’inscrire à cette école, ils n’y ont vu aucun inconvénient. Bien au contraire, ils m’ont dit de foncer, du moment que j’étais sûre que cela ferait mon bonheur. C’est pourquoi, je ne les remercierai jamais assez de m’avoir permis d’embrasser ce métier qui m’a apporté énormément de bonheur. C’est grâce à leur compréhension que je me suis vite adaptée.

Que retenez-vous de cette expérience ?

J’ai été pensionnaire au Théâtre national Daniel Sorano et je continue à l’être, depuis 25 ans. J’ai eu la joie de participer à pas mal d’aventures artistiques qui s’y sont déroulées. Également, je crois avoir fait partie d’une génération qui a eu la chance de bénéficier d’un apport africain. À l’époque, on faisait des films partout en Afrique. Pour ma part, j’ai eu l’opportunité de faire un film en Guinée, au Burkina et en Côte d’Ivoire. En 1999, j’ai été nommé par Ousmane Diakhaté, chargée des relations publiques et du marketing, cela a été très bénéfique pour moi.

Pourquoi vous être installé en Belgique, est-ce un exil ?

Pour parler du pas que j’ai enjambé de l’autre côté de l’Atlantique, précisément en Belgique, c’est plutôt une affaire d’affection qu’autre chose. Mon mari est de nationalité belge, il travaille dans le domaine de l’art. Il est metteur en scène. Nous menons ensemble des activités similaires.

Vous êtes une femme de Culture, que faîtes-vous de concret pour la promotion de la Culture africaine ?

Une culture, on l’a en soi, on l’intègre partout où nous allons. Récemment, nous avons joué, de novembre à décembre, une pièce qui parle des problématiques en Afrique. Cette pièce a très bien été accueillie. Tous les soirs, nous jouions dans une salle comble. Quand je m’apprêtais à venir à Dakar, on m’a envoyé une programmation jusqu’en 2010. C’est vous dire à quel point l’Afrique intéresse les autres. Donc, on essaie tant bien que mal de porter haut notre culture et on la défend par tous les moyens. Chaque enfant du continent et de la diaspora doit apporter une pierre à l’édifice. C’est ce que je tente de faire modestement à Bruxelles, en montrant qu’il y a une Afrique positive. Où les gens ont envie de faire des choses utiles. Nous avons mis en place une «Isebel» (scénario belge) qui s’appelle «Lébone», c’est la formule introductive du conte. C’est une manière de dire : «Avez-vous envie de partager mon histoire» et le public répond : «Lipone.»

Et votre talent vous a mené jusqu’au Festival de Cannes…

Je disais tantôt que le hasard n’existait pas, mais il y a des concours de circonstances qui font que tu te trouves à un endroit au bon moment. J’ai eu la chance de participer à cette aventure «Kirikou et la sorcière» qui a été primée en 2005 au Festival de Cannes. J’avais prêté ma voix pour faire la sorcière et donc j’ai été invité à ce festival. C’était pour moi un moment inoubliable et assez impressionnant de toute ma carrière d’artiste, de faire les marches de Cannes.

Y a-t-il d’autres aventures qui vous ont autant marquées ?

Il y en a beaucoup. Parmi tant d’autres, le Théâtre national Daniel Sorano compte et comptera énormément pour moi. Ce que j’y ai vécu, ce sont des choses qui ne se dilueront jamais dans ma mémoire. Je ne cesse de dire mon théâtre, égoïstement, comme s’il m’appartenait à moi toute seule, parce que cela fait partie de ma vie. Toutes les autres aventures que j’ai partagées avec d’autres artistes africains m’ont aussi beaucoup marquée, comme feu Henri Dupark de la Côte d’Ivoire et feu Ousmane Sembène avec qui j’ai travaillé dans son dernier film. Il y aussi Wiliam Mbaye, Moussa Yoro Bathily et des comédiens qui ont été mes partenaires.

Quelle est, justement, votre référence ?

Je garde beaucoup de respect et d’admiration pour certains artistes, tout en ayant mon identité personnelle. Quand je suis arrivée toute vierge dans ce domaine, je n’avais pas de références. Mais, j’avais en main ma formation. J’ai été formée et à bonne école par des professeurs très chevronnés, dont Jacqueline Lemoine, Farba Sarr, Douta Seck et bien d’autres. Ils m’ont transmis des connaissances pour exercer mon art. Au niveau du théâtre, j’ai été fascinée par tous mes collègues.

Que pensez-vous de la nouvelle vague de comédiens, de la trempe de «Sanekh» ou encore «Serigne Ngagne» et autres ?

Je n’ai pas tellement suivi cette nouvelle mouvance. Ils sont arrivés au moment de mon départ pour la Belgique. Certainement, ils font de belles choses. Quand je vois des jeunes qui font du théâtre, je ne peux que les encourager, car le théâtre est un art difficile et compliqué. Alors, si les gens vont vers ça, c’est parce qu’ils ont des choses à raconter. Toutefois, tout ce que je peux dire sans pour autant donner de conseils ou être moraliste, c’est qu’il faut toujours s’armer d’outils pour pouvoir faire un métier. On ne peut pas se lever un matin et vouloir devenir un bon maçon, technicien, ingénieur ou journaliste sans cela. Idem pour le comédien. Si vous regardez bien, le comédien est l’un des artistes qui n’a pas ses propres instruments en main. Le peintre a son pinceau, le musicien sa guitare, le comédien n’a que ses émotions, sa voix, son âme, son corps, sa gestuelle. Il faut savoir les manier pour donner au public quelque chose de vrai et de sensible. Aussi, le théâtre est balisé dans des expressions plurielles. Il y a la comédie, la tragédie, l’humour. Donc, on ne peut pas se cantonner dans un seul genre et dire que ça, c’est la forme théâtrale.

La comédie nourrit-elle son homme ?

Cela dépend de quelle nourriture on cherche. C’est un métier qui donne énormément de plaisir. On gagne beaucoup à rencontrer et à échanger avec des gens. C’est comme une passion en quelque sorte. D’ailleurs, il est rare de voir un artiste se libérer de son art pour aller faire autre chose pour gagner plus d’argent. Si on résonne en termes de monnaies sonnantes, je dirais que l’artiste ne gagne pas comme il le devrait. Tous les artistes vous le diront, nous sommes plus vers la passion. Nous sommes conscients du fait que nous avons choisi un métier où il y a de la précarité.

Suivez-vous l’actualité politique au Sénégal ? Si oui, que pensez- vous du fait que le Président Wade veut se faire succéder par son fils ?

Je ne suis pas informée de cela et je ne peux rien y dire. Je n’ai vraiment pas suivi les débats. J’avoue que je suis plus calée sur l’actualité culturelle.

Vous devez alors être au courant de la montée en puissance d’artistes féminins sous nos cieux ?

Oui, il y a Viviane, Titi, Coumba Gawlo.

Avez-vous une préférence entre ces trois chanteuses ?

À vrai dire, je n’ai pas de préférence. En matière d’art, je soutiens toute action positive. Quand il y a de la saine concurrence, cela permet de se surpasser. Chacun se bat pour faire mieux que l’autre, aller au- delà de la qualité. Je pense que c’est le public qui y gagne. C’est différent de la concurrence stérile où on se crêpe les chignons, s’insulte.

Quels sont vos hobbies ?

J’aime bien la lecture. Lire c’est s’approprier des connaissances, même si on n’a pas des compétences dans certains domaines et on se cultive. J’adore aussi le sport qui permet de se maintenir et d’être en harmonie avec soi-même.

Vous-vous maintenez. Est-ce à dire que vous avez peur de la vieillesse ?

Non, pas du tout ! La vieillesse, c’est le temps qu’on parcourt. Même si je résiste au temps, la vieillesse est magnifique. C’est tout ce que l’on a appris tout au long de notre vie.

Des projets dans l’immédiat ?

Informer les autres artistes du monde qu’en 2009, il y aura un événement important qui se passe au Sénégal et qui est le Festival des Arts Nègres. Je compte organiser, en collaboration avec l’ambassade du Sénégal en Belgique, des activités pour regrouper la communauté artistique africaine qui s’y trouve.

MARIA DOMINICA T. DIÉDHIOU & IDRISSA SANÉ



1 Commentaires

  1. Auteur

    Fan

    En Novembre, 2011 (16:29 PM)
    awa séne sarr je l'ai connue quand j'étais étudiante, à l'époque c'est Ousmane diakhaté était notre professeur en esthétique des genres

    on allais souvent à à Sorano pour voir les prestations théatrales

    je t'admire beaucoup Awa

    Bon courage
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