La Casamance est dépositaire d’une diversité culturelle très riche, variée et influente. Ce génie casamançais s’est aussi manifesté dans la création de cet être mythique appelé “Koumpo” qui entre dans la liturgie des masques mais malheureusement est en perte de vitesse.
Etymologiquement le mot Koumpo signifie en langue mandingue le doute «dans le sens du secret». Ceci, en référence à son masque. Cet être culturel mandingue, né dans l’espace mandingue est la rencontre du Nama mandingue et du Kossé Bainouck. Ce “Koumpo” est fondamentalement différent du kankourang. Seulement, cet être né du syncrétisme spirituel et culturel remarquable grâce au génie du peuple mandingue incarne l’esprit du bois sacré mandingue. Sa création est venue renforcer les multiples cultes du panthéon mandingue. Il est aujourd’hui adopté par les Joola du Fogny et du Karone et les créoles de la Guinée Bissau suite à la présence du groupe mandingue dans cette espace. Il se présente sous la forme d’un être couvert des pieds à la tête avec de longues feuilles de rônier, inscrit dans la liturgie du masque. Cet habit confectionné par des initiés avec tout le sérieux requis, fait du “Koumpo” un être sans visage, un être transfiguré débarrassé de son enveloppe charnelle. Ce qui fait dire à Djindé Koma que «l’individu qui entre dans la peau du Koumpo perd son ego pour se muer en esprit». Il ajoute que «son enseignement est lié à la justice et à la morale sociale fondée sur l’union du corps et de l’âme». Ainsi, dira –il «son masque devient un instrument réceptacle de sacrilège et agent de sacralisation». Cet être mythique apparaît le plus souvent pendant la «traite» ou période de commercialisation en Casamance plus particulièrement dans la région de Ziguinchor et en Guinée mais également en période de claire de lune pour rendre sa sortie qui est un événement, plus populaire. Tout le monde peut le voir mais attention les non initiés et les femmes doivent se tenir loin. A cette occasion, il danse sous forme de tourbillon au son des tam-tams qui sont le jilang, le kutiriding et le kutiriba avec des applaudissements assurés par les femmes. Des instruments hérités du groupe Diola plus particulièrement les Joola Kinar (les Bafeada) et qui fait la fierté des mandingues lors des festivités marquant les cérémonies dans le milieu mandingue. Il est également entouré d’un groupe d’initiés armés de bâtons. L’acteur qui entre dans son personnage connaît lui aussi une transe à laquelle le public averti reste insensible. Les adeptes de ce “Koumpo” sont des troubadours hors pairs dotés de pouvoirs surnaturels qui leur permettent de transférer leur fatigue sur les spectateurs ou dans le sol à l’occasion de l’organisation de leur fête. Selon certains gardiens de la tradition, les meilleurs “Koumpo” de tous les temps furent les célèbres Kabounké des noms de Téréma Sonko et de Faye Sano dit Koumpa Faye qui ont réellement marqué la première moitié du 20ème siècle. Mais, depuis des décennies maintenant, cet élément de la culture mandingue qui jadis avait une part importante et fondamentale, composante dominante et sensible dans la vie des peuples de la Casamance, a perdu tout son caractère sacré et mythique du fait de l’agression culturelle venue d’ailleurs. Ce qui fait, qu’aujourd’hui, sortir le “Koumpo” n’est plus à l’ordre du jour. Il ne reste que quelques poches de résistance encore dans certains villages tel que Ouonk dans le département de Bignona qui demeure le gardien de notre système traditionnel.
Article paru dans La Voix Plus
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