DES TRANSHUMANCES AUX PARENTÉS A PLAISANTERIE : Les véritables fondements des relations multiculturelles

L’Amicale des femmes du siège de l’Asecna (Afsa) a organisé samedi 15 juillet dernier, à l’aérogare des pèlerins, une conférence sur « Les relations interpersonnelles dans un environnement multiculturel ». Animée par l’historienne Penda Mbow, cette rencontre a permis d’évoquer les facteurs de cohésion ou de division communautaire en Afrique.

« Ce qui représente l’individu ce sont des traditions. C’est une histoire, ce sont des héritages, c’est un ensemble complexe. Naturellement, pour évoquer les relations interpersonnelles, en tant que qu’historienne, je ne peux pas ne pas convoquer l’histoire ».

Penda Mbow a ainsi introduit le thème de la conférence axée sur « Les relations interpersonnelles dans un environnement multiculturel ». Pour expliquer une perception très souvent faussée, portée sur le continent et ses habitants, du fait de son histoire et de la manière dont celle-ci a été consignée. Penda Mbow parle d’abord de la compréhension de l’histoire du continent.

Les Africains ont été manipulés scientifiquement car confrontés à des préjugés liés à la race, à l’invention d’une Afrique primitive, figée dans sa tradition et ses ethnies, ou encore à l’affirmation selon laquelle l’histoire commence avec l’écriture. « Les peuples qui n’ont pas d’écriture n’ont pas d’histoire, alors que l’histoire de l’Afrique est antéhistorique », a indiqué Mme Mbow. Une problématique à aborder en distinguant plusieurs temporalités relevées à travers les entités géographiques qui forment le continent.

Au cours de son évolution, l’Afrique a été le théâtre d’échanges commerciaux entre le Nord et le Sud avec comme conséquences un remodelage des paysages, des croyances et des systèmes politiques et sociaux.

Ces échanges, sous forme de troc pour la plupart (esclaves, sel, or…) ont remodelé les paysages, les croyances, les systèmes sociaux et politiques, produisant également une Afrique plurielle où se sont multipliés les laboratoires d’expérience humaine. La mobilité, notamment de certaines communautés comme les Dioulas, présents dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, explique l’importance de la langue mandingue sur le continent.

A côté de cette mobilité physique existe aussi une mobilité identitaire et en fonction des apports, des ethnies absorbent et excluent. C’est-à-dire tout un processus visant à se réapproprier ce qui vient de l’extérieur à « l’indigénisité », renvoyant au triptyque senghorien : « identité culturelle, développement culturel et dialogue des civilisations », a indiqué Penda Mbow. La question de l’enracinement n’excluait pas l’ouverture, car l’Afrique est d’abord un lieu d’origine.

Elle se définit comme un espace et non pas comme un patronyme. A l’instar des migrations peules et de leur présence de l’Afrique de l’Est et de l’Ouest, qui s’explique par la manière dont certains peuplements se sont faits.

Par ailleurs, les fondements culturels du continent s’expliquent par l’existence du matriarcat, d’où l’importance de la femme qui a découvert l’agriculture et a été la première à semer la graine, influençant ainsi la sédentarisation à nos sociétés. Ce qui démontre l’existence du système matrilinéaire de transmission des droits, qui s’est beaucoup développé. Les autres systèmes, notamment celui de patriarcat, ont été introduits en Afrique, du fait de l’islamisation, de la colonisation et de la christianisation.

Facteurs de rapprochement

Du côté des langues africaines également, il existe une parenté, tout comme à travers les patronymes. C’est ainsi que l’on retrouve les Camara au Mali, qu’un pacte lie avec les Keïta, renvoyant ainsi aux différents clans qui se sont réunis autour de Soundjata Keïta pour fonder l’Empire du Mali. Ou encore les Fall du Sénégal qui sont des Sidibé au Mali.

La parenté à plaisanterie cimente les relations au point d’y avoir recours pour désamorcer des crises. La culture est aussi un facteur d’intégration et de convergence et aussi le sport, dans une moindre mesure.

Une manière pour l’historienne d’évoquer le caractère artificiel des frontières en Afrique. Les relations interculturelles, du fait de la colonisation, avec l’introduction d’un système de hiérarchie de classe au détriment de celle fondée sur les clivages d’ordres et de castes, n’ont pas permis de favoriser des attitudes solidaires.

Néanmoins, des solidarités interculturelles existaient de manière imparfaite, au niveau de l’immeuble, du quartier, du village ; les discours généraux pouvant laisser la place à des formes d’entraide. Cette solidarité interculturelle peut prendre plusieurs formes et plusieurs niveaux. Par exemple, des mariages inter-religieux, qui se fondent sur des discours qui excluent l’autre, suivant son appartenance confessionnelle. L’école offre par ailleurs un lieu de solidarité extrêmement solide, a expliqué Penda Mbow, évoquant les premières élites africaines qui se sont côtoyés à l’Ecole normale William Ponty, au Prytanée militaire ou encore à l’Université de Dakar.

Les repas intercommunautaires permettent également une meilleure intégration et contribuent au dialogue inter-religieux, tout comme les mariages mixtes inter-africains. A ceux là s’ajoutent les influences en matière d’habillement, de bijoux, d’artisanat d’art ; autant de facteurs qui contribuent à établir des échanges interculturels et à construire des solidarités.

Dans une structure comme l’Asecna où près de dix-huit nationalités se côtoient, thème ne pouvait être mieux trouvé. Le débat qui a suivi la conférence a permis d’évoquer d’autres pistes de réflexion et des modèles de relations intercommunautaires fondés sur la solidarité et aboutissant à une meilleure intégration.

Pour clôturer la rencontre, une dégustation culinaire de mets des différents pays d’où proviennent les différents agents travaillant au siège de l’Asecna, a été offerte. Un repas intercommunautaire, qui est également facteur d’intégration.