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[ CONTRIBUTION ] Hommage à Amadou Clédor Sall

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[ CONTRIBUTION ] Hommage à Amadou Clédor Sall
L’usage et les convenances sociales invitent généralement à ne dire que du bien des disparus, quitte à leur inventer des vertus. Avec Amadou Clédor mon grand aîné et beau frère, nul besoin d’inventer ou d’enjoliver. Chez Clé, comme on l’appelait affectueusement, tout était beau et fin : le port, les traits, jusqu’aux gestes  que soulignent ses mains d’une extraordinaire finesse.  Il appartenait à la race des seigneurs. Ceux chez qui tout est distinction, élégance et dignité.  C’était un homme à la fois doux et fort ; le genre de personnage en présence duquel on sent et on se dit : «jamais  aucun mal  ne me viendra de lui ». Tant il était rassurant ! La seconde impression est  l’aristocratie naturelle qui se dégageait de sa personne. Pas de cette aristocratie flamboyante et qui écrase mais de celle qui enveloppe, protège et donne à son vis-à-vis  l’envie de se réajuster à la noblesse du cœur et de l’esprit. C’était cela Clédor…Un homme de bien, dans le sens où on l’entendait au temps des Garmis et  Torodos de la belle époque. Ce qui n’enlevait rien à son adaptabilité au monde moderne.

Clé, mon beau grand beau frère, laisse  moi te raconter car belle est ton histoire. Amadou Clédor Sall est né à Tekane en 1932.  Il révèle dans ses notes qu’il avait bien voulut me confier que  son père mourut peu après sa naissance et que sa mère Aissata Sall  « n’a rien épargné  pour faire de lui l’homme qu’il est devenu. Apres des études primaires et secondaires, il entre dans l’enseignement comme on « entre dans les ordres » religieux ou militaires. Il en  gravit tous les échelons  pour devenir Inspecteur d’enseignement puis, consécration suprême, Secrétaire général du ministère de l’Education nationale.  Un tel itinéraire paraitra naturel pour un fonctionnaire ordinaire mais Clédor devra son ascension à ses qualités morales et un sens irrépressible de la justice. En atteste ce qui est comparable à un haut fait tiré de ses archives personnelles qu’il eut la bonté de me confier.  Pour avoir protesté avec vingt des ses collègues  negro mauritaniens, tous membres du puissant SUEM (Syndicat unique des enseignants de Mauritanie) contre les mutations arbitraires racialement motivés par le gouvernement Ould Daddah, en 1966, Clédor rencontra son ministre de tutelle, Ely Ould Allaf afin que justice leur soit rendue. Il n’y avait aucune raison qu’un  enseignant comme lui, originaire de Rosso, au Nord du Sénégal,  soit muté à Tidjika, situé à plusieurs centaines de km, loin de sa mère dont il était le soutien. Le ministre, impressionné par la prestance et la détermination de Clédor, lui proposa discrètement, non seulement de  le réaffecter  auprès des siens mais de le faire nommer Inspecteur d’enseignement dans la région de Nouakchott. Clédor, après avoir remercié son ministre lui fit comprendre qu’il n’accepterait aucun traitement de faveur tant que le cas de ses dix neuf autres collègues  ne serait pas examiné. Quelle belle leçon de patriotisme et d’intégrité morale pour la jeunesse africaine en quête de repères.

Cette rigueur vaudra à Clédor d’être Secrétaire d’une demi douzaine de ministères stratégiques dont celui de la Fonction publique, de l’Intérieur et celui de la Santé où il se fera remarquer par sa lutte contre le tabagisme des jeunes. Cumulativement à ces fonctions, il sera President de Conseil d’Administration de nombreuses sociétés nationales.

Tout au long de sa carrière d’enseignant Clédor s’évertuait pendant les vacances scolaires à pousser ses adjoints aussi bien que les élèves à l’amour de la lecture qui, selon ses propres mots « permet de savoir ce qui se passe dans le monde, de connaître l’histoire de l’humanité et celle de son pays, de comprendre l’évolution du monde, l’histoire des peuples et des civilisations, des mœurs et coutumes… »  Pour un amoureux des Lettres, comme moi, discuter avec Clédor était un véritable régal. Quoique je sente à chaque fois ses préférences pour les auteurs classiques dont il était un admirable connaisseur, les grands humanistes du XIXe siècle ne le laissaient guère indifférent. Et c’est avec émotion qu’il me parlait de l’écrivain Emile Chartier dit Alain, le vademecum ou bible des enseignants. Au moment où je songeais à boucler ce témoignage voici que sonne le téléphone…Ma nièce Aby Soumaré qui chérissait son beau père m’apprend que Clédor, guitariste à ses heures, avait mis en musique « Minuit » de Lamartine qu’il déclamait avec beaucoup de talent.

En Mauritanie comme au Sénégal où vivait une partie de sa famille, Clédor entretenait les mêmes liens de convivialité  mais empreints de franchise aussi bien avec les régimes en place qu’avec les membres de l’Opposition. Abdoulaye Wade, Iba Der Thiam, Landing Savané ne nous démentiront pas.

Beau Grand beau frère, je te souhaite un paisible voyage sur les routes sans écueil au bout desquelles Allah le Miséricordieux attend ses élus.

Amadou Gueye Ngom
Florida.



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