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ISLAM ET DEMOCRATIE: … À la loupe discursive de Tariq Ramadan

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ISLAM ET DEMOCRATIE: … À la loupe discursive de Tariq Ramadan

Tariq Ramadan, philosophe et intellectuel, a effectué un marathon de… conférences au cours de son séjour au Sénégal. Sur l’initiative de l’Association des Elèves et Etudiants Musulmans du Sénégal (Aeems), en collaboration avec le Mouvement Citoyen il a introduit hier, jeudi 31 août au Warc, le thème Islam et Démocratie.

Il y aurait, au départ, comme un rapport conflictuel entre Islam et Démocratie et Tariq Ramadan ne dit pas autre chose lorsqu’il met en exergue ce rejet teinté de refus qui lie les deux concepts. En toile de fond, la relation faussée entre colonisé et colonisateur, dominé et dominant. Et dans la même lancée, le rejet systématique de ce qui vient de l’autre. C’est dans cette posture que se retrouvent les rhétoriciens islamistes du XXe siècle lorsque, selon Tariq Ramadan, ils affirmaient de façon quasi radicale : «le terme démocratie ne nous appartient pas, il n’est pas présent dans le Coran». Dans un certain sens, c’est une position que l’on peut défendre si tant est que l’on s’inscrit dans une perspective étymologique. M. Ramadan de rappeler à l’assistance l’origine grecque du mot formé de deux entités : «démos pour peuple et kratos pour pouvoir». C’est selon lui «une constante dans tous les mouvements de réforme. Tous revendiquent leur refus de la terminologie du colonisateur ». Ainsi en fut-il des Orientalistes (qui, soit dit en passant, explique Ramadan, «étaient bien plus spécialistes de la politique que de la philosophie ou tradition de l’Islam») lorsqu’ils affirmèrent : «l’Islam est inintégrable à la démocratie». S’ajoute un «non» qui s’interdit tout usage quel qu’il soit du concept et, par-delà, de sa réalité. Sous ce rapport, «est-ce la réaffirmation de soi ou plutôt un manque de confiance en soi que de refuser purement et simplement les termes du dominant ?» s’interroge alors Tariq Ramadan. Question d’ordre général que l’intellectuel ramène pourtant à une dimension particulière ou personnelle. «Les termes des autres ne me gênent pas à partir du moment où ils m’aident à penser des principes qui leur sont supérieurs et à moi aussi».

L’absolu et le relatif

Et pourtant, semble se rassurer Tariq Ramadan, «depuis près de 30 ans, le mot démocratie connaît une certaine évolution». Et Ramadan de faire ce que l’on pourrait appeler la genèse du concept. «Athènes fut le premier modèle de la démocratie» explique-t-il, un modèle «paradoxal» si l’on suit sa logique puisqu’il ne s’agissait en fait que d’un «modèle élitiste, les femmes n’y étant pas conviées, réducteur aussi parce qu’il n’intégrait pas ceux que les Grecs appelaient les Barbares». C’est à ce niveau qu’il pose alors un problème fondamental à bien des égards, et qui a trait à la distinction entre modèle et principe. En effet «l’un est historique et l’autre transhistorique». Une manière de repenser la limite entre absolu et relatif dans la mesure où le principe est la réalité inhérente au modèle, sa substance, ce qui résiste au temps et à l’histoire qui justement sert de cadre au modèle.
Subitement, l’assistance se retrouve comme plongée dans une tout autre ambiance intellectuelle car Tariq Ramadan convoque Rousseau (auteur du Contrat Social) qui lui sert de tremplin pour parler de la démocratie telle qu’elle se conçoit : «un Etat de droit avec des citoyens, notion-clé puisqu’à cet instant ce privilège réservé à certains se mue en un droit acquis à tous, dans le respect de l’égalité des citoyens. La notion de mandat qui soumet l’autorité au suffrage du peuple, selon une période déterminée sanctionnée par un bilan positif ou négatif. Sans parler de la séparation des pouvoirs et de la frontière entre le politique et le religieux».

Intégrer les principes des autres

Retour à la tradition et il y a, pour l’Islam, deux attitudes possibles : «sortir de soi pour intégrer les principes des autres, ou se soumettre à l’exigence d’introspection pour savoir si l’on se situe vraiment en dehors de ces mêmes principes ». Et l’intellectuel d’évoquer cette Charte des droits et devoirs qui liait les habitants de Médine les uns aux autres. D’ailleurs, fait savoir le conférencier, le prophète Mohamed lui-même utilise le mot de «contrat» et accorde les mêmes droits et devoirs à la communauté juive.
Cela dit, comment, dès lors, se situent les Musulmans par rapport aux principes de la démocratie ? Une chose de sûre qu’a relevé Tariq Ramadan, tient au fait que «les Musulmans idéalisent leur histoire et les sujets de cette histoire comme des êtres exceptionnels. Non ! il faut un esprit critique». Et le philosophe de marteler : «il n’existe pas de démocratie consensuelle, c’est un oxymore. Il n’y a pas non plus de démocratie sans lutte et sans une certaine capacité à accepter la contestation».
Quid de la notion d’islamisme et par conséquent celle d’islamiste ? Tariq Ramadan la définit comme suit : «l’islamiste est un Musulman engagé dans un positionnement politique» et il y a, selon lui, «une vision réductrice qui consiste à mettre tout le monde dans le sac : réformateur, extrémiste, etc ». Ce qu’il appelle «idéologie de la simplification, mépris de l’autre, mépris de la discussion intellectuelle». Le mot dernier mot de Ramadan aux Musulmans qu’il invite à prendre la place qu’il leur revient dans la société : «ne vous auto-marginalisez pas ; il n’existe pas de citoyenneté minoritaire».

 



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