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ISMAEL LO : « J’appelle le président Wade et l’opposition à dialoguer pour l’intérêt supérieur du Sénégal »

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ISMAEL LO : « J’appelle le président Wade et l’opposition à dialoguer pour l’intérêt supérieur du Sénégal »
GENEVE- Ami personnel d’Abdou Diouf, le roi du Folk sénégalais n’a jamais rencontré formellement Me Wade, même s’ils partagent « un amour fou » pour le Continent. L’auteur d’« Afrika Sunu », de « Jammu Africa », de « Dabakh » et de « Sénégal », réputé pour sa discrétion, sort de sa réserve pour appeler les hommes politiques qui, dit-il, se reconnaissent bien entre eux, à penser à régler les difficultés des Sénégalais et de se retrouver pour l’intérêt supérieur du Sénégal. Actuellement en tournée en Europe et en Afrique, Ismaël Lô aborde avec humanisme et lucidité, dans cet entretien exclusif, d’autres sujets comme la Commémoration de l’abolition de l’esclavage et la Journée de l’Afrique.

Ismaël Lô, vous êtes un professionnel confirmé de la musique et même discret, vous êtes aussi un leader d’opinions. Dans votre dernier album « Sénégal », vous appelez les politiciens à s’unir pour qu’il fasse bon vivre au Sénégal. Aujourd’hui, des opposants appellent le pouvoir à, sinon participer aux Assises nationales, du moins à dialoguer avec l’opposition. Avez-vous le sentiment d’être écouté ?

« Vous me permettrez de faire cette remarque fondamentale : en démocratie, il doit y avoir un pouvoir et une opposition. Dans le monde culturel, les artistes se reconnaissent entre eux. C’est pareil pour les hommes politiques. Abdoulaye Wade est arrivé assez tard au pouvoir. Il a fait 26 ans d’opposition. Il a été élu grâce au soutien d’autres partis politiques. Je veux dire que les hommes politiques peuvent et savent se retrouver autour de leurs intérêts. Ils connaissent les mécanismes de la politique politicienne. Mais ils doivent se retrouver, aujourd’hui plus que jamais, autour de l’essentiel : assurer la survie des populations et que les institutions fonctionnent correctement. Les politiciens ne doivent pas oublier l’énorme espoir porté sur eux par l’électrice ou l’électeur qui a fait la queue sous un soleil de plomb pour qu’ils soient élus. On ne devrait pas jouer avec la politique. Ce n’est pas un jeu ; regardez, il suffit seulement d’une mauvaise manœuvre, qu’un pays perde sa stabilité et sombre dans la violence. Regardez ce qui s’est passé au Kenya récemment et en Côte d’Ivoire. Ce qui s’est passé au Zimbabwe est aussi honteux. Je sais qu’ils sont tous des patriotes et que personne n’a envie de voir le Sénégal s’enflammer. Je voudrais qu’ Abdoulaye Wade et l’opposition se réunissent et que cela débouche sur quelque chose de concret. Mieux s’occuper des intérêts des populations et de l’image de notre pays, c’est cela l’enjeu. »

Avez- vous rencontré en audience le Président Wade ?

« Je ne l’ai pas rencontré formellement depuis qu’il a été élu, contrairement à Abdou Diouf qui est un ami personnel. Wade a un amour fou pour l’Afrique. Je le respecte beaucoup. Vu son engagement panafricaniste, j’avais voulu dès le départ me rapprocher de lui, étant donné ma conviction profonde et maintes fois exprimée que l’Afrique doit s’unir. Je ne l’ai pas fait car je ne voulais pas qu’on assimile cette affinité intellectuelle à de la politique politicienne. »

Comment jugez-vous l’action politique du Président Wade ?

« Je pense pour être honnête qu’il travaille. Dakar change. Si Wade avait été là il y a 40 ans, peut–être que le Sénégal serait plus en avance aujourd’hui. Malheureusement, il est arrivé à un âge avancé au pouvoir et il n’est pas toujours aidé comme il se doit. Par ailleurs, il ne peut pas briguer trois mandats. Les lumières de sa présidence recèlent aussi quelques ombres. »

Votre collègue Omar Pène a demandé aux enseignants de faire des sacrifices pour sauver l’année scolaire. Vous êtes vous-même propriétaire, avec votre épouse Fa Diallo, de « Tata-Fa » à Ouest-Foire, une école privée avec un effectif de 600 élèves. Iso Lô, que vous inspire la crise de l’éducation nationale ?

« L’enseignement est un secteur qui me touche beaucoup. Un jour, un de mes enseignants du primaire est venu me rendre visite à la maison. Ce monsieur, je le craignais tellement que j’ai été très touché quand il est venu me voir. Il ne m’a pas oublié. Il a dû se dire : cet Ismael Lô, c’était mon élève. C’est vous dire que les enseignants ont toujours une affection pour leurs élèves. J’étais aussi préoccupé car quand ils atteignent l’âge de la retraite, ils sont pour la plupart un peu malheureux. Je suis sensible à cela car nous leur devons beaucoup. Comme vous l’avez dit, j’ai une école privée managée par mon épouse Fa Diallo et Mr Senghor qui est le directeur de l’élémentaire. Lors d’une visite dans le quartier, le ministre de l’éducation nationale, Moustapha Sourang, et Madani Tall de la Banque Mondiale, sont passés à l’école qui va de la maternelle à l’élémentaire. Cette école qui fonctionne bien, je l’ai construite sur mes fonds propres, sans aucun sou de l’Etat mais ce n’est pas moi qui m’occupe de l’enseignement et de la pédagogie. Le mérite revient à Fa Diallo, à Mr Senghor et à tous les enseignants et aux parents d’élèves qui donnent une bonne réputation à l’établissement. Avant les écoles privées, il y avait les écoles publiques. Partout, les enseignants aspirent à une vie meilleure. Et ils le méritent. L’avenir d’un peuple est dans la formation de sa jeunesse. La jeunesse doit être éduquée et ceux qui ont en charge cette tâche doivent être bien traités. Pour moi, l’éducation est un secteur sensible qui mérite toutes les attentions. Ceci dit, les élèves ne doivent pas être victimes d’une année blanche. »

Ismaël, vous êtes aussi un agriculteur du dimanche. J’ai visité en juillet dernier votre champs de fruits à Sangalcam, près de Rufisque, votre ville natale. Le Sénégal traverse une crise alimentaire. Quel commentaire fait l’auteur de « Baykat » sur cette situation qui frappe principalement le monde rural ?

« Vous savez, on a beau avoir beaucoup de diamants et d’or, on ne va pas les manger. Les paysans sont les plus touchés par la crise alimentaire parce que tout simplement, ils sont exploités. Le prix de leur labeur est en deçà de sa valeur sur le marché. Ils deviennent de plus en plus pauvres car leurs efforts ne sont pas rétribués à juste prix. Nous leur devons le respect. Les paysans sont des êtres valeureux qui nourrissent du Président de la République au plus pauvre citoyen. S’ils décidaient de faire grève et de ne plus cultiver la terre, ce serait une catastrophe mondiale inouïe. Pour le Sénégal, je pense que le Président Wade a toujours accordé une importance à l’agriculture. Son plan de relance du secteur devrait être bien soutenu car le gouvernement doit faire des efforts considérables pour les agriculteurs. Nous devons par ailleurs profiter de la situation actuelle pour cultiver ce que nous consommons afin d’obtenir l’autosuffisance alimentaire. Au niveau individuel chacun devrait avoir son petit potager. Quand j’ai commencé à aller aux champs, mon ami et frère Bouya Ndoye qui est mon manager et qui me connaît sur le bout de ses doigts pour tout ce que nous avons partagé ensemble, se disait « au lieu de faire sa musique, il va planter des arbres ! ». Je vais vous faire une confidence en passant : Bouya est la seule personne qui peut faire une interview à ma place car nous sommes restés longtemps ensemble. Il connaît mes émotions et il est toujours là. C’est quelqu’un de très loyal. Voilà, j’ai donc planté mes arbres et un jour Bouya est venu à la maison, je lui ai servi des mangues qu’il a beaucoup aimées. Il n’en revenait pas quand je lui ai dit que cela ne venait pas du « Peul Futa » (le vendeur du coin) mais de mon champs. J’ai des milliers de fruits que je ne commercialise pas mais que je partage avec des amis. Il faudrait tout simplement que les terres soient bien distribuées et que les gens cultivent en se souciant de la qualité des sols et adapter leur culture à la spécificité du terrain. Je voudrais aussi dire que nous mangeons du riz que nous ne cultivons pas. Le Sénégalais est très accroché à son riz au poisson. Il faudrait peut-être petit à petit se débarrasser de l’emprise du riz en favorisant nos cultures locales ».

Le 10 mai, vous avez donné un concert à Winterthur en Suisse ; la France commémorait l’abolition de l’esclavage. Le Président Sarkozy a demandé que l’esclavage soit enseigné à l’école. Que vous inspire cette Journée ?

« La traite négrière est une étape décisive de notre vie de Noirs. Célébrer la journée de l’esclavage relève donc du travail de mémoire qui est nécessaire. Il ne faut jamais l’oublier, l’Afrique a perdu des ressources humaines valeureuses. Le continent a été aussi exploité et pillé. Je voudrais dire qu’il est donc important qu’on donne des papiers aux « sans papiers ». Il y a une histoire qui est là. Les Africains ont été emmenés de force en occident. Leur présence en Europe n’est pas fortuite. Cette histoire-là doit être enseignée et comprise par tout le monde. Parmi les Occidentaux, beaucoup d’ailleurs se battent aux côtés des Africains et des « Sans papiers ». Ces gens se battent pour l’humain tout court. Ils ont raison car la planète doit sourire pour tout le monde ».

Le 25 mai, Journée mondiale de l’Afrique, vous serez en Afrique du Sud, au pays de Nelson Mandela qui a vaincu l’Apartheid. A Arusha, les Chefs d’Etat se réuniront deux jours avant pour relancer le projet des Etats-Unis d’Afrique. Au-delà du symbolisme, quel est votre message ?

« Je suis heureux que les dirigeants africains aient repris à bras le corps le projet de Kwamé Nkrumah et de Cheikh Anta Diop. Il m’est arrivé plusieurs fois d’être invité par les ambassadeurs pour donner un concert à Sorano ou ailleurs le 25 mai, à l’occasion de l’« Africa day ». Ils connaissent mes chansons et mon engagement pour l’intégration africaine. Le Sommet d’Accra était un bon début mais il est clair qu’on ne réussira pas d’un seul coup. Les différences linguistiques ne doivent pas nous opposer. En dehors des dialectes, les Africains sont reliés par le français, l’anglais, le portugais etc… Par ailleurs, je me pose souvent la question : « pourquoi un visa pour un Africain en Afrique ? ». Je trouve que ce n’est pas logique. Les Etats-Unis et l’Union Européenne sont là, qui constituent une grande force grâce à leur unité. Et on parle de plus en plus d’Union méditerranéenne. Nous risquons d’être encore isolés. Il faut que nos dirigeants se penchent sérieusement sur la question. J’espère du fond du cœur qu’à la réunion d’Arusha, les Chefs d’Etat africains trouveront un consensus pour réaliser les Etats-Unis d’Afrique. Vous savez, j’ai soif de ça. »

Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade NDOYE, ContinentPremier.Com



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