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JEANNE LOPIS – SYLLA CHERCHEUR A L’IFAN " Les ouvrages de Cheikh Anta Diop sont conservés et commercialisés par les soins du service des publications de l'Ifan "

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JEANNE LOPIS – SYLLA CHERCHEUR A L’IFAN " Les ouvrages de Cheikh Anta Diop sont conservés et commercialisés par les soins du service des publications de l'Ifan "

Mme Jeanne Lopis Sylla, chercheur, chef du laboratoire de linguistique de l'Institut fondamental d'Afrique Noire, dans une interview qu'elle nous a accordée le 30 décembre, est revenue sur le bilan du 70è anniversaire de l'Ifan, sur la conservation des oeuvres de Cheikh Anta Diop, sur les différentes difficultés et les différents défis qui interpellent l'institution ainsi que les personnalités qui ont marqué la vie de ce haut lieu de recherche.
 
Le Matin: Mme Jeanne Lopis, présentez-vous aux lecteurs?

Je m’appelle Jeanne LOPIS – SYLLA, Linguiste, Chercheur à l’IFAN, Chef du Laboratoire de Linguistique, Chargée de Mission auprès du Directeur de l’IFAN. J’avais, dans ce cadre, entre autres responsabilités, celle de concevoir le contenu et d’organiser les manifestations du 70è anniversaire de cet institut de recherche.

Pouvez-vous nous faire la présentation de l'Ifan ?

L’acte de naissance de l’IFAN date de l’année 1936. Je veux dire par là que le décret qui crée l’IFAN a été signé par le Gouverneur Joseph Brévié en 1936. Mais l’institut ne devient une réalité physique qu’en 1938, avec l’arrivée du Secrétaire général, Théodore Monod, qui en sera le premier Directeur. C’est ce qui explique la célébration du 70e anniversaire cette année 2008. L’IFAN a été rattaché à l’Université de Dakar en 1959, devenant ainsi Institut d’Université. Il a rang de Faculté jouissant d’une autonomie financière.
L’Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop, anciennement Institut français d’Afrique noire, compte aujourd’hui six (6) Départements (Sciences humaines, Langues et civilisations, Biologie animale, Botanique et Géologie, Information scientifique, Musées) comprenant seize (16) Laboratoires en Sciences naturelles et en Sciences humaines. Les Services de l’Information scientifique sont au nombre de quatre (4) : Publications, Documentation, Audiovisuel et Archives. L’FAN possède trois (3) Musées : à Dakar, Place Soweto, le Musée d’Art africain récemment baptisé « Musée Théodore Monod d’Art africain » ; à Gorée, le « Musée de la Mer » et le « Musée historique ».
Les chercheurs s’efforcent, en plus des recherches sur des sujets purement académiques, en recherche fondamentale, et importants pour leur carrière, de travailler sur des questions auxquelles notre pays est directement ou prioritairement confronté. Ainsi, il existe, par exemple, un laboratoire qui s’occupe du traitement des eaux usées (le LATEU) dirigé par notre Collègue Seydou Niang. Certains, autres laboratoires, comme celui de Géographie ont des programmes de recherche sur le tourisme avec Madame Binta Sène Diouf et sur les migrations dont s’occupe Papa Demba Fall. Et tous ces programmes couvrent plusieurs pays africains. Je pense que ce sont des initiatives que l’on doit qualifier de citoyennes et patriotiques dans la mesure où, selon moi, il n’y a pas encore dans notre pays une politique nationale de recherche clairement définie.
Les chercheurs et techniciens de l’institut travaillent aussi à la préservation et à la diffusion du riche patrimoine africain dont regorge l’IFAN, par des méthodes de pointe : la numérisation. Dans ce sens, un premier projet a vu le jour concernant plus de 700 Cahiers William Ponty qui sont les travaux des élèves de la célèbre école d’où sont sortis beaucoup de grands hommes d’Afrique de l’Ouest, parmi lesquels je citerai deux de nos regrettés compatriotes : M. Kéba Mbaye et Me Moustapha Wade. Un second programme est en cours de réalisation en partenariat avec l’Université de Toulouse Le Mirail, sur la numérisation de ce patrimoine culturel africain, qu’il s’agisse de textes, de biens iconographiques, de documents sonores, etc.

Qu'est ce qui fait selon vous  que l'institution soit méconnue du grand public ?

Nous avons conscience que, bien souvent, pour le grand public, l’IFAN se résume à son Musée situé à la place Soweto. Nos compatriotes connaissent très peu l’Institut de Recherche qui, lui, fait partie intégrante de l’UCAD, situé sur la Corniche Ouest, face à l’Océan atlantique. Je crois que les chercheurs, en matière de supports de communication, se préoccupent, en priorité, de ceux qui peuvent entraîner une sanction du milieu scientifique, tels que les publications à comité de lecture, les Actes des rencontres scientifiques…Les médias les plus accessibles au grand public, c’est-à-dire la radio, la télé, la presse écrite, nous ne les utilisons pas suffisamment. Il y a aussi que, même si parmi nos publications nous avons une revue de vulgarisation scientifique, "Les Notes africaines", elle n’est lue que par une minorité parce qu’elle n’est publiée qu’en français.
Or, pour toucher la grande masse de nos concitoyens, il est nécessaire, en matière de vulgarisation scientifique de faire une place importante aux langues nationales. Mais je pense, en tout cas j’espère, qu’à partir de cet anniversaire, rien ne sera plus comme avant et que les médias eux-mêmes viendront quérir l’information là où elle est, comme il se doit.

Aujourd'hui, comment sont sauvegardées les oeuvres de Cheikh Anta Diop au niveau de l'institution ?

Les ouvrages de Cheikh Anta Diop sont conservés et commercialisés par les soins du Service des Publications de l’IFAN. Lorsqu’ils sont épuisés, l’IFAN les réédite, parfois en co-édition. Il me faut signaler que nous bénéficions d’une implication aussi précieuse que discrète de son fils aîné Cheikh Mbacké Diop, notamment au moment de la réédition de "Parenté génétique et Antiquités africaines".
Ce dernier a aussi présenté une communication au colloque sur l’intégration africaine et monté une exposition sur Cheikh Anta, pour ce 70è Anniversaire de l’Institut qui porte le nom de son père. C’est Madame Mariétou Diongue Diop, Directrice de la Bibliothèque universitaire de l’UCAD, qui est dépositaire de cette exposition.

L'ifan vient d'organiser un colloque international du 15 au 18 décembre dernier dans le cadre de son 70 éme anniversaire. Quel est le bilan de cette importante rencontre?

Je vois que vous qualifiez cette rencontre d’importante. Elle l’est à plus d’un titre. Le Colloque, qui s’est tenu à l’UCAD II et dont le Président du Comité scientifique est le Pr Yèro Sylla, Directeur de Recherche, a permis, en tant que rencontre et par la qualité de ses participants, des échanges réels entre plusieurs catégories de personnes : des universitaires, chercheurs et enseignants d’Afrique de l’Ouest et du Nord, de France et d’Amérique, des fonctionnaires internationaux, des hauts fonctionnaires de l’Etat, des hommes politiques, d’anciens membres du Gouvernement et aussi des étudiants de niveau Master. Par la thématique générale déjà « L’intégration africaine en question », par les nombreuses communications, dans les 6 panels consacrés à :
- « L’intégration politique des Etats »
- « Contribution de L’IFAN à l’intégration -
- « Recherche, enseignement et intégration »
- « Construction des États et évolution des espaces »
- « Intégration régionale et mondialisation »
- « Économie, développement et intégration en Afrique ». Outre les communications dans les panels, les participants ont pu bénéficier de plusieurs conférences : la Conférence inaugurale donnée par M. Moussa Touré, Ancien Ministre de l’Economie et des Finances du Sénégal et Ancien Président de la Commission de l’UEMOA, fut magistrale, avec cette question cruciale « L’Afrique veut-elle vraiment l’intégration ? » ; la Conférence d’ouverture : « Regard critique sur le panafricanisme et l’intégration », par Amady Aly DIENG ; la Conférence de Clôture du Colloque «  Y a-t-il une justification économique à l’intégration politique des Etats ? », par Mamadou Lamine Diallo ; et enfin la Conférence de Clôture de la Semaine de l’IFAN, à Gorée, « Pour l’intégration africaine : le rôle des musées et institutions assimilées », par Massamba Lame, Archéologue, Ancien conservateur du Musée d’Art africain.
Je tiens à saluer le soutien que nous ont apporté l’Ambassade de France, le Chef et les membres du Service de Coopération et d’Action culturelle, l’IRD, l’AUF, l’OIF et le fait que le Secrétaire général de l’OIF, le Président Abdou Diouf, ait en plus envoyé de Paris M. Hamidou Sall pour le représenter personnellement. D’autres ambassades de pays amis (Pays-Bas, Italie, Chine…) ont aussi été à nos côtés. De même, M. le Ministre des Biocarburants, des Energies renouvelables et de la Recherche scientifique, Christian Sina Diatta, nous a soutenus.

Toujours dans le cadre des 70 années de l'Ifan, le Musée d’Art africain baptisé Musée Théodore Monod , a été inauguré. Pouvez-vous nous parler des thèmes des différentes expositions tenues ?

L’inauguration du Musée sous ce nom s’est faite le 1er jour de nos manifestations, sous la présidence du Président de la République, en présence du Ministre d’Etat Sérigne Diop, de SE Monsieur l’Ambassadeur de France au Sénégal, de M. le Recteur de l’UCAD et de Monsieur Ambroise Monod(fils cadet de Théodore Monod) et son épouse Madame Françoise Ferry. En plus du Colloque, en effet, plusieurs expositions liées à la thématique générale, ont été organisées : au Musée Théodore Monod d’Art africain,
-« IFAN :70 ans au service de l’Afrique », exposition centrale présentant les travaux et résultats des laboratoires de l’IFAN ; les « Photographies de Jean Rouch », qu’il a réalisées au Niger ;
- à l’IFAN, dans le hall une exposition sur des « Figures marquantes de l’IFAN », pour laquelle il a fallu opérer une sélection très serrée, sinon l’espace alloué n’y aurait pas suffi ; au 1er étage une exposition « Cheikh Anta Diop », sur la vie et l’oeuvre du parrain de l’institut et de l’université ; les « Labos portes ouvertes ». Nous avons aussi abrité dans les jardins du musée de la Place Soweto, l’exposition « Ingénieuse Afrique » d’Enda Ecopole, sur le récup’art.

Quelles sont les différentes personnalités qui ont marqué la vie de l'institution ?

Il y a celles présentées dans l’exposition du hall de l’institut, comme par exemple, le gouverneur J. Brévié qui a pris le décret de création, Monod qui a, on peut dire, bâti ou fondé l’institution, avec des proches collaborateurs parmi lesquels Alexandre Adandé du Bénin (alors Dahomey), Abdoulaye qui a été Secrétaire général, Bodiel Thiam, 1er conservateur sénégalais du musée de Dakar, Amadou Hampathé Ba, chercheur, tous les autres directeurs d’hier à aujourd’ui (Vincent Monteil, Pierre Fougeyrollas, Amar Samb, Abdoulaye Bara Diop, Djibril Samb, Papa Ndiaye). D’autres personnalités auraient pu figurer dans cette exposition, comme Guy Thilmans, cet archéologue d’origine belge, qui a consacré son temps, sa personne et tout ce qu’il possédait à la recherche au Sénégal où il repose à présent, à Saint-Louis, d’autres grands chercheurs comme Pathé Diagne qui nous a fait l’honneur de venir de France participer activement au colloque, comme aussi la linguiste Arame Fal et j’en passe.

Quelles sont les difficultés auxquelles l'Ifan est confronté ?

Nos difficultés ! Elles ne sont pas originales par rapport aux autres institutions nationales. Mais je vais en énumérer les plus importantes. -Il y a des problèmes d’espaces pour accueillir comme il se doit un nombre croissant de chercheurs et de techniciens. -Il y a des difficultés à équiper correctement chaque chercheur ou tout au moins chaque laboratoire en matériel informatique, par exemple. - Des difficultés pour assumer toutes les missions sur le terrain que doivent effectuer annuellement les chercheurs. Les raisons sont liées à:  
- L'insuffisance du parc de véhicules de missions.
- L'insuffisance des moyens financiers pour conduire tous les programmes.

Quels sont les défis qui interpellent aujourd'hui l'Ifan?

Ils sont nombreux. Il nous faut impérativement : - mieux trouver les moyens de notre recherche et surtout d’une plus large diffusion de nos résultats ;
- favoriser la création d’un lien entre la recherche universitaire et la définition d’une politique nationale de recherche scientifique et l’application des résultats, pour le développement ;
- toucher la grande masse, en faisant une véritable vulgarisation scientifique qui, à côté de l’éducation et de l’alphabétisation, peut ouvrir d’autres horizons aux populations , favoriser une plus grande créativité. Certaines perspectives sont aussi apparues, lors de notre colloque. C’est de réaliser une intégration plus large de la recherche au niveau africain, et non plus seulement régional. Il est aussi nécessaire d'institutionnaliser cette intégration, afin qu’elle ne soit pas réservée à quelques programmes dus aux seuls efforts de quelques chercheurs dynamiques. 



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