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Livres - “ L’ECLIPSE DES DIEUX ” DE TIDIANE N’DIAYE : L’ Afrique noire, de la splendeur à la désespérance

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Livres - “ L’ECLIPSE DES DIEUX ” DE TIDIANE N’DIAYE : L’ Afrique noire, de la splendeur à la désespérance

L’Africain, un homme sans passé, comme l’avaient soutenu certains penseurs ou historiens ? A son tour, et avec de nouveaux éclairages, Tidiane N’Diaye, l’économiste statisticien franco-sénégalais en service en Guadeloupe, à l’Institut national des statistiques et des études économiques (Insee), bat en brèche une telle assertion dans son dernier ouvrage, L’Eclipse des dieux ( Editions du Rocher - Le Serpent à plumes).

“ En fait, objecte Tidiane N’Diaye, dans son livre L’Eclipse des dieux , “ l’histoire des peuples du continent (africain)a débuté bien avant celle du reste de l’humanité ”. D’ailleurs, comme les spécialistes de la paléontologie et d’autres domaines scientifiques l’ont admis, l’Afrique a bel et bien été le berceau de la race humaine. Elle avait par la suite vécu comme en autarcie, pendant des siècles. Elle avait été coupée du monde “ pendant des siècles, du néolithique à l’âge de pierre ”. Les Grecs et les romains, par la suite, l’avaient ignorée pour n’avoir exploré que sa partie nord.

Au cours de l’Histoire, les premières grandes civilisations s’y sont épanouies, certaines attirant même par leur splendeur la convoitise voire l’hostilité de peuples venus du Nord ou de l’Orient. Ce fut le cas de l’Egypte des pharaons. A ce propos, Tidiane N’Diaye recentre le débat sur l’antériorité des civilisations noires en plaçant les thèses de Cheikh Anta Diop dans les limites qui lui paraissent raisonnables. Zimbabwe, Ethiopie, Ghana, Mali furent aussi autant de structures étatiques où s’affirmèrent le génie et les cultures de peuples noirs. Cela, en dépit de l’absence d’écriture dans la plupart des sociétés africaines. Qu’importe, puisque la tradition orale peut servir aussi de “ vecteur à la transmission des connaissances ”, à la pratique de bon nombre de disciplines scientifiques. Toutefois, prévient cet auteur, “ il est difficile de nier que l’époque technique que l’on vit, née de la révolution industrielle, confère à la civilisation occidentale actuelle une hégémonie mondiale qu’aucune autre civilisation du passé n’a connue ”.

Qu’est-il donc arrivé au continent africain ? L’aspect technique et matériel ne suffit pas à expliquer sa déchéance. C’est qu’il a été victime de l’occupation et qu’il a été mis en coupe réglée. Il a été en quelque sorte abandonné par ses génies tutélaires. Les dieux sont tombés sur la tête ou se sont tout bonnement éclipsés - à moins qu’ils ne l’aient été par d’autres divinités plus puissantes ! L’Afrique est donc passée d’une ère de grandeur à une autre, caractérisée par la désespérance dont ses enfants tentent de sortir. La rencontre avec l’Orient et avec l’Occident, au cours des temps, n’a pas été qu’enrichissement mutuel. Elle s’est également traduite par des heurts qui ont laissé des cicatrices profondes : guerres, pillages et surtout traite négrière.

Des arguments religieux pour asservir les Noirs

A ce sujet, L’Eclipse des dieux contient un chapitre sur celle qui s’est développée à travers le Sahara et à partir de la côte orientale de l’Afrique, par delà l’Océan indien et la Mer Rouge. Elle fut meurtrière, une bonne partie du “ cheptel humain ” périssant au cours du voyage, sous l’effet de la fatigue, de la soif, de la malnutrition ou du fouet. Chez les maîtres, les travaux pénibles, le ravalement à la bête les attendaient. Et, par-dessus tout, la castration, pratique d’autant plus horrible qu’elle les privait de descendance. Une forme de génocide, pour l’auteur. De l’autre côté de l’Atlantique, le “ bois d’ébène ” a servi d’élément de substitut à la main-d’œuvre servile locale, les Indiens n’ayant pu endurer un tel régime, mourant comme des mouches et ayant trouvé un avocat auprès du pape : le père Las Cases, dès la fin du XVe siècle. Pour l’asservissement de ces Noirs, on brandit des arguments religieux - dont la prétendue “ malédiction de Cham ” - ou pseudo-scientifiques. Ils constituèrent un point capital du commerce triangulaire. Ils permirent la culture de la canne, du café et du coton, la mise en valeur de vastes terres, la prospérité de nombreuses familles en Europe et aux Amériques. Celle de l’Occident, pour tout dire. Combien ont été ainsi arrachés à leur terre ? 17 millions, selon les estimations de l’historien américain Ralph Austin, pour la traite transsaharienne et orientale ? Entre 15 et 20 comme avaient conclu l’Africain Américain W.E.B Dubois ? Si l’on tenait compte de ceux qui ont péri directement ou indirectement des dommages de ce “ crime contre l’humanité ”, on approcherait des chiffres plus effarants encore : entre 50 et 80 millions pour chacun de ces deux types de traite négrière ! Il faut retenir que ces Noirs ne se résignèrent pas facilement à leur sort. Ils se révoltèrent souvent contre leurs maîtres, les tuant ou brûlant leurs demeures, avant d’être massacrés (cas de Gabriel Posser aux USA), devenant des “ Nègres marrons de la liberté ”, empruntant le “ chemin de fer souterrain ” avec l’aide d’abolitionnistes blancs pour gagner le Canada, créant des “ palenques ” ou des “ quilombos ” libres, comme au Brésil, ou un Etat indépendant (Haïti, la première République noire, en 1804).

En Mésopotamie, la dernière révolte des Zendjs, déclenchée contre l’autorité de Bagdad, le 7 septembre 1871, avec pour allié un poète arabe, Ali Ben Mohamed, dura quatorze ans avant d’être noyée dans le sang. La résistance fut aussi passive, religieuse ou culturelle. Renaissance du vaudou à Cuba, au Brésil et aux Antilles, recettes culinaires (“ acras ” et autres plats).

Et le monde doit à des Noirs américains certaines inventions : John Stenart, pour le réfrigérateur (1891), Lee S. Burridge et Newman S. Mashman, pour la machine à écrire (1885), etc. L’Eclipse des dieux paraît au moment où se tient le Salon du Livre, à Paris.

L’auteur y a été invité. A l’ouverture, vendredi dernier, il y a tenu une conférence sur le rôle des diasporas noires. Il sera à Dakar le 1er avril, pour une séance dédicace à la libraire Aux Quatre Vents (non loin de l’Ucad), dans la matinée.



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