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Metzo Diatta, musicien : « Je ne fais pas de la musique pour plaire aux filles »

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Metzo Diatta, musicien : « Je ne fais pas de la musique pour plaire aux filles »
Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Metzo Diatta auteur compositeur interprète. J’évolue dans la mouvance acoustique et j’essaie d’apporter un tant soi peu ma touche à la musique sénégalaise. Je suis un musicien engagé qui a choisi en un moment donné, après mes études de me lancer dans la musique que je crois être le meilleur vecteur de communication pour parler à mes concitoyens. Dieu a fait que j’avais un don dans la composition et je n’ai pas hésité à emprunter cette voie.

Quelle est votre formation musicale ?

Je suis autodidacte. J’avais des amis qui m’ont très tôt initié à la guitare basse parce que j’ai débuté comme bassiste. Apres mon bac, je suis allé poursuivre mes études en France et c’est là-bas que j ai commencé à m’investir pleinement dans la musique. Je me suis inscrit dans une école de musique où j’ai eu à apprendre la guitare basse et la batterie. J’ai eu par la suite à évoluer dans des groupes de Reggæ de Rock et de variétés. C’est après qu’on a formé un groupe de Rap et j’y faisais de la programmation c’était en 1994. C’est en 1997 que j’ai commencé ma propre carrière musicale.

Qu’est ce qui vous a poussé à choisir la musique acoustique ?

J’ai débuté dans la musique en France qui est un pays multiculturel. Le Mbalakh n’existait pas là-bas. J’ai commencé à faire le Reggæ le Zouk et consorts. Le Mbalakh c’est la musique de mon enfance et qui nous a bercé en tant qu’étudiant. Le Mbalakh était notre repaire identitaire lorsque nous étions étudiants. Cela dit, je ne suis pas venu dans la musique pour être un messie ou Zorro. Toutes les musiques ont droit de cité au Sénégal et c’est parce que toutes ces musiques là auront des représentants que la culture ira de l’avant. Je ne sais pas faire le Mbalakh. J’ai une musique que je sais faire et j’essaierais de le faire de mon mieux.

Est-ce à dire qu’il y’avait un manque avant la percée de la musique sénégalaise ?

Je ne dirais pas cela. La musique sénégalaise a quand même démarré sous de bons auspices. Baaba Maal, Ismael Lo, Omar Pene, Youssou Ndour sont tous des références et ils ont marqué la World Music. Ce sont de grandes stars et ils font tous une musique différente. Mais c’est après que les choses se sont gâtées. C’est vers la fin des années 80 90 que la musique sénégalaise a commencé a versé dans la monoculture. Les gens ont commencé à faire la même chose. Et dans cela, il y’a des responsabilités qui sont partagées. Car le Sénégal a toujours été un creuset de musique. Des groupes comme le Xalam qui sont de référence internationale, des monsieurs comme Idirissa Diop ou encore Labba Sosseh ont marqué le monde de la musique. C’est la raison pour laquelle nous sommes montés au créneau pour éviter que le Sénégal s’enfonce dans cette monoculture d’une seule musique.

Vous parliez tantôt de responsabilités A quoi faites vous allusion ?
Je fais allusion aux pouvoirs politiques en premier car ceux qui nous gouvernent ont une très grande responsabilité dans la marche que prend le pays. Or la culture est un aspect non négligeable dans une nation. C’est cette monoculture qu’on sent dans la musique sénégalaise on la ressent également dans l’éducation dans l’économie, dans le social bref dans tous les secteurs. Donc la culture est un bon baromètre pour mesurer le degré de créativité d’un pays. Moi j’incombe donc cette responsabilité aux dirigeants qui ont négligé en un moment donné le potentiel culturel de ce pays. Les artistes sont également responsables car ils ont sombré dans la culture de la musique alimentaire Leur unique préoccupation c’est de gagner de l’argent de bien vivre. La musique était devenue mercantile. Du coup, tous les artistes se sont rués vers un style et se sont dits que c’est ça qui marche. Le public également n’est pas en reste car il a su imposer son diktat de même que les médias. Car lorsque je suis revenu au Sénégal j’entendais les gens dire que ceux qui ne font pas du Mbalakh ne vont pas réussir dans la musique. Moi je me suis toujours occupé de ma musique acoustique. Je suis allé au-delà de ce discours pour montrer aux gens qu’on pouvait réussir avec une autre forme de musique. Aujourd’hui les Mbalakhman nous ont rejoint dans ce que nous faisons.

Est-ce à dire que selon vous les politiques favorisent le Mbalakh parce que c’est un genre musical qui n’est pas engagé ?

Le Mbalakh est la musique la mieux organisée au sénégal. Le business de la musique sénégalaise est organisé autour du Mbalakh. C’est à nous de nous organiser. Le Hip Hop a montré la voie à suivre. Tous les styles musicaux doivent avoir droit de cité. Aujourd’hui on commence à parler de nous. Ce n’est pas parce que les pouvoirs publics nous ont donné les moyens. Non ! On parle de nous car il y’a des gens qui se sont battus pour faire imposer ce style musical. Je suis très fier de voir aujourd’hui des jeunes se promener dans les rues avec des guitares et faire de la musique de qualité c’est le résultat d’un long travail. On a gagné une bataille mais non la guerre. Aujourd’hui le combat c’est la qualité dans nos œuvres. Je ne dirais pas que les pouvoirs politiques ont favorisé qui que ce soit, ils ont logé tout le monde à la même enseigne mais en ne faisant rien du tout pour personne.

Qu’est ce qui a été le déclic de cet engouement suscité par la musique acoustique selon vous ?
La persévérance. On a proposé des produits qui résistent au temps. Une chanson comme Djembéring qui a dix ans n’a pas pris une seule ride. Le clip a cinq ans et n’a pas pris une ride. C’est la rançon du travail. Il faut que les gosses qui font l’acoustique soient aidés. L’avenir de la musique sénégalaise va passer par l’acoustique.

A ce rythme est ce que la musique acoustique ne va pas reléguer au second plan le Mbalakh ?

Moi j’adore le Mbalakh. C’est un patrimoine mais il faut qu’il soit fait autrement. Youssou Ndour a fait le tour du monde grâce au Mbalakh. Ce n’est pas une musique à ranger aux oubliettes. Il nous appartient. Il n’y a pas un sénégalais qui ne vibre pas au son du Mbalakh. Mais il faut faire en sorte que cette musique soit accessible au monde entier et c’est possible.

Comment expliquez vous la décision de certains chanteurs acoustiques de se baser en Europe plutôt qu’au Sénégal ?

Moi je prône le retour des Diogal et autres. L’acoustique c’est ici qu’il faut la défendre. C’est ici que cela ce passe Il faut que la musique sénégalaise parte de la terre Sénégalaise pour conquérir le monde. Moi je comprends ce souci des artistes dont la musique n’était pas considérée, de s’exiler pour avoir les moyens de faire leur musique. Maintenant l’heure a sonné pour que tous ces artistes retournent au bercail. Surtout que la musique sénégalaise commence à gagner une certaine aura. Il faut qu’ils reviennent pour créer ici des structures et promouvoir davantage la musique acoustique. En 1975 il n’y avait pas le Mbalakh, c’était la salsa. C’est la même chose.

Vous êtes un chanteur très engagé. Que vous inspire la pauvreté constatée de plus en plus dans les textes de certains musiciens sénégalais ?

Le «griotisme» c’est notre tradition, c’est notre patrimoine. Mais encore faudrait il savoir qu’il existe les griots détenteurs d’un savoir séculaire et d’une tradition et les musiciens. Il ne faut pas que les gens fassent l’amalgame. Le griot et l’artiste musicien ce sont deux choses à part. Il ne faut pas que les gens fassent cette confusion. Le travail d’un artiste musicien c’est de faire des chansons engagées. On ne peut pas se passer des griots, ils font leur travail à part ce n’est pas la même chose avec les musiciens. Mais pour faire la part des choses, il faut que ceux qui s’y connaissent occupent le devant de la scène et prennent la parole pour expliquer à ceux qui ne savent pas. Le drame au Sénégal c’est qu’on passe tout notre temps à faire la musique d’hier. Il n’y a pas de conservatoires au Sénégal, c’est grave. Ceux qui font la musique de demain, il n’y a rien pour eux. La musique électronique n’existe pas ici, or le monde est devenu un monde électronique. Nous sommes trop focalisés sur la tradition. Elle est certes très importante mais il faut s’ouvrir au monde.


Et les musiciens qui passent tout leur temps à chanter les louanges des politiciens. Vous en dites quoi ?

Ce ne sont pas des musiciens ce sont des griots qui s’ignorent. C’est aussi simple que cela.

Est-ce à dire que le mot artiste n’est pas compris à sa juste valeur ?


Mais, c’est justement cela. On ne comprend pas qui est artiste et qui ne l’est pas.

Et pourquoi vous n’avez pas voulu suivre cette voie pour rouler sur l’or ?

Je ne fais pas de la musique pour manger. Moi j’ai un Bac + 5. Je devais faire une carrière professionnelle. Aujourd’hui j’aurai pu être un cadre. J’ai plusieurs promotionnaires qui sont dans de hautes stations en costume cravates avec de gros ventres. Je ne vais pas citer leur nom. Don si c’était pour gagner de l’argent ma voie était toute tracée Je fais de la musique parce que j’ai des choses à dire. Je suis plus utile à ma société en tant que musicien. Parmi mes promotionnaires, j’étais le seul à savoir faire de la musique. Il n’y a pas beaucoup de musiciens sénégalais qui ont le cursus que j’ai. Je me suis senti plus utile dans la musique, la preuve grâce au travail qu’on a fait, la musique acoustique a renaît de ses cendres et il y a une véritable révolution. L’argent ce n’est pas mon objectif premier. Je n’ai jamais mis l’argent en avant. Et tous les artistes qui mettent l’argent en avant non seulement ils ne vont pas l’avoir mais ils ne feront pas carrière. La musique c’est l’amour d’abord, il faut la sentir. L’argent c’est bien après.

Que vous inspire la guerre sans merci que se livrent les artistes sénégalais ?

C’est tout simplement par ce que les gens font tous la même chose qu’il y’a ces problèmes. Le prisme de l’artiste est unique. Quand on est artiste au vrai sens du terme on est en concurrence avec personne. C’est pour cela que les grands artistes on ne les voit jamais dans ce genre de débats. Ce n’est pas le fait de voir ces musiciens se tirer dessus qui est normal mais plutôt le sous bassement de leurs querelles qui est anormal. Omar Pene, Ismael Lo, Yousssou Ndour, tu ne les verras jamais faire ces genres de choses. La musique sénégalaise n’a pas connu ces genres de problèmes avec ses précurseurs. Ces problèmes sont apparus lorsque les gens ont commencé à faire la même chose.


Quel est l’artiste sénégalais qui a le plus influencé Metzo ?

Il y’en a beaucoup. Tous les ténors Omar Pene, Ismael Lo, Yousssou Ndour, Baaba Maal m’ont influencé. Mais j’adore Souleymane Faye et Ouza pour leur éthique et leur originalité. Ces gens là ne roulent pas sur l’or mais ils roulent sur l’or de la créativité. C’est la créativité en tant que telle qui est l’or. Ce sont de grands messieurs de la musique sénégalaise. Il faut qu’on les considère à leur juste valeur. Ils inspirent le respect.

Etes vous marié ?


Je suis marié et père de cinq enfants

Vos rapports avec les filles ?

Je ne suis pas jeune, j’ai 37 ans je ne fais pas de la musique pour plaire aux filles. J’ai dépassé ce stade. Je fais de la musique consciente. On fait une musique qui puisse résister au temps et servir à la génération future.

Dernier mot ?


Je viens de sortir mon dernier album Roots Acoustikeurs. J’ai pris cinq années pour le travailler. Donc c’est un travail de qualité. J’invite les sénégalais à aller l’acheter pour le découvrir.


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