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NOUVEAU ROMAN DE FATOU DIOME : « Celles qui attendent » dans la douleur un bonheur incertain

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NOUVEAU ROMAN DE FATOU DIOME : « Celles qui attendent » dans la douleur un bonheur incertain

« Celles qui attendent » de Fatou Diome, est un condensé de vérités crues et d’expériences racontées sur la vie de ces mères et épouses qui attendent non sans difficultés, le retour de leurs fils et époux partis clandestinement en Europe. Cette quatrième œuvre de la romancière sénégalaise qui vit en France, nous plonge au cœur de ces drames. Quelques notes de lecture. Elles sont trois femmes  qui  portent beaucoup d’espoir  sur « leurs hommes » partis en Europe à la quête d’un ailleurs meilleur.

« Celles qui attendent », souffrent « parce qu’elles savent tout de l’attente, elles connaissent le prix de l’amour ». Ici dans  ce roman de Fatou Diome, l’amour a deux visages. Arame et Bougna sont mères de deux clandestins :

Lamine et Issa qu’elles chérissent, malgré les longues nuits d’anxiété et de doute. Coumba et Daba sont,  elles,  épouses des deux émigrés, compagnons d’enfance au village, et camarades d’infortune dans le cercle infernal de l’Occident.  Les deux femmes   qui attendaient beaucoup de leurs maris sont obligées de vivre en silence leur désillusion.

Deux femmes, deux destins. Coumba la belle fille de Bougna épouse d’Issa semble avoir un sort moins chaotique. Du moins en apparence, car elle a eu la chance de s’être éprise de son mari et de bénéficier d’une célébration en grandes pompes de son mariage. Un détail important dans cette île sympathique et énigmatique de Niodior.  Toute la vie de « celles qui attendent » se passe ici dans ce village aux mille histoires.

Quant à  Daba, elle a dû renoncer à son ancien amour, le brave pêcheur Ansou,  pour se marier avec Lamine sous la pression de ses propres parents et de la mère de son actuel époux. Et très vite, le mariage a commencé à battre de l’aile. Car, Daba après une longue attente et face à la tyrannie de ses pulsions est allée à la rencontre de Ansou, loin des yeux indiscrets pour se donner langoureusement avec lui.

Ces relations hors mariage, seront vite connues du grand public villageois car au bout de quelques mois, Daba est enceinte. Un scandale à Niodior où l’histoire alimente toutes les discussions à la place publique, aux champs et au puits. Au même moment, Ansou savoure sa revanche et travaille dur en espérant  avoir gain de cause et posséder définitivement Daba. Celle-ci a souffert des piques lancées ici et là.

Elle a été obligée de rester cacher chez elle, durant toute sa période de grossesse. Même après sa délivrance, elle a eu à  faire faire face aux remarques très osées des voisines et ceux là qui aiment «  s’occuper de ce qui ne les regardent pas ». Des attitudes propres au village que Fatou Diome peint non sans grand talent.

Toutefois, Daba trouva une lueur d’espoir quand sa belle mère s’est  résignée en acceptant de l’accueillir chez  elle avec fierté.   Arame pouvait-elle agir autrement ? Sa vie de couple avec Koromack,  est un véritable enfer. C’est le symbole même de la résignation et de l’hypocrisie la plus abjecte dans la société traditionnelle africaine.

 Hypocrisie

Arame vit avec Koromack malgré elle. Amoureux d’un autre homme, elle a été obligée de se marier presque sous la contrainte avec un divorcé qui a répudié ses deux femmes faute d’enfants. En réalité, c’était lui la source du mal car impuissant pour procréer. Il a fallu l’arrivée  de Arame pour en avoir le cœur net.   Arame s’était, elle aussi livrée à ses premières amours.

Elle aussi est tombée enceinte et a mis au monde Lamine. Comme c’est souvent le cas, le vrai père n’a pas osé réclamer la paternité de l’enfant. Ce serait un sacrilège.  Koromack fait ainsi office de père pour montrer à la face du monde qu’il est un vrai homme. Un père qui, dans les faits, n’a jamais aimé son « fils » Lamine. Il gardera intact cette haine jusqu’à sa mort.

Drames

Un véritable drame familial. En fait, le roman de Fatou Diome regorge d’histoires vécues dans la douleur. Bougna mère de  Issa, l’autre exilé est elle aussi confrontée à l’épineuse question de la polygamie.

Une polygamie qui l’a beaucoup rongée  surtout à cause de la jalousie qui existe entre elle et sa coépouse. Une situation qui a impacté sur le vécu de leur progéniture respective. La réussite des fils de  sa rivale a multiplié l’envie de Bougna de voir son fils réussir à son tour.

Elle s’est fait violence, pour qu’Issa puisse trouver les moyens d’emprunter les pirogues de fortune à destination de l’Eldorado problématique européen. Là bas, Issa et Lamine y ont vécu l’enfer. La désillusion. Entre fouilles et traques quotidiennes, ils seront obligés de se donner aux vieilles dames blanches pour avoir un peu de répit.

C’est certainement lors de ses rencontres galantes qu’Issa trouva une deuxième épouse. Celle-ci fit le voyage du Sénégal, dans le fabuleux village de Niodior pour des « vacances découvertes ». Et l’épouse qui a longtemps attendu, s’est résignée à vivre avec son hôte particulier, à la limite encombrante. « Ceux qui nous oublient nous assassinent », pensait Coumba. Issa ne l’avait peut-être pas oubliée.

En tout cas, elle a tout fait pour garder son homme en « le tenant doublement par le ventre ». Mais hélas, son mari tenait beaucoup à sa « dame de Porcelaine » qui pense que « Coumba est très mignonne et même pas jalouse »  C’est à tort qu’elle disait qu’elle n’est pas jalouse. Et ici, c’est l’auteur Fatou Diome qui prend une position tranchée, qui s’insurge rigoureusement contre l’attitude de la « blanche », « la pauvre idiote ».

Procès de l’Occident

« Comme s’il existait une seule femme capable d’imaginer une autre dans les bras de son mari sans avoir envie de l’étriper ! », écrit la narratrice à l’encontre de celle qui « affichait une posture de co-épouse accommodante », et qui « ne voyait de l’Afrique que ce qui tenait dans le périmètre de son téléobjectif ».  « La polygamie n’est pas si terrible que ça ! », affirme la toubab.

Fatou Diome lui rétorque que « seule une repue, qui s’était payé son étalon comme son dernier sac Prada et le tenait fermement par la bride, pouvait dégoiser pareilles sornettes. »

Et Diome de poursuivre son réquisitoire : « Que savait-elle des rivalités , transmises de génération en génération, capables d’hypothéquer l’avenir de toute une descendance ? Que savait-elle des longues nuits d’ascèse, de l’angoisse de l’attente et de la frustration, elle qui disposait de nos gros nounours onze mois sur douze et le cédait comme on offre une location saisonnière ?

Lui avait-on parlé de la propagation du Sida, accélérée par le partage de routoutou ? A quoi lavai-t-elle sa foufounette, pour se sentir hors de danger ? Son ramoneur enfilait-il un scaphandre avant de plonger dans son lac Tanganyika ? »

Selon l’auteur de « le ventre de l’Atlantique »,  la pire insulte jamais faite aux martyres de cette pratique d’un autre âge est dire que « la polygamie n’est pas si terrible que ça ! » .  Position tranchée de Fatou Diome qui en dit long sur ses opinions par rapport à l’Occident en général. Un monde qu’elle vitupère tout au long de ce livre écrit avec une précision et un style digestes.

Abdou , le boutiquier du village n’incarne-t-il pas l’humanisme dans les affaires, la compréhension vis-vis des villageois contrairement aux bailleurs qui donnent du crédit pour mieux les étrangler et les cantonner dans une misère qui perdure ?

Fatou Diome, a dans son roman, abordé des sujets d’une actualité frappante. Même si « Celles qui attendent… » traite principalement des drames familiaux inhérents à l’immigration surtout clandestine et  de la douleur spécifique vécue par les mères et épouses d’immigrés, l’auteur a mis en exergue la face  hideuse d’une société sénégalaise voire africaine.

Celle-ci porte en elle les meilleures vertus et les pires défauts. C’est du moins ce que laisse tranparaître le roman de l’auteur de « La Préférence nationale ». Une narration qui a un goût d’inachevé car si Lamine est revenu et a réussi à « reconstituer sa famille », ce n’est pas le cas pour Issa qui est reparti avec son épouse blanche.

Bougna et Coumba devront encore attendre. Car, dans le village de  Niodior, cette île   de marins, comme le dit Fatou Diome même si la vie tangue à donner des migraines, c’est quand on croit le naufrage inévitable que la barque reprend son sillage de plus belle.  Arame, Daba, Coumba, Bougna, comme toutes leurs semblables poursuivaient ainsi stoïquement leur navigation. Ce sont « Celles qui attendent ».

 

« Celles qui attendent »

Fatou Diome 329 pages Edition Flammarion



1 Commentaires

  1. Auteur

    Sangomar Bakhoum

    En Février, 2011 (22:48 PM)
    thiey diom ya niemé deggu wo reff ndikhil´de
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