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Brexit : et si on essayait autre chose que le « backstop » ?

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Brexit
C'est entendu, le déjeuner entre Boris Johnson, Jean-Claude Juncker et Michel Barnier lundi à Luxembourg n'a rien donné. Il est certain qu'en venant les mains dans les poches, le Premier ministre britannique n'a pas donné l'impression à ses interlocuteurs de chercher une solution au problème de la frontière irlandaise. En sortant de cet entretien, « Bojo » a néanmoins affiché une confiance bravache, répétant qu'il pensait obtenir un accord avant le prochain sommet européen (17 et 18 octobre), et qu'à défaut, le « no deal » ne lui faisait pas peur, qu'il n'avait aucune intention de demander aux 27 un délai supplémentaire et que son pays sortirait, « deal or no deal », de l'Union européenne au 31 octobre prochain. 

 De leurs côtés, les Européens, face au blocage de la situation politique britannique, s'efforcent simplement de ne pas perdre au « blame game ». Faute de mieux, l'Europe se met donc en position de ne pas recevoir tous les torts d'une situation qui, sans accord, occasionnera immanquablement des désagréments aux populations et aux entreprises des deux côtés de la Manche. Donc, dans sa communication, elle se dit disponible nuit et jour à toute négociation qui parviendrait au même résultat que l'accord de retrait négocié avec Theresa May. Mais rien ne vient… 

 L'équation des deux Irlandes 

Le nœud du problème demeure la situation des deux Irlandes. Les 27 ont négocié un accord avec Theresa May qui résout l'équation irlandaise au mieux. C'est le fameux « backstop » qui, sauf arrangement meilleur, permet tout à la fois de garantir : 1) le respect de l'accord de paix de Belfast (soit l'absence de frontière physique entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord comme entité britannique) ; 2) le Common Travel area et 3) l'intégrité du marché unique européen. Les produits qui entreront au Royaume-Uni ou en Irlande du Nord devront se conformer aux barrières douanières de l'UE et aux normes de l'UE. Pour Boris Johnson, ce fil à la patte est inadmissible et empiète sur la capacité du Royaume-Uni à retrouver sa totale autonomie réglementaire et sa politique commerciale. 

Comment résoudre autrement cette équation ô combien complexe ? Le 22 août, un blog allemand, le verfassungsblog, fondé par des juristes spécialisés dans les affaires européennes, a proposé une solution alternative qui remplisse les mêmes objectifs que le « backstop ». Dans leur article de 12 pages, Joseph H. H. Weiler, un professeur new-yorkais, Daniel Sarmiento, un professeur espagnol, et Jonathan Faull, un ancien fonctionnaire britannique de la Commission, exposent leur solution. 

 Le Royaume-Uni et l'Union européenne conserveraient chacun leur autonomie réglementaire. Cependant, dans le droit britannique serait introduite une infraction consistant à faire entrer en République d'Irlande des marchandises qui ne rempliraient pas les exigences douanières et sanitaires de l'Union européenne. Cette infraction serait lourdement pénalisée de manière à dissuader les contrevenants. En cas d'infraction constatée, les tribunaux britanniques seraient compétents. La même infraction serait introduite dans le droit irlandais en cas d'introduction au Royaume-Uni via l'Irlande du Nord d'une marchandise qui ne satisferait pas aux critères douaniers et sanitaires des lois britanniques. Les tribunaux irlandais seraient compétents et, en dernier ressort, la Cour de justice européenne. 

 Des procédures réciproques 

Cela dit, l'interprétation des normes reste un problème des deux côtés. Les auteurs proposent toutefois que, s'agissant des normes européennes, la Cour de justice européenne aurait le dernier mot tandis que, s'agissant des normes britanniques, les cours britanniques seraient les arbitres finaux. La réciprocité des procédures garantirait ainsi l'absence de frontière entre les deux Irlandes, sachant que les contrevenants s'exposeraient à des sanctions lourdes, certaines et équivalentes… Les deux ordres juridiques, britanniques d'un côté, européen de l'autre, se protègent mutuellement. Après 46 ans de vie commune, la confiance réciproque entre le droit anglais et le droit européen est un présupposé qui n'est pas hors de portée. 

 Il n'y aurait donc pas de postes-frontière entre les deux Irlandes. Les auteurs proposent que des centres de conformité aux standards européens soient installés dans le territoire britannique afin d'aider les entreprises à se mettre aux normes et la réciproque serait vraie en République d'Irlande de manière à ce que les exportateurs vers le Royaume-Uni puissent s'assurer que les standards britanniques seront bien appliqués. Les douaniers des deux ordres juridiques pourraient ainsi coopérer étroitement. 

Un écart de compétitivité 

Que se passera-t-il lorsqu'un produit au Royaume-Uni sera moins cher qu'au sein de l'Union européenne du fait d'un grand différentiel de taxes ? Le produit sera donc présent en Irlande du Nord et il suffirait de traverser la rue, en venant de la République d'Irlande, pour qu'un citoyen européen puisse se l'approprier à moindre coût. L'inverse pourrait aussi être vrai. Cela entraînerait des écarts de compétitivité entre les entreprises des deux marchés… 

 En fait, cela n'a rien d'un nouveau problème. L'Union européenne a déjà des règles en la matière dès lors que des particuliers passent une frontière pour acheter ici de l'essence, là du tabac, plus loin des cigarettes… En dessous de certaines quantités tolérées, les « dommages » subis à l'intégrité du marché unique restent négligeables. D'ores et déjà, le droit de l'Union permet à des États membres de passer des accords bilatéraux pour réguler ce commerce des transfrontaliers, relèvent les auteurs de la note. 

Cette solution alternative au « backstop » est loin d'être bête, mais elle n'est pas sur la table… Il faudrait que les émissaires de Boris Johnson la proposent rapidement, car les 27 ont décidé d'attendre que le Royaume-Uni, le pays demandeur, fasse la démarche… Ce n'est qu'ensuite que les juristes du négociateur européen Michel Barnier examineraient éventuellement la pertinence de cette solution et envisageraient les moyens de modifier en conséquence la clause dite du « backstop ». À 44 jours du 31 octobre, aucun signe ne montre qu'une telle discussion est amorcée… Le titre de l'article des trois juristes ? « Une proposition que l'UE et le Royaume-Uni ne peuvent refuser. » Mais pour cela, il faudrait que le Brexit soit une affaire rationnelle à Londres… On en est loin.


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