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Ce mystérieux Jean-Chistophe Rufin, l'Excellence qui balance

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Ce mystérieux Jean-Chistophe Rufin, l'Excellence qui balance
Ex-ambassadeur au Sénégal, l'écrivain dénonce la mainmise de l'Elysée sur la politique étrangère de la France. Non sans ambiguïtés.


Les pieds dans le plat. Jean-Christophe Rufin a attendu son départ de l'ambassade de France à Dakar pour dire tout le mal qu'il pense de la diplomatie française : un ministère « marginalisé », des pratiques « du passé », un exécutif au coeur des « réseaux » africains. Pourquoi cette soudaine saillie ? Portrait d'un ambassadeur ambigu.
Vrai Don Quichotte ou faux chevalier blanc ?

Il a tiré au bazooka. D'abord dans un entretien à une radio privée sénégalaise, Radio Futur Média (RFM), diffusé le dimanche 4 juillet, quatre jours après son départ :

    « Le Quai d'Orsay a été complétement marginalisé sur les questions africaines, complétement ! (…) Je pensais sincèrement que nous entrions dans une période de rupture -c'est ce qui avait été dit- avec des pratiques du passé. »

Sa première cible : Bernard Kouchner et sa vitrine « people », jugé inapte à endiguer la puissance présidentielle. Deuxième salve, dans les médias français (France Inter, Le Nouvel Observateur), en direction de l'Elysée. Extrait dans Le Monde :

    « Ces dernières années, un mode de gouvernance particulier s'est construit : les affaires africaines les plus sensibles sont tranchées par Claude Guéant, qui est un préfet et n'a pas une connaissance particulière de l'Afrique.

    Dans ce domaine qu'il s'est réservé, le secrétaire général de la présidence agit d'autant plus librement qu'il n'en répond ni devant l'Assemblée ni devant le gouvernement. Il dépend du seul président de la République, dont j'ignore s'il est complètement informé des initiatives de son collaborateur. »

Réponse d'un diplomate bien informé sur les coulisses du ministère :

    « Cela faisait un an que Rufin voulait quitter Dakar. On lui a proposé la direction des instituts culturels, il a refusé, notamment parce que cela n'englobait pas l'audiovisuel extérieur [rattaché au ministère de la Culture, ndlr].

    Puis il a réclamé un beau poste d'ambassadeur, mais ça ne s'est pas fait. On lui a fait une autre proposition de poste, plus modeste, qu'il a refusé. »

En clair, Jean-Christophe Rufin, 58 ans, est amer et il l'a fait savoir. La vengeance s'est dégustée à chaud.
« Les dossiers sensibles, c'est à l'Elysée que ça se passe. »

Cela justifie-t-il la virulence de la critique ? Comme dans toutes les affaires diplomatiques, le débat est complexe. Rufin dit tout haut ce que beaucoup de diplomates pensent tout bas :

    * Le ministère des Affaires étrangères manque de crédits (moins 25% en vingt ans).

    * Il a été dépouillé de quelques attributs : l'audiovisuel extérieur français (AEF rattaché à la culture pour éviter le conflit d'intérêt entre le ministre Bernard Kouchner et sa femme Christine Ockrent, directrice générale), l'adoption, des pans entiers de la coopération.

    * Ses réseaux (les alliances françaises, les consulats) sont en perte de vitesse.

Quelques jours après une tribune cosignée par Alain Juppé et Hubert Védrine dénonçant cette politique, le coup de gueule tombait bien. Pour autant, peut-on suivre jusqu'au bout sa démonstration ? L'accusation de centralisme élyséen sur les affaires africaines, via Claude Guéant, fait sourire notre habitué :

    « L'Afrique occupe une part minime du temps de Guéant. Il fait des interventions limitées et ponctuelles. Il pèse sur certaines affaires dans certains pays, mais en faire le “deus ex machina” de l'Afrique, c'est exagéré.

    Sur les dossiers, on travaille quotidiennement avec le Quai d'Orsay. Mais sur les dossiers sensibles, c'est à l'Elysée que ça se passe. »

Le « domaine réservé » fustigé par l'ex-ambassadeur remonte, au moins, à 1958. Et cela n'a jamais changé, de Giscard à Chirac, en passant par Mitterrand. Rufin l'africain pouvait-il l'ignorer ? Pas réellement, estime un de ses amis :

    « Il y a chez lui un mélange d'idéaliste et d'opportunisme. Mais quand tu connais le fonctionnement du pouvoir, tu n'y vas pas. Pas sur le thème de la rupture en tout cas. »

Or, Rufin connaît très bien le « fonctionnement du pouvoir », ses compromis et ses compromissions.
En 1985, Rufin choisit de rester en Ethiopie

Dans le milieu humanitaire, l'histoire est connue. En 1985, alors qu'il mène une mission médicale en Ethiopie pour AICF, le docteur Rufin décide de rester sur place, contre l'avis de ses copains de Médecins sans frontières (MSF) et la plupart des humanitaires, qui veulent quitter le pays pour dénoncer l'organisation par le pouvoir de mouvements de population forcés déclenchant des famines.

Dans ce camp-là, son ami Rony Brauman, qui se confie quinze ans plus tard à Libération :

    « Je n'ai jamais compris pourquoi. Il a toujours éludé la réponse, en me disant qu'il y avait des raisons cachées, que je les saurai plus tard… »

Depuis cette époque, le soupçon plane sur les multiples emplois du neurologue. Soupçon qu'il explore dans son roman « Asmara ou les causes perdues », paru en 1999, où le personnage principal s'interroge sur sa propre instrumentalisation par les services secrets.

Rufin l'écrivain a d'ailleurs fait de sa vie et d'une fascination pour l'univers trouble du renseignement la matière de plusieurs livres. Dernier en date : « Katiba », où il raconte la traque des membres d'Al-Qaïda par les agents de la DGSE, suite à l'assassinat de quatre touristes en Mauritanie. Une situation vécue par l'ambassadeur en direct et aux premières loges.

A Bibliobs, il assure qu'il n'a « jamais travaillé pour les services. Ce sont les services de l'ambassade qui ont travaillé sous [sa] responsabilité ». Voire.
Une mystérieuse mission en plein génocide rwandais

De même, il élude toute interrogation sur l'objet réel de la mission menée en plein génocide rwandais en 1994. L'humanitaire est alors conseiller au cabinet du ministre de la Défense, François Léotard.

Avec l'universitaire Gérard Prunier et deux militaires, il convoie début juillet un téléphone satellite jusqu'à Kigali. Officiellement, il s'agit de mettre en place un « téléphone rouge » entre l'Elysée et les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR). La délégation rencontre plusieurs fois le général Paul Kagamé.

Voici la version de Rufin :

    « Je devais prendre contact avec les responsables politiques qu'allaient découvrir les soldats. A Kigali, sous contrôle militaire, j'ai rencontré pendant trois jours Paul Kagamé, froid, pas précisément le genre “bonjour patron”. Mais je crois à l'Afrique du respect et de l'égalité et les choses se sont bien passées. »

En fait, d'après plusieurs sources, la mission du tandem Prunier-Rufin aurait surtout consisté à négocier la libération de soldats français du commandement des opérations spéciales (COS) capturés par les rebelles du FPR dans l'ouest du pays. Un petit secret de la République, démenti par l'intéressé. En toute « transparence ».


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