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Covid-19 : les étudiants les plus précaires acculés par le confinement

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Covid-19 : les étudiants les plus précaires acculés par le confinement
Bons d'achat alimentaire, découverts à la banque... À une semaine des partiels de fin de semestre dans les universités françaises, des étudiants racontent à France 24 leurs difficultés du quotidien, exacerbées par la crise du Covid-19 et l'épreuve du confinement.


S’il est une chose qu’Imane a retenu du discours tenu par Emmanuel Macron, c’est l’aide sans délai promis par le président pour "les étudiants les plus précaires", dans son allocution télévisée du mardi 13 avril. Depuis plusieurs semaines, l’étudiante de 21 ans se nourrit uniquement grâce aux bons d’achat Carrefour de 50 euros, que son assistante sociale lui envoie quand ses placards sont vides. 

“Au début du confinement c’était très compliqué, car les aliments les plus accessibles ( pâtes, farine…) manquaient dans les rayons. J’ai dû acheter des produits de marque trop chers. Mais j’ai fini par trouver des tactiques. J’ai pu acheter des légumes. Pour la viande, ça dépend des fois”, raconte Imane. L’étudiante ne sort pas beaucoup de son studio de 28 m2, situé dans une résidence universitaire à Paris. De ses fenêtres, elle a vue sur la cour du bâtiment d’en face. Elle préfère ce calme à la rue passante de son quartier de Choisy dans le 13e arrondissement de Paris.

Impossible de payer le loyer de la résidence universitaire

En rupture familiale depuis un an, la jeune fille n’a pas eu la possibilité de se réfugier chez ses parents à l’annonce du confinement le 17 avril. À l’étage de sa résidence universitaire, ils ne sont que trois sur huit à être confinés dans leur chambre. Tous ceux qui sont restés ont été priés de  continuer à payer leur loyer au Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) durant la période de confinement. Pour Imane, il s’élève à plus de 525 euros par mois. Une somme qu’elle n’a pas. “C’est absurde, les étudiants qui sont restés font partie des plus précaires, alors que ceux qui ont quitté leur résidence étudiante de façon temporaire sont exonérés. Nous avons lancé une pétition et nous demandons à l’État d'exonérer aussi les étudiants contraints de rester dans leur résidence universitaire”, s’indigne Mélanie Luce, la présidente du syndicat étudiant Unef.

Pour soutenir financièrement les étudiants, le ministère de l’Enseignement supérieur a débloqué, fin mars, 10 millions d'euros dédiés à des “aides spécifiques d'urgence attribuées par le Crous [numéro vert pour demander ces aides 0 806 000 278]”. Un investissement “nécessaire, mais loin du compte”, selon l’Unef. “Ces aides sont déjà largement utilisées en temps normal, seuls 20 000 étudiants supplémentaires pourraient en bénéficier grâce à cet investissement. C’est positif mais malheureusement dérisoire, compte tenu de l’ampleur des étudiants en situation d’urgence : rappelons que près d’un étudiant sur deux est salarié en temps normal”, souligne le syndicat étudiant.



Imane, qui a déposé un de ces fameux dossiers de demande d’aide, avec l’appui de son assistante sociale du Crous, attend toujours une réponse. “Je devais commencer un job de baby-sitter trois jours avant le confinement. J’avais enfin trouvé un emploi stable, j’en avais assez des petits boulots en interim, des jobs de caissière et chez McDo. Ça m’inquiète aussi pour l’après. Est-ce que mon contrat sera maintenu ? En attendant j’épluche les annonces et je postule pour cet été”,  raconte l’étudiante.

Julia*, elle, vient de poser sa démission. L’étudiante de 20 ans était caissière chez Auchan à Val d’Europe (Seine-et-Marne) depuis la rentrée. Un job étudiant “pour faire une ligne de plus” sur son CV et se payer des vacances. Étudiante en licence de gestion, elle n’a pas trouvé d’emploi dans son secteur. “Je m’étais dit que dans la vente, même si c’est au ‘bas de l’échelle’ ça m’apporterait une expérience quand même. J’en ai besoin car j’ai un mémoire à rendre sur une expérience professionnelle en troisième année”. Mais depuis le début du confinement, son job étudiant a viré au cauchemar. “Je suis épuisée, on a des clients en continu et, entre chaque passage en caisse, on est de corvée de ménage sur les tapis, les plexiglas, les terminaux de paiement et les anses de paniers. J’ai été opérée du dos, mes douleurs reviennent, je ne tiens plus la cadence”, confie la jeune femme.

Julia habite chez ses parents, elle s'inquiète aussi pour la santé fragile de sa mère : “C’est vraiment ce qui m’a décidé à poser ma démission, j’ai peur de la contaminer car si ça se trouve je suis asymptomatique. Au travail on a un masque par jour, les mesures de protection chez Auchan ne sont pas suffisantes.”

Pour Léa*, 23 ans, hôtesse d’accueil le jour dans une grande entreprise basée à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et baby-sitter la nuit pour des familles parisiennes, le chômage partiel accordé par l’entreprise qui l’emploie va tout juste servir à payer son loyer de 650 euros en colocation et rembourser les échéances de son prêt étudiant qui s’élèvent à 525 euros par mois. “En ce moment je n’ai qu’un découvert de 150 euros, je trouve que je m’en sors plutôt bien”, se rassure l’étudiante en sophrologie. 

L’une des familles qui l’employait en baby-sitting a proposé de continuer à la payer “par solidarité” malgré l’arrêt de ses activités, l’autre a mis fin à son contrat. La jeune fille estime sa perte de revenus à 400 euros ce mois-ci. “C’est l’argent qui me servait à sortir et à manger mieux”, précise-t-elle. Léa estime qu’elle va devoir surveiller sa consommation de viande ce mois-ci et acheter moins de produits de qualité. “Mais ça devrait aller, j’ai opté pour un paiement en différé avec ma carte bleue”.

L'angoisse des examens de fin de semestre

Au stress induit par la perte de revenus, s’ajoute l’anxiété des examens de fin d’année qui approchent. “Le pire c’est l’incertitude”, confie Imane à une semaine de ses partiels. “On ne sait pas encore quelle forme ils prendront”, s’inquiète l’étudiante en Sciences du langage à l’université Paris-Nanterre. Elle a déjà eu du mal à rendre un devoir en ligne la semaine dernière à cause des problèmes d’engorgement sur la plateforme en ligne de son université.

“Les professeurs ont accepté qu’on envoie en différé, de façon à échelonner les connections sur le site. Comment va-t-on procéder pour les partiels si on doit se connecter tous en même temps ?”, s’interroge l’étudiante. “En 2018, ma fac était bloquée, nous avions eu des partiels en ligne. Le site avait planté et j’avais dû recommencer toute l’épreuve à 10 minutes de la fin. Alors, pour la semaine prochaine, ça me stresse trop...”, confie Imane. 

Chez Julia, qui loge chez ses parents, le wifi ne fonctionne pas très bien. Elle utilise la 4G de son téléphone. “J’ai déjà eu un partiel en ligne et je n’ai pas réussi à déposer mon devoir sur la plateforme. J’ai eu très peur, j’ai écrit au professeur et il a accepté de recevoir mon devoir par mail”, relate l’étudiante en gestion. L’Unef estime que 10 % des étudiants ont des difficultés d'accès aux outils numériques (enquêtes menées auprès d’étudiants des de Paris 2-Panthéon-Assas, de Rennes 2 et de Lorraine). 

“Nous préférerions que les étudiants soient évalués par des devoirs maison, avec des dates de rendu indicatives, ce qui n’est pas une solution idéale non plus. Mais des partiels classiques ne garantissent pas l’égalité”, alerte Mélanie Luce. “Ceux qui n'ont qu’un ordinateur pour toute la famille, ceux qui doivent étudier de chez eux, tout en faisant face à des violences familiales, ce sont eux, les plus précaires, qui seront une fois de plus pénalisés.”


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