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CRISE FINANCIERE : Monnaie ouest-africaine, où es-tu ?

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CRISE FINANCIERE : Monnaie ouest-africaine, où es-tu ?
L’idée de la création de monnaies sous-régionales ou même d’une monnaie commune africaine a, à plusieurs reprises, été évoquée sur notre continent, surtout au lendemain du choc ressenti à l’occasion de la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. Mais jusqu’à présent, on n’a rien vu venir.

La même question ressurgit à présent, dans un contexte vraiment difficile où la crise mondiale se trouve aux portes de l’Afrique. Et pour le cas précis de la zone ouest africaine, il existe des raisons sérieuses qui militent en faveur de la création d’une monnaie commune.

Il n’existera jamais de souveraineté vraie -quelle qu’en soit la nature- sans celle économique. Quelle forme de développement est-on appelé à construire, tant que votre monnaie -le nerf de la guerre- dépendra de celle d’autrui ? La France se bat certes, et sans doute, continuera de le faire dans le but de conserver l’arrimage du franc CFA à son euro. Elle joue des pieds et des mains pour garder la parité fixe Euro-CFA. Et elle le présente comme un solide avantage qu’elle offre généreusement à ses anciennes colonies, preuve, s’il en était, d’une magnanimité à toute épreuve. Sans doute, mais tout n’est pas dit, et on imagine aisément que si ces filleuls devaient un jour représenter comme un boulet pour elle, elle s’en débarrasserait aussitôt et sans état d’âme. Il faut le reconnaître, si la France tient tant à sa zone CFA, c’est qu’elle en retire du substantiel, et certainement beaucoup plus qu’on ne le croit.

On se rappelle le climat de psychose qui s’empara de ces pays africains, à la veille de la dévaluation de 1994. Dévaluera ? Ne dévaluera pas ? Nombre d’experts africains et occidentaux avaient alors juré, la main sur le coeur, que le "désastre" n’arriverait pas. Non, jamais, en aucune façon. "On" vous protège. Et pourtant, le désastre se produisit. Et avec lui, s’installa tout le cortège de malheurs économiques et sociaux dont les pays frappés de plein fouet peinent encore à se relever, même s’il se trouve toujours des connaisseurs expérimentés pour convaincre que c’était la panacée inévitable, et que ceux qui gémissent parce qu’ils la subissent ne savent pas tout le bien qu’elle finira par leur apporter. Si cela n’est pas du cynisme, ça y ressemble tout de même.

De tous les pays aujourd’hui développés, chacun a forgé sa monnaie propre. Il est impensable qu’après 50 années d’indépendance, on accepte avec complaisance un quelconque arrimage de sa monnaie sur une autre, étrangère, celle de son ancien colonisateur, quelles que soient les raisons que l’on puisse invoquer. Une séparation s’impose, pour sa propre sécurité économique et pour la revendication vraie de sa propre souveraineté et de son indépendance. Car si en plus de ne pas avoir de langue ni d’écriture bien à lui, l’Ouest Africain devait être lié à tout jamais par sa monnaie à celle de ses anciens maîtres, il faut se l’avouer, il y aurait comme quelque chose qui relève quelque part d’un masochisme malsain. Ils n’ont d’ailleurs pas tort, ceux qui se moquent de certains accords économiques liant les anciennes colonies aux anciennes métropoles, et qu’ils gratifient volontiers du qualificatif d’incestueux".

Reste à savoir cependant pourquoi on hésite à franchir le pas de la rupture. Qu’est-ce qui, réellement, empêche de se jeter à l’eau ? Car nul ne peut sérieusement nier aujourd’hui que le continent africain a peur. Si de grands ensembles, à l’instar des Amériques et de l’Europe ressentent si fort les effets de cette crise financière planétaire, qu’en sera-t-il de l’Afrique ? La tension qu’on y ressent est de plus en plus intense, et légion sont ceux qui de jour en jour se demandent à quelle sauce ils seront mangés.

Qui ignore à ce jour les effets pervers de la vie chère, conséquence directe de la flambée du prix de l’or noir ? Mais alors, pourquoi refuse-t-on malgré tout le risque de la "séparation" ? Peut-être parce que les économistes de l’Afrique CFA ont été trop modelés à l’école de l’ancienne métropole et n’ont de modèle possible qu’elle. Un "dés-arrimage" leur paraît alors absolument impossible, voire impensable. Plus, ils vous en dissuadent bien vite, énumérant à l’envi tous les avantages possibles et imaginables que représente l’attelage Euro-CFA. L’argument massue demeurant bien sûr celui selon lequel la France vole bien volontiers au secours de ses anciennes colonies en cas de difficultés économiques ou financières.

Soit, mais il est raisonnable de rappeler aussi qu’on ne sauve pas quelqu’un de la noyade si on doit soi-même périr à sa place. Mais il semble que l’obstacle le plus récalcitrant à cette indépendance monétaire ouest africaine vienne de ses responsables politiques qui, résolument, refusent que l’on sectionne ce désormais célèbre cordon ombilical. Les raisons en sont certainement diverses et variées. Réussir une monnaie unique suppose énormément de préalables au nombre desquels : gestion saine, rigueur, planification, refus de la gabegie, du clientélisme, de la corruption. Les anciennes colonies ouest africaines ne se sont pas fait un saint nom en la matière. On comprend alors les atermoiements, les réticences, les reculades, car la bonne gouvernance est une base idéale sur laquelle pourrait -devrait- se construire une monnaie commune forte et saine.

Tout cela est fort regrettable, d’autant plus qu’il existe déjà dans cette entité géographique une monnaie commune. Un groupe de six pays (Nigéria, Ghana, Sierra Leone, Gambie, Liberia et Guinée) a décidé de créer sa propre monnaie, en dehors du franc CFA. L’exemple est sans doute à suivre, ne serait-ce que par simple réalisme économique. Une fois de plus, les pays anglophones d’Afrique auront donné le ton et montré la voie.

A l’heure où se lève à l’horizon comme un cataclysme infernal qui promet de tout dévorer sur son passage, chacun se met à l’abri du mieux qu’il peut. L’Ouest africain aura sans doute lui aussi , intérêt à plus compter sur ses propres forces, que de rechercher absolument les ailes protectrices d’une quelconque ex-mère métropole, car cette dernière risque de ne pas en avoir le temps, trop occupée qu’elle sera, à assurer elle-même sa propre survie. Il lui faut dès à présent risquer de franchir le pas ; le faire ne relève pas vraiment de la vertu, mais d’une véritable nécessité.



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