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Le veto climatique, pomme de discorde sur le Ceta

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Le veto climatique, pomme de discorde sur le Ceta

L'Assemblée nationale a approuvé mardi de justesse la ratification du Ceta, ce traité controversé de libre-échange entre l'UE et le Canada. L'un des principaux points de divergence porte sur le veto climatique. Explications.
Quoi de plus normal qu'en pleine canicule, au centre de l'hémicycle de l'Assemblée nationale, les esprits s'échauffent. Surtout lorsqu'il s'agit de voter, mardi 23 juillet, le controversé traité de libre-échange entre l'UE et le Canada, plus connu sous le nom de Ceta. Il faut dire que l'enjeu est de taille : le document devrait régir les nouvelles règles commerciales entre le Canada et l'Union européenne pour les années à venir, puisque les députés français ont approuvé le texte de loi.

Parmi les points de divergence portant sur le document de plus de 2 300 pages, certains parlementaires redoutent que des viandes nourries par des farines animales interdites en France ou élevées avec des antibiotiques et hormones de croissance (ou les trois) ne se retrouvent sur l'Hexagone, en dépit des normes européennes qui les interdisent. Mais un autre point cristallise tout particulièrement les passions : celui du veto climatique.

Le veto climatique, condition sine qua non

Le veto climatique est une disposition juridique qui permet à l'Union européenne et au Canada de protéger des décisions gouvernementales des États portant sur l'environnement ou le climat en cas d'attaques juridiques des entreprises. Pour comprendre cette mesure, il est nécessaire de revenir sur le volet "investissements" du traité : une juridiction spéciale donne en effet la possibilité aux entreprises d'attaquer en justice un État membre de l'Union européenne ou le Canada s'il vote une loi ou réforme qui porterait atteinte aux projets d'investissements économiques de l'entreprise. Concrètement, si la France vote une loi qui interdit le glyphosate sur son territoire, une entreprise canadienne qui vend cet herbicide à la France peut attaquer l'État français en justice au prétexte qu'il fait entrave à l'investissement de l'entreprise canadienne.

Pour empêcher ce type de blocage, la commission, présidée par Katheline Schubert, qui a rédigé le traité de libre-échange, avait donc prévu un veto climatique, sorte de botte secrète qui donne la possibilité à un État de stopper les poursuites devant cette juridiction spéciale si la réforme engagée par l'un des États concernait l'écologie. L'ancien ministre de l'Écologie, Nicolas Hulot, avait même fait de ce garde-fou, à l'époque où il était au gouvernement, une condition sine qua non à la ratification du Ceta.

Problème, une nouvelle mouture du "veto climatique" a été rédigée depuis par le gouvernement et ne comprend plus d'aspect contraignant. Dans sa dernière version, il ne s'agit en effet plus que d'un "avis" délivré par une commission mixte. En d'autres termes, une entreprise vendant du glyphosate à la France, qui l'aura préalablement interdit, pourra continuer à faire commerce sur l'Hexagone en dépit d'un avis défavorable.

Aucune certitude

Une mesure qui met les ONG et associations environnementales vent debout. "Il n'y a pas de veto climatique : il ne sera pas possible de déroger aux règles du commerce international, au nom du principe de non-discrimination des investisseurs par exemple", s'insurge sur son compte Twitter Maxime Combes, porte-parole d'Attac.

La juriste Sabrina Robert-Cuendet, l'une des neuf experts de la commission d'évaluation du traité, à l'origine de l'idée du veto climatique, n'a pas non plus caché sa déception à la lecture du texte définitif présenté à la presse le 9 juillet dernier. "Le mécanisme choisi ne nous permet pas d'avoir la certitude absolue que des mesures climatiques ne seront pas attaquées dans le cadre du Ceta", a-t-elle expliqué dans les colonnes du Monde, le 16 juillet.

Cet aspect du texte est à ce point important que certains députés, à l'instar de l'ancien porte-parole de Nicolas Hulot, Matthieu Orphelin, ont même assuré quelques jours avant sa présentation au Parlement qu'un veto climatique en bonne et due forme pouvait peser dans la balance le jour du vote.

L'autre pomme de discorde porte sur la commission mixte qui donne son avis. Pour qu'un avis soit donné, il faut encore que l'assemblée composée de représentants du Canada et de l'UE se prononce à l'unanimité. Or peut-on envisager que des membres canadiens pour moitié fassent fi des intérêts économiques de leurs entreprises nationales ? On peut s'interroger.

Des marcheurs dispersés dans la nature

À ce stade, on ne connaît pas la liste des représentants de cette commission : on ignore donc quelles seront leurs motivations en matière d'intérêts économiques, ni même leurs ambitions environnementales.

Malgré les critiques tous azimuts, le gouvernement français assure que "les produits interdits à l'entrée de l'UE le resteront, le Ceta n'y change rien", a assené sur Twitter Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, qui a défendu le texte devant l'Assemblée. "Un accord comme le #Ceta contient des clauses qui permettent une meilleure protection de l'#environnement et une meilleure prise en compte des normes, des labels, des AOC, des IGP. C'est un mieux-disant par rapport aux accords de l'#OMC !", a poursuivi le secrétaire d'État dans un autre tweet.

De l'autre côté de l'Atlantique, le gouvernement canadien de Justin Trudeau a toujours affiché ses ambitions en matière d'environnement. Mais rien ne garantit que le futur chef de l'exécutif soit sensible à ces questions. Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, qui pourrait succéder à l'actuel chef du gouvernement, n'est d'ailleurs pas connu pour sa fibre écologiste.

On ignore pour l'heure si ce traité va créer des tensions entre le Canada et l'Union européenne, ni même s'il aura les risques décriés pour l'environnement. Mais une chose est sûre, le Ceta, approuvé avec justesse au Parlement, a déjà fait du grabuge dans les rangs de la majorité. Seuls 229 macronistes l'ont approuvé mardi, sur les 304 membres du groupe. Du jamais-vu chez les marcheurs depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017.



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