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LENA SENE OUVRE SES CARNETS SECRETS: «Je suis un produit de l’école publique»

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LENA SENE OUVRE SES CARNETS SECRETS: «Je suis un produit de l’école publique»
Léna Sène. Ce nom ne dit sans doute pas beaucoup de choses aux sénégalais. Aux confluents de plusieurs cultures, cette femme qui allie intelligence, grâce et beauté est née aux Etats-Unis et grandi au Sénégal. Elle a grandi au Sénégal, sous l’aile protectrice d’une maman ukrainienne Valentina Yakovenko et d’un père communiste, Ibrahima Sène, le chargé des affaires économiques du parti pour l’indépendance et le travail (PIT). Comme Obama, elle est le fruit d’un métissage racial et culturel. A l’âge mûr, l’une ses rares sénégalaises à avoir travaillé à la Maison blanche, après un passage à J P Morgan Bank et Lehman Brothers Bank, donne les clefs de la victoire d’Obama, scrute les conséquences pour l’Afrique en même temps qu’elle revisite son enfance et sa jeunesse passées entre Kaolack, Thiès et Dakar. Entretien avec une femme qui a difficilement accepté de se confier à L’Obs.

Pouvez-vous rapidement vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Léna Sène. Je suis née à Washington, mais j’ai grandi ici, entre Thiès, Dakar et Kaolack avec ma grande sœur et mon petit frère. Mes parents sont Ibrahima et Valentina Sène, des ingénieurs agronomes à la retraite. Ils m’ont appris tout ce que je sais et j’ai reçu de leur part une éducation assez stricte mais aussi très épanouie. Souvent pendant l’été, nous allions avec mes frères en Ukraine, rendre visite à la famille de ma mère. C’est à l’âge de 18 ans que je suis retournée aux États-Unis pour poursuivre mes études supérieures. J’ai donc eu, une jeunesse très active et colorée qui combinait la culture Sénégalaise et Ukrainienne.

Et vous avez réussi à combiner toutes ces influences culturelles ?

En fait, quand on grandit dans un environnement déterminé, on s’y adapte forcément. Donc pour moi, il n’y avait rien de spécial. C’était une jeunesse comme toutes les autres. Toutefois c’est quand je suis retournée aux Etats-Unis, je me suis rendu compte que mon enfance était assez particulière, car j’étais entourée pour la plupart du temps, d’américains qui ne comprenaient pas comment je pouvais parler à la fois le Russe, le Wolof, Français et connaître si bien l’Afrique. C’est là que j’ai réalisé la chance que j’avais. Une vraie baraka.

Mais comment vous définissez-vous culturellement ?

Moi ? Je suis Sérère ! C’est ici le pays où j’ai grandi. Beaucoup de mes amis sont encore ici. J’ai aussi mes souvenirs de jeunesse dont je me remémore souvent dans les moments durs. Cela me permet de me rendre compte de l’opportunité que j’ai eue de poursuivre mes études et de travailler dans des cadres difficiles à pénétrer. Tout cela m’encourage à persévérer et à aller de l’avant.

Quels souvenirs gardez-vous exactement du Sénégal ?

Mes meilleurs souvenirs tournent autour des fêtes. Nous avions l’habitude chez nous, de célébrer toutes les fêtes. Chrétiennes comme musulmanes. On invitait la famille et nos amis. Il y a aussi mes souvenirs d’écolières et de lycéennes, surtout lorsque j’étais au lycée Malick Sy de Thiès et à Seydou Nourou Tall avec les professeurs qui nous ont beaucoup encadrés et poussé à prendre nos études au sérieux. A tous ces enseignants qui m’ont encadrée, je leur dois une bien fière chandelle. Je dois donc dire que j’ai eu beaucoup d’influences positives qui m’ont aidé à aller de l’avant.

Vous avez gravi rapidement les échelons. Quelle est cette force qui vous a si vite propulsée ?

Ma formation ici m’a beaucoup aidé. Le fait est que je suis un produit de l’école publique qui est souvent critiquée au Sénégal et même aux États Unies. Mais c’est à partir de là que tout a commencé. Mes parents aussi ont joué un très grand rôle dans mon éducation, tout comme ceux de mes frères. Au- delà de ça, il y a l’opportunité que j’ai eu d’étudier aux États Unis et ma détermination à réussir, à rendre fier mes parents et mon ouverture d’esprit. La chance y est aussi pour quelque chose. Par exemple, il m’a été donné de vivre par pur hasard, une expérience à la Maison blanche à travers mes activités avec une organisation non- gouvernementale que j’ai aidée à démarrer. Et c’est quand j’ai présenté mon rapport aux membres du Congrès à Washington, que certains d’entre eux m’ont parlé de ce concours pour travailler à la Maison blanche pendant un an. La leçon à retenir, c’est que, on ne peut pas tout planifier dans la vie, mais c’est en poursuivant sa passion que les opportunités s’ouvrent.

Est-il facile pour une femme comme vous de vivre aux Etats-Unis ?

Je suis aux États-Unis depuis 96. Au début, c’était assez difficile de m’intégrer. Mon Anglais n’était pas parfait, même si je l’avais appris ici auparavant. Sans compter le fait que j’étais loin de ma famille. Il y avait également le climat qui était absolument insupportable. Plus d’une fois, j’ai voulu abandonner et revenir chez moi. Avec le temps et les amis que je me suis faits, je me suis finalement adaptée. Et c’est justement mes souvenirs et les photos du Sénégal que j’avais emportés avec moi, qui m’aidaient à me soulager.

Vous exhortez donc les jeunes à faire preuve de plus d’audace ?

Absolument ! C’est valable pour tout le monde. C’est vrai que dans un pays comme le nôtre, on n’a pas toujours le choix, mais je pense que c’est très important de ne pas laisser les conditions qui nous entourent nous limiter. Il faut avoir l’audace de poursuivre les voies qui ne sont pas traditionnelles.

Parlez-nous un peu de votre expérience à la Maison blanche

Honnêtement, c’était une expérience inoubliable. Le programme en tant que tel a été établi en 1964 par Lindon Johnson. L’idée était d’attirer un certain nombre de jeunes Américains pour représenter les partis démocratique et républicain. Et pour mon cas, c’était celui démocrate. Ce n’était pas facile pour moi de joindre l’administration de Bush car il y a beaucoup de choses pour lesquelles je suis contre, tout de même c’était assez enrichissant. Pour être sélectionné, il fallait obtenir un certain niveau d’accès, des investigations très poussées sont aussi menées sur chaque candidat, car nous avions libre cours à des informations très sensibles. Nous avions accès à tous les niveaux du Gouvernement. Y compris le Président. Il fallait donc pour les organisateurs, s’assurer que nous n’allions pas divulguer tout cela. Cela est frustrant, car il y a tellement de choses que j’aurais aimé partager et exprimer avec les autres. Toutefois, c’est une expérience qui, à coup sûr, m’aidera où que je puisse être dans le monde.

Fort de toutes ces expériences, comment vous expliquez-vous la montée en puissance d’Obama qui est un peu dans votre cas, une personne colorée ?

Après toutes les années que j’ai vécu aux États Unies, je me rends compte que c’est un pays qui s’adapte très rapidement aux changements et aux conditions de manière continue. Par exemple, quand j’ai eu mon Bachelor, j’ai travaillé World Street. À mon arrivée, il y avait très peu de femmes et de personnes colorées. Mais petit à petit, ils ont commencé à changer cet état de fait, même s’ils s’appuyaient beaucoup sur la qualification. Ils se sont rendu compte que leurs clients représentaient toutes sortes de nationalités, d’ethnies…etc. Cela m’a vraiment montré que même si le racisme est réel aux États Unis, ils savent reconnaître les qualités d’une personne et une fois fait, il y a beaucoup de forces qui vous propulsent de l’avant. C’est le cas pour Obama qui a réussi à attirer et à influencer les gens qui veulent s’associer au succès. Ses capacités intellectuelles combinées avec la chaleur qui émane de sa personnalité, le soutien des démocrates et des millions volontaires comme moi qui ont participé à sa campagne, l’ont propulsé également. Tout cela a joué sur la balance.

L’Amérique a connu entre autres, l’esclavage, la ségrégation raciale… Avec l’arrivée d’Obama, pensez-vous que c’est la fin d’un processus ou juste une parenthèse de l’histoire ?

C’est difficile de mesurer tout cela. Mais je crois qu’il serait naïf de penser que juste parce qu’il est élu que le racisme va disparaître. En fait je suis d’avis que cela rendra les choses plus difficiles, mais en même temps je pense que la chose la plus importante, c’est l’espoir qu’il donne aux jeunes noirs Américains et aussi aux Africains qui peuvent pour de raisons diverses, liées à l’histoire et à la sociologie, avoir des blocages psychologiques. Il a détruit cette barrière-là. Cela est historique. Et je pense qu’il y aura des ramifications pendant de longues années. Ce n’est pas du tout un événement ordinaire.

«Yes we can», c’était son slogan, que pensez vous qu’il peut faire dans le contexte présent?

Il a déjà commencé le processus en sélectionnant les membres de son cabinet. C’est le genre de changement dont on peut s’attendre de lui. Il n’a pas peur de s’entourer de personnes qui ont de fortes personnalités, de grandes capacités intellectuelles et en même temps qui ne partagent pas les mêmes convictions que lui. Il a laissé un républicain Robert Gates au Pentagone en tant que Secrétaire de la Défense, c’est un signe qu’il cherche à s’entourer des gens les plus qualifiés possible, quelque soit leur politique. Il a aussi le diminué le salaire des exécutifs qui reçoivent l’aide gouvernementale.

Quelles conséquences pour les pays comme les nôtres?

En fait je passe beaucoup de temps à étudier cette question, l’une des thèses que je prépare en ce moment l’analyse. D’après mes recherches, la situation de l’Afrique est une opportunité. Si vous voyez la manière dont s’est écroulé le secteur financier d’abord aux États Unies, ensuite en Europe et dans le reste du monde, c’est parce que l’Afrique n’a pas été un partenaire significatif avec les États-Unis. Dès lors, l’impact de cette crise est moins senti dans nos pays. Les banques aux États Unies n’avaient aucun intérêt pour l’Afrique et maintenant ils réalisent que l’Afrique est la frontière qu’ils n’ont pas encore franchie et qu’il est temps d’explorer ses opportunités. Pour vous donner un exemple, je suis là depuis une semaine pour participer à une conférence qui s’appelle «Destination Afrique» avec une délégation de 60 personnes qui sont des représentants des plus grandes pensions des États-Unis, de Californie et de New-York. C’est pour aider les pensions du monde francophone à mieux gérer les pensions et cela a été initié par Maguette Diop et Donna Sims Wilson. Ils sont donc intéressés parce qu’ils voient que l’Afrique peut être un créneau pour eux, pour s’engager dans un partenariat bénéfique à tous. Cette crise a poussé en fait, les Américains à regarder les Africains en tant que partenaires et qu’eux, à leur tour, prendront cela comme un avantage. Pour ma part je veux trouver le moyen d’encourager ce genre de collaboration avec les institutions Américaines pour le développement de nos pays.

Quel regard jetez-vous sur l’Afrique?

Un regard optimiste réaliste, parce que je vois d’énormément d’opportunités. La seule difficulté est de les saisir et de faire en sorte qu’ils soient exploités à bon escient par ceux qui ont les capitaux. Ce qui rend les choses compliquées, c’est aussi le rôle de nos gouvernements. Il faut qu’ils soient beaucoup plus engagés, agressifs et transparents, quand il s’agit de se positionner et de faire les changements nécessaires dans nos pays pour pouvoir attirer le reste du monde. Également, cela fait partie de mes grands plus grands rêves, que l’Afrique se réunisse en union économique pour pouvoir compétir avec le reste du monde.

Envisagez-vous de suivre les traces de votre père dans la politique?

La politique m’a toujours intéressé, mais je préfère prendre les choses comme elles viennent. Toutefois je suis ouverte à toutes les opportunités qui se présenteront à moi.

Quels conseils donnez vous aux femmes belles et intelligentes comme vous, mais qui misent trop sur les artifices ? Le maquillage ?

Il n’y a pas de mal de mettre en avant sa féminité, mais en même temps, il est très important de prendre les études au sérieux, c’est la clé de la réussite. Il ne faut pas se limiter par les conditions qui nous entourent.

Dites-nous en un peu plus sur votre personne?

J’aime pas trop parler de moi… J’adore la musique et la danse. J’ai toujours ma musique de Youssou Ndour que j’aime beaucoup. J’ai amené ses morceaux avec moi aux Etats-Unis que j’écoutais pour me relaxer. Je l’écoute dans ma chambre et je danse pour décompresser. Et ça fait du bien, croyez-moi.

Avez-vous quelqu’un dans votre vie?

Pour vous dire la vérité, je suis tellement prise avec mes études que je n’ai pas le temps de m’investir dans une relation. Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas ouverte aux possibilités dans le futur. Mon plus grand rêve, c’est de fonder une famille car pour moi c’est sacré. D’autant plus que les hommes sont là, mais ma priorité reste ma carrière…

MARIA D. T. DIÉDHIOU ET M. WANE



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