Alors que la police américaine enquête sur un "possible crime de haine" après la fusillade d’El Paso, au Texas, plusieurs rapports indiquent une augmentation de ce type de crimes depuis 2015.
La fusillade du samedi 3 août dans la ville américaine d’El Paso, où 20 personnes ont été abattues, "a à ce stade les aspects d’un crime de haine", selon le chef de la police de la ville, Greg Allen. Les motivations du tireur, un homme blanc de 21 ans, ne sont pas encore connues mais les autorités ont mis la main sur "un manifeste" dénonçant notamment "une invasion hispanique du Texas", possiblement écrit par le jeune homme.
Le supermarché où a eu lieu la tuerie est prisé de la communauté hispanique, majoritairement présente dans cette ville à la frontière avec le Mexique. L’auteur du communiqué prétend par ailleurs s’inspirer de l'attentat de mars 2019 à Christchurch en Nouvelle-Zélande, où un suprémaciste blanc avait abattu 51 personnes dans deux mosquées. Ce dernier avait mis en avant le risque, selon lui, d’un "grand remplacement" des Européens blancs par des immigrants du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
"S’il s’avère que le manifeste est lié au tireur, la tuerie d’El Paso met potentiellement en lumière la propagation mondiale de l’idéologie de la suprématie blanche à l’ère des médias sociaux, et à un moment où l’immigration aux États-Unis est devenue un sujet de discorde politique", écrit le New York Times.
"Risque de violence extrémiste"
Les crimes de haine, incluant les agressions et le vandalisme, sont en constante hausse aux États-Unis depuis 2015. Un rapport du Centre d’étude sur la haine et l'extrémisme, basé à l’université de Santa Barbara en Californie et publié le 30 juillet, indique une augmentation de 9 % de ces crimes en 2018 dans les 30 principales villes du pays, avec 2 009 victimes. La tendance est aussi à la hausse pour les premiers mois de 2019.
Selon le rapport, les groupes les plus ciblés sont les afro-américains, les juifs, les homosexuels et, dans une moindre mesure, les membres de la communauté hispanique. Par ailleurs si le nombre d’homicides d’origine "extrémiste" a diminué de 36 en 2017 à 22 en 2018, ils sont de plus en plus le fait de "suprémacistes blancs". Le tragique dernier exemple en date étant le massacre de la synagogue de Pittsburgh en octobre 2018, où un homme avait abattu onze personnes.
Les chercheurs mettent en garde contre "le risque de violence extrémiste [des nationalistes blancs] qui risque de perdurer pendant cette période politique", faisant allusion aux campagnes à venir pour la présidentielle de novembre 2020, qui seront inévitablement accompagnées de rhétorique susceptible d’attiser la haine.
Le centre sur l’extrémisme de l’Anti-defamation league (ADL), qui vise à dénoncer l’antisémitisme, la haine et l’extrémisme, indique que 54 % des meurtres liés à des extrémistes au cours des dix dernières années sont le fait de suprémacistes blancs. L'ONG soutient que la manifestation de suprématistes blancs à Charlottesville en août 2017, où une militante antiraciste avait été tuée par un sympathisant néonazi, a marqué un point de "résurgence de la suprématie blanche aux États-Unis".
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"Effet Trump"
Dans un essai, publié par le Réseau de recherche en sciences sociales (SSRN), deux chercheurs américains vont jusqu’à pointer la responsabilité du mandat de Donald Trump, souvent critiqué pour sa rhétorique anti-migrants et ses sorties parfois jugées racistes, dans l’augmentation des crimes hanieux.
Bien que ce dernier n’ai jamais appelé à une quelconque forme de violence directe, ils analysent le phénomène qualifié par les médias "d'effet Trump" : "L'élection de Donald Trump en novembre 2016 a été associée à une augmentation statistiquement significative du nombre de crimes motivés par la haine signalés aux États-Unis, même en tenant compte d'autres explications. En outre, les comtés qui ont voté en majorité pour le président Trump lors de l'élection présidentielle ont également connu la plus forte augmentation de crimes de haine déclarés", affirment les auteurs.
Le président américain avait été critiqué après l’incident de Charlottesville, lorsqu’il avait affirmé que la responsabilité des violences devait être recherchée "des deux côtés", mettant ainsi dos à dos les membres de la droite suprémaciste et les militants antiracistes.
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L’ADL signale que les suprématistes blancs d’extrême droite, dont de nombreux leaders ont soutenu la candidature du milliardaire, ont "interprété le succès de Trump aux urnes comme un succès pour leur propre mouvement", et qu’ils sont passés depuis 2016 "du militantisme en ligne au monde réel". L’auteur de la tuerie à Christchurch avait présenté le président américain comme un "symbole de l’identité blanche renouvelée".
Pour le candidat démocrate à l’élection présidentielle Beto O’Rourke, la tuerie d’El Paso, d’où il est originaire, est liée à la rhétorique anti-immigration de Donald Trump, qui avait qualifié pendant sa campagne les migrants mexicains de “violeurs” et de "criminels". "Il est raciste et attise le racisme dans ce pays. Cela change fondamentalement le caractère de ce pays et cela conduit à la violence".
L'intéressé n’a pas réagi à cette attaque mais a déploré, dans un tweet, une "fusillade tragique" et un "acte de lâcheté", affirmant qu’il "n'y a aucune raison ou excuse qui justifiera jamais de tuer des innocents".
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