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Meurtre : Geste fatal pour une broutille

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Meurtre : Geste fatal pour une broutille

La barmaid abattue par un client à Genève est la victime d'une banale dispute qui a mal tourné à cause de l'alcool.

Elle n'a pas survécu. Après avoir reçu une balle dans la tête mardi soir dans le bar à champagne genevois où elle travaillait, Fatou est décédée hier en fin de journée. Cette Sénégalaise de 34 ans connaissait bien son meurtrier: Jeff, client assidu des bars clubs des Pâquis. Deux êtres qui s'appréciaient, deux protagonistes d'un drame qui se noue à partir d'une banale histoire d'addition à payer. Comment ce Britannique de 57 ans a-t-il pu en arriver à lui tirer dessus avec son 357 Magnum? Plongée dans le milieu tamisé des filles de comptoir, partagé entre tristesse, incompréhension et colère.

Image © Christian Bonzon

C’est dans ce bar que travaillait Fatou, la jeune Sénégalaise abattue mardi soir par Jeff. La jeune femme et le client se connaissaient et s’appréciaient.

Bref rappel des faits. Mardi soir, dans le quartier chaud de Genève, Jeff se rend au Good Time à la rue de Fribourg, à deux pas de chez lui. Il y boit beaucoup. Puis il affirme qu'il n'a plus son argent, qu'on l'a volé. Il s'embrouille avec la patronne. Alertée, la police intervient. L'homme règle une partie de la note et se fait mettre dehors.

Il s'est senti humilié

Mais il se sent humilié d'avoir été traité de mauvais payeur. Il se rend à son domicile et en revient un peu plus tard avec son revolver. Alors que tout le monde se met à terre, Fatou reste debout. Il l'agrippe et lui tire une balle en pleine tête. Il aurait ensuite poursuivi dans la rue une autre jeune femme, l'arme à la main. Grâce aux témoins, il est rapidement arrêté tout près de là.

Hier, à l'annonce de la mort de Fatou, toutes les filles des bars à champagne étaient sous le choc. Elles évoquent sa gentillesse, sa bonne humeur communicative, son éternel sourire.

Fatou était adorable

Fatou était hôtesse au Good Time depuis quelques mois. Avant cela, elle a travaillé pendant des années dans un autre établissement à la rue de Berne. Son ancienne patronne, Lisa*: «Tous les clients, toutes les filles l'adoraient. Elle était naturelle, toujours de bonne humeur, très douce, très pure malgré le métier qu'elle faisait. On n'arrive pas à réaliser ce qui s'est passé.»

Dans les autres bars clubs des Pâquis, on garde un souvenir similaire de cette jeune femme toujours habillée en noir, petite et mince, un fichu sur la tête. Célibataire et sans enfants, elle n'avait pourtant pas une vie facile. Arrivée à 17?ans du Sénégal avec sa famille, elle travaillait comme hôtesse depuis des années et n'avait pas échappé aux risques qui accompagnent ce métier, comme celui de la cocaïne. «Elle avait moins le coeur à vivre depuis quelque temps, elle se laissait un peu aller, ne se faisait plus ses nattes», observe une barmaid du quartier.

Et l'homme qui a commis l'acte fatal Jeff, un Britannique de 57 ans, habite depuis longtemps un trois-pièces dans la rue même du drame. Grand et corpulent, le visage rougi par l'alcool, il est connu comme le loup blanc dans les bars à champagne, où il laisse des impressions très contrastées: bon client et aimable pour certaines, mauvais payeur et toujours à créer des histoires pour d'autres.

Client à problèmes

Il fréquentait le bar de Lisa du temps où Fatou y travaillait. «Il venait toujours seul. Il aimait la compagnie des filles, il offrait des verres. Il aimait beaucoup Fatou, raconte la patronne. Ici, il se comportait bien, je le surnommais le gentleman de Londres. Personne ne comprend, ce n'est pas Jeff.» Une hôtesse souligne son problème d'alcool: «Il faisait ses courses chez Denner, où il achetait beaucoup de vin et de whisky.» Il pouvait devenir plus agressif quand il buvait beaucoup.

Ailleurs, il était plutôt réputé pour «faire des histoires» au moment de payer. Une tenancière explique qu'elle a dû le mettre dehors: deux fois, il lui a fait le coup de boire des verres et d'offrir des coupes aux filles, puis de refuser de payer. «Avec lui, il y a toujours des problèmes! Je sais qu'il doit toujours régler deux bouteilles dans un autre bar.»

Avec les filles, Jeff ne parlait pas de sa vie privée. «Il restait très secret», témoigne l'une d'elles. Dans son immeuble, il semblait apprécié comme voisin. «Quelqu'un de très sympa, cultivé, qui a plein de livres dans son salon, on discutait bien, il offrait parfois un verre», raconte un locataire.

Alcoolique et dépressif

Mais, même dans son voisinage, on ignore que cet ancien comptable, divorcé et père d'un enfant, ne s'est jamais remis d'un licenciement pourtant ancien. Dépressif chronique, il était depuis une douzaine d'années à l'assurance-invalidité et a fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. Dans un message posté sur un forum en 2007, Jeff affirmait en avoir marre du domaine financier et vouloir se lancer dans l'écriture.

Jeff a pris comme avocat Me Philippe Girod, qui le conseille depuis des années dans ses démarches administratives. L'avocat le décrit comme «un grand bonhomme sympa, à l'humour typiquement britannique, mais très triste», souffrant de problèmes d'alcool. Il a pu parler à son client. «Il ne s'explique pas son geste. Il avait bu et était dans un état second. C'est vrai que, ces derniers temps, il avait un souci de persécution par rapport à l'argent, alors que sa situation financière était modeste mais stable.»

Jeff reconnaît les faits, mais dit ne pas se souvenir précisément des événements. Selon certaines sources, il se serait disputé avec la patronne qui lui reprochait de n'avoir jamais un sou. Il aurait dit qu'il voulait se suicider, mais qu'il voulait d'abord tuer la patronne. Avant de se rabattre sur Fatou...

La juge Gaëlle Van Hove est en charge du dossier. «Je l'ai entendu très brièvement. Il semble choqué», nous a indiqué la magistrate. L'homme, sans antécédents judiciaires, a été inculpé de meurtre, voire d'assassinat.

Jeff avait obtenu un permis d'acquisition d'arme en 1987 et était depuis propriétaire du revolver de calibre 357 Magnum, utilisé le soir du meurtre. Il n'était en revanche pas au bénéfice d'un permis de port d'armes.
* Prénom d'emprunt

Pourquoi est-il passé à l’acte?

Comment expliquer cet état second? Entre le moment où le meurtrier a été mis hors du bar et celui où il a commis son acte, de retour après être allé chercher son arme chez lui, une demi-heure s'est écoulée. Pourquoi ce laps de temps ne lui a-t-il pas permis de sortir de son délire?

Le fait que l'homme était ivre ce soir-là pourrait en partie expliquer son comportement. «Sous l'effet de l'alcool, le seuil du passage à l'acte peut radicalement diminuer», analyse Jean-Bernard Daeppen, médecin responsable au centre de traitement en alcoologie à Lausanne. Et de rappeler que dans les cas de violence conjugale, dans près de 80% des cas, l'homme est alcoolodépendant. «En fonctionnant comme désinhibiteur, l'alcool empêche la personne de se projeter, d'anticiper son acte.»

Sans vouloir se prononcer sur le cas précis, le médecin précise que si l'alcool est combiné à une personnalité de type impulsive, et à une frustration par exemple, toute perspective, toute distance est notablement altérée. Selon le spécialiste, même s'il est frappant de se retrouver dans un tel état pour une broutille - ce qui est pour l'instant la thèse avancée par l'enquête -, la frustration peut cependant émaner de très peu de chose. «C'est vrai que le contentieux paraît minime et que ce temps écoulé en dehors du lieu du crime pourrait permettre de se rétracter dans son projet.

Mais s'il n'était pas accompagné par une personne sobre, par exemple, qui aurait pu s'interposer, il est tout à fait possible que la conjonction de plusieurs facteurs l'ait empêché de sortir de sa détermination.» Ainsi, le fait de sortir marcher dans la rue peut dans certains cas avoir un effet apaisant, mais celui chez qui un délire s'est déclenché ne va pas toujours voir sa violence se dissiper. Le fait qu'il possédait une arme à la maison n'est peut-être pas anodin non plus. «Il y a des gens qui ont des fantasmes de violence, qui sont réprimés en temps normal. Et, sous l'effet de l'alcool, ils s'autorisent à passer à l'acte.»

Le Matin 

Le matin.ch

http://www.lematin.ch/actu/suisse/geste-fatal-broutille-167217



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