Les jours des cabines de bronzage françaises sont-ils comptés? Dans un avis rendu mercredi, l'Agence nationale de sécurité sanitaire française (Anses) a demandé "aux pouvoirs publics de prendre toute mesure de nature à faire cesser l'exposition de la population aux UV artificiels" devant le risque de cancer "avéré".
"On recommande l'arrêt de l'activité liée au bronzage artificiel, et aussi l'arrêt de la vente d'appareils délivrant des UV à visée esthétique notamment aux particuliers", a expliqué Olivier Merckel, chef de l'unité d'évaluation des risques aux agents physiques à l'Anses, qui a suivi l'expertise. Et chez nous? Rappelons qu'en Belgique, depuis avril 2017, les centres de banc solaire sont déjà tenus de placer des avertissements en matière de santé à leur entrée ainsi que dans chaque cabine, à la suite d'une décision du ministre des Consommateurs, Kris Peeters.
Celle-ci est toutefois jugée insuffisante par les experts belges et il est vrai que ces avertissements sont encore souvent ignorés par les clients et les accros au bronzage. Des contrôles dans le secteur ont en effet livré des résultats dramatiques. Sur les 199 centres inspectés en 2016, seuls 12 étaient tout à fait en ordre. Et 40% des Belges pensent encore, à tort, que les bancs solaires aident à "préparer la peau au soleil". Pour restreindre le recours aux cabines de bronzage, "nous allons instaurer une obligation d'obtenir l'autorisation d'un médecin pour pouvoir faire du banc solaire.
Elle sera en vigueur en janvier 2019", avait indiqué le porte-parole du ministre en novembre 2017. D'autre part, depuis décembre de l'année dernière, les mineurs et les personnes du type de peau 1 (peau très claire, N.D.L.R.), n'y sont plus admises. Le type de peau 1 peut être actuellement déterminé à l'aide d'un questionnaire, mais M. Peeters souhaite aller plus loin dès 2019.
Les solariums devront s'équiper d'un appareil déterminant le type de peau. A défaut, les clients devront recevoir une attestation de leur médecin. Mais les dernières compilations d'études scientifiques en France démontrent qu'il y a urgence et que l'interdiction pure et simple s'impose. "On ne peut plus attendre, les preuves s'accumulent"
Dans un précédent avis en 2014, l'Anses recommandait por sa part déjà "la cessation à terme de tout usage commercial du bronzage par UV artificiels" et jugeait que la dernière réglementation française en date (2013) "constituait une réponse partielle et insuffisante au regard du risque avéré de cancers cutanés pour les utilisateurs".
"On ne peut plus attendre", a souligné Olivier Merckel. "Les données scientifiques s'accumulent, il n'y a plus de doute, on a des preuves solides, le risque de cancer est avéré, on a des données chiffrées sur les risques pour les jeunes, pour toute la population, maintenant on recommande une action des pouvoirs publics".
L'interdiction des cabines de bronzage est demandée depuis 2015 par les dermatologues, l'Académie de médecine et même les sénateurs, mais sans être suivie à ce jour par le gouvernement, qui s'est comme en Belgique contenté de durcir leur réglementation. Le Centre international de recherche sur le cancer a déclaré "cancérogènes certains" les rayonnements artificiels depuis 2009.
L'Anses relève "qu'aucune valeur limite d'irradiance ou de dose ne peut être fixée pour protéger les utilisateurs". "Les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant l'âge de 35 ans augmentent de 59% le risque de développer un mélanome cutané. En France, il a été estimé que 43% des mélanomes chez les jeunes pouvaient être attibués à une utilisation de ces cabines avant l'âge de 30 ans", a souligné l'agence.
La protection contre les coups de soleil, une dangereuse illusion Olivier Merckel a rappelé que la réglementation interdisait la pratique du bronzage en cabines aux mineurs, "or les contrôles montrent qu'il y a encore une fraction non négligeables des moins de 18 ans qui le pratiquent". Selon un calcul récent publié par l'Agence, en France en 2015, chez les adultes de plus de 30 ans, 10.340 cas de mélanomes pouvaient être attribués à l'exposition solaire et 382 cas de mélanomes à l'exposition aux appareils de bronzage (1,5% des cas de mélanomes chez les hommes et 4,6% chez les femmes).
Outre le risque de cancer, les rayonnements artificiels non seulement "ne préparent pas la peau" au bronzage, "ne protègent pas des coups de soleil", "ne permettent pas un apport significatif de vitamine D" mais provoquent un vieillissement de la peau "quatre fois plus rapide avec les lampes de bronzage qu'avec le soleil". "Les UV à fin esthétique ne présentent aucun bénéfice", martèle Olivier Merckel.
Selon le Syndicat national des professionnels du bronzage en cabine, "l'activité a été divisée par deux depuis 2009 et la polémique sur les risques des UV". On compterait aujourd'hui 4.500 établissements en France dont 300 centres de bronzage spécialisés, les autres le proposant en activité secondaire. 63% des 982 cabines contrôlées en 2016 par la DGCCRF se sont révélées non conformes en raison de manquements à la sécurité ou de non respect de la réglementation, qui interdit la publicité et les promotions. Interdiction pure et simple en France?
Certains appareils n'avaient fait l'objet d'aucun contrôle technique depuis 7 ans, ou étaient opérés par des personnels sans aucune formation ni aucun diplôme d'esthétique. Le Brésil et l'Australie ont interdit les cabines de bronzage. "Faut-il les supprimer? Les reconvertir? Ce n'est pas à nous de décider mais aux pouvoirs publics", selon le chef de l'unité d'évaluation des risques. Le ministère de la Santé n'a pas encore défini sa décision après l'avis transmis il y a "quelques jours".
1 Commentaires
Anonyme
En Octobre, 2018 (12:20 PM)Participer à la Discussion