Fin 2023, Joseph David Emerson est simple passager sur un vol d'Alaska Airlines. Mais sous l'emprise de champignons hallucinogènes, et alors qu'il est autorisé à s'asseoir sur le strapontin du cockpit, lui vient un coup de folie.
C'est une affaire sans précédent dans l'histoire du transport aérien, une affaire qui aurait pu se transformer en drame. En octobre 2023, Joseph David Emerson, 44 ans et pilote de ligne, voyage en tant que simple passager sur un vol intérieur de sa compagnie Alaska Airlines entre Everett, dans l'Etat de Washington, et San Francisco.
Comme souvent quand un pilote maison est à bord, on l'autorise à s'installer sur le strapontin dans le cockpit.
Mais alors que l'avion est en plein vol, l'homme lance au commandement de bord, "je ne vais pas bien", puis tente de saisir les deux poignées rouges permettant d'activer le système anti-incendie de l'avion, ce qui aurait eu pour effet de couper l'alimentation en carburant des moteurs.
"Vous devez me menotter"
L'équipage réussit néanmoins à l'empêcher de tirer ces poignées, et lui ordonne de sortir du cockpit. Il rejoint alors calmement la cabine et lance à une hôtesse: "vous devez me menotter tout de suite ou ça va mal se passer".
L'avion et ses 80 personnes à bord est alors dérouté, atterrit à Portland, et l'homme est arrêté par la police. On apprendra un peu plus tard qu'il avait consommé des champignons hallucinogènes 48h avant le vol et qu'il souffrait de dépression.
"J'ai tiré sur les deux poignées d'arrêt d'urgence parce que je pensais que je rêvais et que je voulais me réveiller", explique-t-il aux forces de l'ordre, selon la plainte pénale.
Il est inculpé pour tentative de meurtre, mise en danger de la vie d'autrui et mise en danger d'un avion.
Presque un an plus tard, Joseph David Emerson s'est confié lors d'un long entretien à la chaîne américaine ABC.
C'est "la plus grande erreur de ma vie", reconnaît-il, tout en mettant en avant un état dépressif après la mort de son meilleur ami, Scott, un pilote décédé six ans plus tôt lors d'une course.
Le sentiment "d'être piégé"
Il estime que les effets des champignons hallucinogènes étaient toujours présents lorsqu'il a pris cet avion.
"J'avais le sentiment d'être piégé, comme si je me disais: 'Suis-je piégé dans cet avion et maintenant, je ne rentrerai jamais chez moi?'", raconte-t-il alors qu'il est assis dans le cockpit.
Puis se renforce sa conviction paranoïaque que "ce n'est pas réel, je ne vais pas vraiment rentrer chez moi... Jusqu'à ce que je sois complètement convaincu que rien de tout cela n'était réel".
"C'est à ce moment-là que j'ai jeté mon casque et j'étais totalement convaincu que ce n'était pas réel et que je ne rentrerais pas chez moi", se souvient-il. "Et puis, comme les pilotes n'ont pas réagi à mon comportement complètement anormal d'une manière que je pensais cohérente avec la réalité, c'est à ce moment-là que je me suis dit que ce n'était pas réel".
"Ce que je pensais, c'est: 'Cela va me réveiller'. Je sais à quoi servent ces leviers dans un vrai avion et j'ai besoin de me réveiller avec ça. Vous savez, ce sont 30 secondes de ma vie que j'aimerais pouvoir changer, et je ne peux pas".
Un cadeau
Mais lorsqu'il est retourné dans la cabine, la crise était loin d'être terminée. "À un moment donné, j'ai pensé que ce n'était peut-être pas réel, et que je pouvais peut-être me réveiller en sautant". Il tente alors d'ouvrir une des issues de la cabine.
"J'ai mis ma main sur le levier, mais je ne l'ai pas actionné", se souvient-il, et à ce moment-là, un agent de bord l'a arrêté, avant de le menotter.
Emerson a passé les 45 jours suivants en prison avant d'être libéré sous caution.
Le médecin de la prison lui a expliqué plus tard qu'il souffrait d'une maladie appelée trouble de la perception persistante des hallucinogènes (HPPD), qui peut provoquer chez une personne qui consomme des champignons psychédéliques pour la première fois des hallucinations visuelles persistantes ou des problèmes de perception pendant plusieurs jours.
Bien qu'il ne soit plus accusé de tentative de meurtre, il fait toujours face à plus de 80 chefs d'accusation. Il pourrait bénéficier d'un accord de plaider-coupable. Son procès devrait avoir lieu cet automne.
"En fin de compte, j'accepte la responsabilité des choix que j'ai faits. Ce sont mes choix. Ce que j'espère, c'est que l'intégralité de ce qui s'est passé, pas seulement 30 secondes, mais l'intégralité de mon expérience, soit prise en compte. Et j'accepterai la dette que j'aurai à payer à la société", conclut-il.
Commentaires (0)
Participer à la Discussion